Partenaire de la 9ème édition du Colloque National Éolien, L’EnerGeek est allé à la rencontre d’une filière qui représente près de 17 000 emplois et qui contribue activement à la densification du réseau énergétique français. Découvrez ainsi comment Tanguy Levesque (Vestas), Julien Suillerot (RES), Frédéric Petit (Siemens Gamesa) participent à l’innovation dans notre pays pour « Make Our Planet Great Again ».
-
Comment vous positionnez vous sur le marché de l’éolien en France (quelle puissance installée, combien d’emplois…) ?
Tanguy Levesque (Vestas) : après 16 ans en France, nous sommes leader du marché éolien avec environ 25% des parts de marché. Au total, cela représente 4 GW de puissance installée, soit 1900 machines et l’équivalent de la consommation électrique de 3,2 millions de ménages, hors chauffage. Le secteur de l’éolien est vraiment créateur d’embauches avec plus de 17 000 emplois en France, dont 430 chez Vestas France, dans un groupe qui compte un total de 24 400 personnes. Sur les 430 personnes, on compte 300 techniciens qui réalisent la maintenance de nos turbines. La disponibilité des machines devant être maximale, nous implantons des équipes en région, au plus proche de nos éoliennes. Ces équipements peuvent être exploités jusqu’à 25 ans après leur mise en service, voire plus en cas de repowering. En 2019, nous pensons réaliser au moins 100 embauches supplémentaires. Vestas est aussi leader sur le marché mondial de l’éolien, nous allons atteindre 100 GW de puissance installée cette année, dans 79 pays différents.
Julien Suillerot (RES) : RES en France c’est l’histoire d’une fusion entre Eol technologie et RES le groupe britannique pionnier dans le développement des énergies renouvelables. Nous disposons d’une solide expertise au sein d’une entreprise qui s’appuie sur 35 années d’expérience. Aujourd’hui, nous sommes implantés un peu partout dans le monde : aux Etats-Unis, en Australie, en France, en Allemagne et évidemment en Angleterre… On développe principalement des projets éoliens, mais aussi et de plus en plus, des projets solaires. Nous conduisons des opérations depuis nos bases de Montpellier, Dijon, Béziers, Paris, Bordeaux ou encore à Lyon. Au total, nous avons développé plus de 720 mégawatts nous avons conservés. Nos territoires de prédilection : la Montagne noire avec la Tramontane, les vallées du Rhône avec le Mistral, se partagent les plus nombreuses installations mais nous développons des puissances significatives dans d’autres régions comme en Bourgogne, Grand Est, Nouvelle Aquitaine…
Frédéric Petit (Siemens Gamesa) : La fusion entre Siemens Wind Power et Gamesa en avril 2017 a été imaginée pour devenir leader sur le marché éolien. Nous sommes par ailleurs le seul acteur en France à être présent sur la totalité des segments du marché de l’éolien, et nous sommes un acteur 100% européen. Au niveau mondial, nous sommes numéro 2 en termes de parts de marché sur l’éolien terrestre, et nous sommes numéro 1 pour l’éolien en mer. Nous avons une base installée sur tous les continents. En France, nous disposons d’une base installée dans l’éolien terrestre supérieure à 1500 mégawatts avec plus d’une centaine d’employés. En plus du projet industriel au Havre pour l’éolien en mer, nous avons également un centre de Recherche et Développement à Rouen. Grâce à cette bonne implantation, sur la seule année 2017, nous avons raccordé 184 MW d’éolien terrestre sur le réseau national. Nous étions donc numéro 4 sur le marché en France.
-
Quelles sont vos perspectives de développement ? Et pour les éoliennes offshore ?
Tanguy Levesque (Vestas) : Nous suivons avec attention les démarches du gouvernement, notamment dans le cadre de la publication de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en novembre 2018. Au sein de Vestas, nous travaillons sur différentes technologies et on observe une baisse drastique des coûts de l’énergie, au cours des 5 dernières années. C’est pourquoi il nous semble logique de poursuivre cette démarche, afin que l’on puisse atteindre l’objectif des 23% d’EnR en 2020. En l’état pourtant, l’objectif semble difficile à atteindre, il faudrait que l’on puisse au moins être en mesure d’installer 2000 MW par an, contre 1700MW aujourd’hui.
