À l’état naturel, l’uranium est un métal lourd faiblement radioactif qui ne peut pas servir de combustible pour une centrale nucléaire. Il doit donc être préalablement enrichi. Focus sur les différentes technologies qui permettent ce processus et sur les principaux acteurs du marché de l’enrichissement.
L’uranium à l’état naturel
L’uranium est un métal lourd que l’on trouve dans le sous-sol terrestre, en moyenne à hauteur de trois grammes par tonne. S’il n’est pas particulièrement rare (les gisements d’or sont mille fois moins importants que les gisements d’uranium à l’échelle de la planète), l’uranium ne se trouve pas à l’état pur dans la nature mais il est contenu dans certains minerais. Les principaux gisements, là où la concentration d’uranium est la plus forte, sont souvent situés dans les massifs granitiques d’Afrique, d’Australie, d’Asie Centrale et d’Amérique du Nord. Il existe de petits gisements français, notamment dans le Limousin et en Vendée mais ils sont presque épuisés.
La teneur en uranium du minerai extrait demeure faible, y compris dans les meilleurs gisements mondiaux. Il faut donc avant tout procéder à une concentration du minerai. Cette étape consiste à le broyer finement puis à le dissoudre dans une solution acide. À la suite de cette opération, le liquide obtenu est filtré et séché pour donner une pâte jaune, le « yellow cake », qui contient 75% d’uranium. Pour obtenir un uranium quasiment pur, il faut raffiner le « yellow cake » afin d’élimer les impuretés restantes.
L’étape incontournable de l’enrichissement de l’uranium
Cet uranium purifié grâce à la chimie n’en demeure pas moins naturel et donc inutilisable comme combustible pour une centrale nucléaire. En effet l’uranium est composé de trois isotopes principaux : l’isotope 238, l’isotope 235 et l’isotope 234. L’isotope 238 est de loin le plus abondant puisqu’il représente 993 grammes d’un kilo d’uranium naturel purifié. L’isotope 235 constitue les 7 grammes restants, la présence de l’isotope 234 étant infime. Or seul l’isotope 235 est fissile, ce qui signifie que son noyau peut subir la fission capable de produire la réaction nucléaire nécessaire pour alimenter une centrale électrique, grâce à une réaction en chaîne.
Le taux d’isotope 235 dans l’uranium purifié (0,7%) est trop faible pour servir de combustible dans la plupart des modèles de réacteurs nucléaires actuels. Il doit par conséquent être porté entre 3 et 5% pour une utilisation à des fins de production énergétique. C’est l’étape de l’enrichissement.
Les différentes technologies d’enrichissement
En vue de son enrichissement, l’uranium purifié solide doit préalablement être converti sous forme gazeuse grâce à un traitement chimique complexe. Cet hexafluorure d’uranium, ou UF6, doit être maintenu à une température de 56,4 degrés pour ne pas redevenir solide. Dès lors, il existe deux moyens d’enrichir l’uranium à l’échelle industrielle. Dans les deux cas, ces méthodes consistent à séparer isotopes 238 et isotopes 235 présents dans l’hexafluorure d’uranium, une tâche ardue sachant que leurs propriétés chimiques sont semblables et que seule une très légère différence de masse permet de les distinguer.
La diffusion gazeuse consiste à faire passer l’UF6 à travers des membranes poreuses percées de minuscules trous. Comme l’isotope 235 est plus léger, ses molécules passent à travers la membrane plus rapidement. La concentration du gaz en isotope 235 augmente donc au fur et à mesure des passages à travers les différentes membranes. Mais l’opération doit être répétée 1400 fois pour obtenir la concentration souhaitée. Cette technique est la plus ancienne mais elle est extrêmement énergivore. Elle est donc de moins en moins utilisée.
Dans le cas de l’ultracentrifugation, une centrifugeuse permet de faire tourner l’hexafluorure d’uranium à très grande vitesse. Les molécules d’isotope 238 plus lourdes sont plus rapidement déportées à la périphérie du tourbillon, donc les molécules d’isotope 235 plus légères se retrouvent concentrées en son centre. Mais la manœuvre doit également être répétée de nombreuses fois pour que le gaz atteigne le taux de concentration voulu, généralement grâce à de très nombreuses centrifugeuses montées en cascade. Désormais mature, cette technique a pris le pas sur la diffusion gazeuse car elle consomme beaucoup moins d’électricité tout en étant plus sûre selon l’ASN.
Il faut environ dix tonnes d’uranium naturel pour produire une tonne d’uranium enrichi à 5%. Un réacteur de 900 MW à eau sous pression consomme par exemple 27 tonnes d’uranium enrichi par an.
Focus sur l’usine Georges-Besse II en France
Mise en service en 1979, l’usine d’enrichissement Eurodif du Tricastin dans la Drome, renommé par la suite Georges-Besse, a définitivement cessé son activité en 2012. Elle permettait d’enrichir l’uranium en France grâce à la technique de la diffusion gazeuse, qui nous l’avons dit précédemment est extrêmement énergivore. À pleine puissance, le moteur électrique qui servait à mouvoir la cascade de 1400 étages de l’usine d’enrichissement consommait l’équivalent de la production de trois des quatre réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin !
Pour prendre le relais d’Eurodif, le groupe Orano (ex-Areva) a opté pour la technologie de l’ultracentrifugation dont les performances se sont entre-temps considérablement améliorées.
Mise en service en 2011 sur le même site, l’usine Georges-Besse II a désormais atteint se pleine capacité de production, à savoir 7,5 millions d’UTS par an. Elle consomme 50 fois moins d’électricité que l’ancienne usine. Préalablement à l’enrichissement, les phases de raffinage et de conversion sont réalisées sur le site de Malvési, dans l’Aude.
Qui sont les acteurs du marché de l’enrichissement de l’uranium ?
Le marché mondial de l’enrichissement d’uranium est dominé par quatre acteurs. Le russe Rosatom est numéro 1 mondial du secteur et détient plus de 40% des capacités d’enrichissement exprimées en UTS (Unité de travail de séparation des isotopes pour enrichir l’uranium). Le groupe européen Urenco possède quatre sites d’enrichissement en Angleterre, en Allemagne, aux Pays-Bas et aux Etats-Unis, qui représentent plus de 30% des capacités d’enrichissement mondiales. Et avec près de 13% des capacités mondiales, le français Orano est le numéro 3 du secteur de l’enrichissement de l’uranium devant l’entreprise chinoise CNNC qui possèdent environ 9% des capacités. Environ 60% de l’activité d’Orano est destinée à l’exportation.
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« cette technique a pris le pas sur la diffusion gazeuse car elle consomme beaucoup d’électricité »
il manque un moins, beaucoup moins…
Merci beaucoup pour avoir repéré ce petit manquement. oubli corrigé !
Bonne continuation sur L’Energeek