La Commission européenne a présenté il y a quelques jours son “pacte vert”, qui vise à faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre à horizon 2050. Alors que le bâtiment représente toujours 20% des émissions de CO2 en France, la transformation du secteur représente un enjeu essentiel pour atteindre les objectifs énergétiques et climatiques de la France. C’est ce que souligne la filière électrique dans son étude “L’électricité au coeur du bâtiment performant”, dans laquelle elle fait état des leviers à actionner pour accélérer l’évolution des bâtiments. Anne Valachs, directrice générale du SERCE (Syndicat professionnel des entreprises de la transition énergétique et numérique), a répondu aux questions de L’EnerGeek.
-
La filière électrique a dévoilé son étude dans un contexte déterminant pour l’avenir climatique de l’Europe…
La COP 25 et les réflexions de la nouvelle Commission européenne sont des opportunités de faire le point sur les objectifs qui ont été fixés dans le cadre de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), de la PPE, et de la loi Energie-Climat.
C’est un fait : la France n’atteint pas ses objectifs. La publication de l’étude à ce moment clé était aussi un moyen pour nous de le rappeler, et de faire des propositions d’actions qu’il est justement possible de mener pour arriver au respect de ces objectifs.
-
Pour quelles raisons les objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre ne sont pas atteints aujourd’hui dans le bâtiment ?
La France n’atteint pas ses objectifs dans le domaine du bâtiment pour plusieurs raisons. D’abord, parce que la Réglementation thermique 2012 en favorisant le gaz dans le logement collectif, a engendré un impact sur les émissions de gaz à effet de serre. Dans le domaine du résidentiel individuel, on se heurte par ailleurs à une politique chaotique de soutien à la rénovation des logements. Les particuliers ne connaissent pas bien les dispositifs de financement dont ils peuvent disposer et ne sont pas suffisamment accompagnés pour mener ces opérations de rénovation. Et puis, faute de contrôle efficace, certaines rénovations ne conduisent pas à une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre.
Dans le tertiaire, on a encore trop peu de rénovations. C’est d’ailleurs l’enjeu du “décret tertiaire” sorti au mois de juillet 2019 et dont l’arrêté sera publié l’année prochaine. Il faut faire plus de rénovations, en les associant à des équipements de pilotage performants, pour réduire effectivement les émissions.
-
Lors du colloque organisé par l’UFE, Olivier David a déclaré qu’il fallait “que nous arrêtions d’avoir l’électricité honteuse dans le bâtiment”. En quoi l’électricité peut-elle aider la France à atteindre ses objectifs de décarbonation ?
Ce que l’on veut c’est consommer moins, mieux, et réduire les gaz à effet de serre. Pour cela, il faut arriver à supprimer le recours aux énergies fossiles. Quoi qu’on en dise, le gaz reste une énergie fossile. Le gaz vert se développe mais pas suffisamment. D’un autre côté, l’électricité en France a la particularité d’être très largement décarbonée. Si on développe les énergies renouvelables que ce soit par l’hydro-électrique, le photovoltaïque, l’éolien, la géothermie… on peut arriver à avoir un impact important sur la réduction des gaz à effet de serre.
Pour le résidentiel, les pompes à chaleur, avec la géothermie, les réseaux de chaleur vertueux c’est-à-dire ceux qui s’appuient sur de l’énergie renouvelable sont autant de leviers pour réduire significativement nos gaz à effet de serre. Tout comme le développement de l’autoconsommation collective, l’installation de système de chauffe-eau thermodynamiques, le solaire thermique qui peuvent amener des gains importants.
Par ailleurs, il existe des synergies importantes entre le bâtiment et la mobilité électrique. Un bâtiment intelligent piloté permet de recharger des véhicules électriques à des moments ou le bâtiment consomme moins. Il est évident que l’électricité est une énergie essentielle en termes d’efficacité énergétique. La RE2020 en tient compte dans le neuf mais ce serait bien aussi que la rénovation soit concernée.
-
Certains acteurs dénoncent le coefficient d’énergie primaire de l’électricité qui la pénalise. Quelle est votre position ?
Ce coefficient, qui s’inscrit dans une histoire de l’électricité, nous interpelle aujourd’hui compte tenu des réflexions que l’on a sur l’évolution du climat, sur l’impact carbone, sur la nécessité de baisser les gaz à effet de serre.
À terme, le coefficient d’énergie primaire est un concept qu’il faudrait supprimer, car il n’a plus de sens aujourd’hui. Il faudrait plutôt développer des indicateurs qui seraient liés à l’empreinte carbone du bâtiment, qui est directement corrélée au vecteur énergétique utilisé (facteur d’émission) et au volume consommé. On voit bien dans les textes que ce qu’on prend en compte c’est l’énergie finale.. Nous sommes pour sortir de ce débat qui est un débat de l’Ancien Monde.
-
Comment parvenir à une maîtrise des coûts énergétiques dans le bâtiment ?
L’objectif de maîtrise des coûts doit s’inscrire dans un projet global et notamment dans un schéma de rénovation des habitations et des bâtiments tertiaires. À partir du moment où vous avez des équipements plus performants et une gestion active de ces équipements, vous pouvez faire de l’efficacité énergétique. En effet, quand vous diminuez vos consommations, vous diminuez les coûts associés. Concilier réduction des émissions et des coûts est un objectif tout à fait atteignable. Les pompes à chaleur alimentées par de l’électricité renouvelable sont un moyen plus écologique et économique pour assurer les besoins de chauffage. Alimentées par des énergies renouvelables, elles présentent un bilan environnemental impeccable.
Par ailleurs, des solutions de smart home reposant sur l’association entre numérique et électricité se développent dans le logement. Elles permettent de mettre en place une véritable gestion énergétique à partir d’un téléphone, qu’il s’agisse du chauffage, ou de l’éclairage… Dans les bâtiments tertiaires aussi, il est possible de mettre en place des plateformes d’hypervision pour piloter la consommation énergétique de bout en bout. Par exemple, en veillant à ne pas chauffer le week-end quand il n’y a personne et à arrêter l’éclairage quand les gens sont sortis du bureau. Des capteurs permettent aussi de gérer tout ce qui est lié à la qualité de l’air et à la ventilation du bâtiment.
Donc la maîtrise des coûts énergétiques est liée à l’efficacité énergétique que vous mettez en place dans vos logements et dans vos bâtiments. L’électricité est en ce sens un moteur de cette efficacité énergétique. Il faut arrêter de parler de grille-pain, ça n’existe plus ! Les radiateurs sont aujourd’hui pilotables, et de plus en plus de solutions innovantes sont intégrées dans la rénovation des bâtiments afin de gérer l’intermittence des usages et permettre de ne consommer que lorsque c’est nécessaire. C’est pourquoi il est important qu’on informe les Français et qu’ils soient accompagnés dans ces projets-là.
-
Comment le bâtiment peut-il s’adapter ?
Le bâtiment neuf est dans une phase de progrès, à la faveur de l’évolution de la réglementation. On peut espérer qu’il sera à énergie positive dans quelques années. Le grand défi repose sur la rénovation du bâtiment. Il est nécessaire que la réglementation accompagne les rénovations pour garantir la prise en compte de l’impact carbone et de l’efficacité énergétique. C’est essentiel pour qu’on ait des rénovations de qualité qui durent dans le temps. D’où l’importance des contrats de performance énergétique qui permettent de garantir des résultats tout au long de la durée du contrat.
Laisser un commentaire