Ce 13 avril 2023, EDF a annoncé un « moratoire » sur ses embauches en 2023, les gelant pour l’instant, afin de faire face à « sa situation financière difficile ». L’énergéticien cherche-t-il, en brandissant ce qui ressemble à une menace, à obtenir un coup de pouce gouvernemental (notamment sur le front de l’Arenh), à l’heure de la relance du programme nucléaire ?
Face à des pertes record, EDF annonce un gel (temporaire ?) des embauches en 2023
Un porte-parole d’EDF a confirmé, ce 13 avril 2023, les informations du journal Les Echos : oui, l’énergéticien va geler ses embauches en 2023, en raison de « sa situation financière difficile », le temps de « faire un état des lieux de ses besoins en personnel ».
« Il y a donc un moratoire sur les embauches pour 2023 », même si « l’idée n’est pas de suspendre » les recrutements « toute l’année », précise cette source. L’annonce aurait été faite en interne via un courriel du directeur des RH à ses équipes.
Cette annonce peut surprendre, dans un contexte où EDF, en pleine nationalisation, est face à d’importants défis industriels : l’énergéticien doit, tout à la fois, achever les contrôles et réparations face au soucis de corrosion sous contrainte (dont l’ampleur avait probablement été sous-évaluée), poursuive les travaux de prolongement de la durée de vie du parc nucléaire français actuel, lancer la construction de nouveaux réacteurs EPR2 (six d’ici 2035, plus huit en option), tout en continuant d’investir dans les renouvelables, via sa filiale dédiée.
« Geler les embauches au regard des enjeux industriels qui attendent EDF, ça n’a aucun sens », a d’ailleurs pointé la secrétaire nationale CFE-Energie d’EDF, Amélie Henri. Le groupe attribue ce moratoire aux pertes records de 17,9 milliards d’euros enregistrées en 2022.
L’Arenh, source des maux financiers d’EDF, doit-il être abrogé ?
Mais cette annonce est peut-être (sans doute ?) un moyen de mettre la pression sur le gouvernement, jugé responsable des déboires financiers de l’énergéticien, qu’il attribue essentiellement à l’Arenh et à son relèvement l’année dernière.
Ce mécanisme oblige EDF à revendre à prix fixe une part de sa production nucléaire à ses concurrents fournisseurs d’électricité (dont certains ne possèdent aucun moyen de production électrique sur le territoire français). Ce montant, situé le plus souvent bien en-dessous des prix de marché, permet de créer une forme de concurrence, qui était censée tirer les prix vers le bas.
Mais l’Arenh serait devenu, selon l’ancien PDG d’EDF Jean-Bernard Lévy, un « poison » pour la rentabilité de l’énergéticien. Son successeur Luc Rémont reste sur cette ligne, quoiqu’avec des mots plus diplomates, expliquant que l’Arenh induit « une sous-rémunération de l’entreprise ».
Qui plus est, le gouvernement a décidé, en début d’année dernière, de relever le niveau d’Arenh de 100 à 120 TWh, forçant EDF à acheter de l’électricité à prix d’or sur les marchés pour ensuite la revendre à prix cassé à ses concurrents. EDF demande avec insistance la fin de ce mécanisme, imposé par l’Union européenne au nom de la concurrence et de l’ouverture des marchés.
Le contexte y semble favorable, après le rendu d’un récent rapport explosif sur la perte de souveraineté énergétique de la France, qui réclame justement la fin de l’Arenh. Cela signerait certes l’arrêt de mort de plusieurs fournisseurs « alternatifs », mais face aux enjeux du changement climatique, de la décarbonation et, donc, de l’augmentation de la production d’électricité bas carbone nationale, la question mérite d’être posée.
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