Ce lundi 25 octobre 2021, RTE a remis son rapport sur les différents scénarios de mix électrique permettant d’atteindre la neutralité carbone en 2050 en France. Il explore six options, et, si le développement des EnR intermittents est jugé indispensable pour électrifier tous les usages, investir massivement dans le nucléaire (14 nouveaux EPR) est le scénario à la fois le plus économique et le plus sûr technologiquement.
Selon RTE, pour atteindre la neutralité carbone en 2050, la France doit s’appuyer sur l’électricité, via un mix de nouveau nucléaire et d’EnR
Après 2 ans de travaux, 40 réunions techniques et pas moins de 4 000 contributions, RTE a enfin remis au président de la République, ce 25 octobre 2021, son rapport sur les implications d’un système électrique permettant d’atteindre la neutralité carbone en 2050 : il détaille six scénarios avec une part plus ou moins grande de renouvelables et de nucléaire. Un rapport d’une ampleur inédite en Europe.
Sa première conclusion est sans surprise : pour décarboner son mix énergétique, la France devra s’appuyer massivement sur l’électricité, et réduire drastiquement sa consommation énergétique. Les énergies fossiles représentent encore, en 2020, 63% des 1 600 TWh consommée en France, contre 25% pour l’électricité (449 TWh). Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, l’électricité devra couvrir 55% des 930 TWh d’énergie consommée, soit 645 TWh.
L’électrification est en effet le principal levier pour décarboner de nombreux secteurs (transport, bâtiment, industrie), soit directement, soit via l’usage d’hydrogène vert produit par électrolyse de l’eau. Le défi est donc d’augmenter fortement la production électrique, sans avoir recours à de nouvelles centrales thermiques, en sachant qu’une majorité des réacteurs nucléaires en activité seront arrivés, en 2050, en fin de vie, même en les prolongeant au maximum (60 ans), et que le potentiel hydro-électrique français est presque entièrement valorisé.
RTE a donc défini six scénarios de neutralité carbone, allant de 100% de renouvelables en 2050 (avec sortie du nucléaire), jusqu’à la construction de 14 nouveaux EPR d’ici 2050. Et la conclusion de RTE est sans appel, et loin des positions idéologiques réclamant un tout-nucléaire ou un tout-renouvelable : « Si nous voulons être à l’heure des objectifs climatiques en 2030 puis 2050, à un coût maîtrisé et sans prendre le risque d’être exposé à des technologies encore peu matures, nucléaire et énergies renouvelables devront s’entendre dans les prochaines années », affirme ainsi Xavier Piechaczyk, le président du directoire de RTE.
Les EnR : indispensables, mais trop coûteuses seules
Le premier enseignement de ce rapport est en effet que, même dans le scénario N03, qui propose le développement le plus massif possible du nucléaire (prolongation de 60 ans des réacteurs de seconde génération, construction volontariste d’EPR 2 et de SMR), l’atome n’atteindrait que 50 GW de capacité en 2050, soit environ 50% des besoins électriques à cette date.
Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, la France n’a donc pas le choix : elle doit investir largement dans les renouvelables, en particulier pour la période 2020-2035 (puisqu’il faudra au moins attendre 2035 pour voir un nouveau réacteur nucléaire entrer en service), cruciale selon le Giec.
En revanche, le scénario de 100% renouvelables en 2050 semble irréaliste. Il nécessiterait en effet un développement des EnR plus véloce que les pays européens les plus rapides sur le sujet. Et surtout il imposerait d’énormes coûts associés, ainsi que la construction d’entre 40 et 60 nouvelles centrales thermiques au biogaz.
Certes, les coûts de l’éolien et ldu photovoltaïque sont en chute libre. Mais leur variabilité impose, s’ils deviennent majoritaire dans le mix électrique, de très lourds investissements pour assurer la stabilité des réseaux électriques (via l’équilibre constant entre la production et la consommation) et la régularité de l’approvisionnement.
Entre les nouvelles interconnexions, les outils de flexibilité et de pilotage de la demande, les moyens de stockage (STEP, batteries…) et de nouvelles centrales thermiques à hydrogène ou biogaz, la facture s’avérerait très lourde. Elle serait beaucoup plus raisonnable en développant de nouvelles capacités nucléaires.
Les scénarios les plus compétitifs impliquent de construire de nouveaux réacteurs nucléaires
« Les scénarios comprenant de nouveaux réacteurs nucléaires apparaissent plus compétitifs », résume ainsi RTE. Le gestionnaire du réseau de transport estime le différentiel de coût annuel à 10 milliard d’euros entre un scénario de construction de 14 nouveaux EPR (avec une prolongation des réacteurs actuels jusqu’à 60 ans et des investissements d’importance dans les EnR) et un scénario à 87% de renouvelables s’appuyant essentiellement sur des grands parcs éoliens et photovoltaïques (sans nouveau nucléaire, en prolongeant les réacteurs actuels jusqu’à 60 ans).
Dans le cas d’un scénario avec davantage d’EnR diffus (photovoltaïque en toiture par exemple), le différentiel gonflerait même à 14 milliards d’euros. Cette évaluation s’appuie sur les coûts des EPR 2 estimés par EDF.
Mais même en supposant que tous les nouveaux EPR aient un coût final équivalent à celui de Flamanville, dont la facture a explosé, – un scénario très peu probable, les EPR 2 conçus par EDF et Framatome étant beaucoup plus « simples » et normalisés que le prototype de Flamanville -, le scénario s’appuyant sur 14 nouveaux EPR et des SMR resterait plus économique que le moins cher des scénario favorisant les EnR.
Mais la bonne nouvelle du rapport, c’est que ces scénarios sont réalisables sans une explosion des coûts, en particulier de l’électricité. « Le système électrique demain devient plus coûteux, et c’est normal, car il est plus gros et l’électricité devient dominante. Mais dans nos calculs de référence, quand on rapporte au MWh consommé, nous sommes entre quelques pourcents et 30% pour certains scénarios » à horizon 2060, détaille RTE. Le scénario N03 (avec 50% de nucléaire) ne dépasserait ainsi pas les 15% de hausse par MWh.
De lourds investissements à prévoir, qui seront largement rentabilisés par les économies réalisées
Certes les investissements demeurent importants, de l’ordre de 750 à 1 000 milliards d’euros sur 40 ans. Mais ils permettraient de réduire progressivement les importations de combustibles fossiles, soit des économies rapidement nettement supérieures à ces investissements. Le coût de l’électricité sera également plus stable. Par ailleurs, une neutralité carbone signifie aussi une meilleure qualité de l’air, et des dépenses liées à la pollution (notamment de santé) bien plus faibles.
RTE reconnaît certes que ce rapport s’appuie sur des prévisions sur l’économie, la démographie et le coût des technologies et des matières premières qui n’ont rien de garantis. Pour autant, les ordres de grandeur restent valables, et les comparatifs entre les différents scénarios crédibles.
RTE conclue enfin sur la nécessité d’agir le plus vite possible : « Il y a urgence à décarboner nos usages, il y a urgence à électrifier l’économie car cela sert la décarbonation. Il y a aussi urgence à prendre les orientations sur notre futur mix électrique. Car plus tôt ces orientations seront prises, plus vite nous serons en ordre de marche vers nos objectifs climatiques. Si on ne les prend pas maintenant, on aura probablement du mal à être au rendez-vous de la neutralité carbone à horizon 2050, ou encore de la réduction des émissions de 55% d’ici 2030 que prévoit l’Union européenne », explique ainsi le patron de RTE Xavier Piechaczyk.
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