Au-delà de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), ce qu’on aimerait obtenir c’est avant tout des procédures de développement un peu plus courtes. Pour installer une éolienne en France il faut compter au minimum 7 ans, entre le moment ou vous démarrez les premières études et où vous voyez les turbines montées.
En France, nous n’avons pas participé aux premiers appels d’offres, mais nous restons attentifs aux futurs projets qui seront menés sur la très vaste façade maritime française. Toutefois, là encore, on peut souligner les importants délais avant la mise en service d’un parc éolien offshore en France. Nous installons en effet quotidiennement des parcs en Europe du Nord.
Julien Suillerot (RES) :Si on doit parler de la PPE ou du marché français de l’éolien en général, il faut rappeler qu’environ 1700 mégawatts ont été raccordés l’année dernière, ce qui est significatif. Toutefois, de nombreux freins demeurent. Prenons un cas concret, si l’on écoute l’armée, une immense partie du territoire ne pourrait pas accueillir d’éoliennes… Seulement de telles restrictions sont pourtant inenvisageables si l’on souhaite sérieusement atteindre les objectifs de la transition énergétique. Par ailleurs, en France, nous installons des éoliennes d’environ 150 mètres, car nous ne pouvons pas opter pour les dernières technologies disponibles sur le marché… Si nous améliorons l’ensemble de ces points perfectibles nous atteindrons très rapidement la parité réseau ; les énergies renouvelables et les éoliennes en particulier sont dans cette dynamique afin de lutter contre le réchauffement climatique à faible coût. RES a d’ailleurs une vision très ambitieuse : un avenir où chacun aura accès à une énergie compétitive et sobre en carbone. . C’est dans cette optique que nous avons lancé le développement de 200 mégawatts de nouveaux projets en 2018, que nous avons demandé les autorisations pour 140 mégawatts et que nous avons obtenus les permis pour 90 mégawatts. Pour 2019, on espère pouvoir augmenter notre capacité installée de plus de 35 mégawatts. Et à l’avenir, nous visons l’installation de 100 mégawatts par an en France.
Frédéric Petit (Siemens Gamesa) : Nous avons des objectifs aussi bien sur le marché terrestre, que sur celui de l’offshore. Dans une perspective de développement, nous espérons avec France Énergie Éolienne que les raccordements atteignent les 2 gigawatts par an sur l’éolien terrestre et surtout que l’on conserve au minimum une stabilité réglementaire pour l’ensemble de la profession. Nous espérons que nous pourrons être proche de cet objectif pour la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). En revanche, sur l’éolien en mer nous restons très attentifs sur les prochains arbitrages de la PPE, qui seront cruciaux pour les professionnels alors que nous avons réussi à démontrer la compétitivité de la filière partout ailleurs en Europe. Si on garde en tête la tendance de nos voisins européens et compte-tenu de l’importante façade maritime métropolitaine française, l’éolien en mer (posé ou flottant) pourrait s’intensifier à rythme d’au moins 1 GW raccordé par an, voire 1500 MW ! A l’échelle du globe, Siemens Gamesa a installé un parc de 11GW depuis l’inauguration de la première ferme d’éoliennes posées en mer, à Vindeby au Danemark en 1991. On est donc leader sur un marché en pleine accélération, et donc en consolidation, notamment du fait de notre présence aussi bien en Europe qu’en Asie, en Chine ou à Taïwan.
Sur l’éolien flottant, nous avons également démontré notre capacité d’innovation. En effet, Siemens Gamesa a été le premier en 2009 à installer un prototype avec Equinor (ex-Statoil) de 2,3 mégawats en Norvège. Nous avons également installé la première ferme pilote à l’été 2017, de 5 éoliennes de 6 mégawatts en Écosse ; il s’agit respectivement des projets Hywind 1 et Hywind 2. En France, nous sommes par ailleurs engagés dans un projet innovant avec EDF Renouvelables. Au large de Fos-sur-Mer, avec le projet Provence Grand Large, nous allons installer prochainement avec EDF Renouvelables 3 éoliennes de 8 mégawatts. Enfin, nous sommes aussi impliqués dans un projet avec Shell et Innogy. Ce qu’il faut comprendre, c’est que les technologies de l’éolien flottant bénéficient du retour d’expérience de l’éolien en mer posé. En revanche, il existe plusieurs options pour les flotteurs ; par exemple les projets Hywind mettent en oeuvre un système SPAR, tandis que pour le projet Provence Grand Large, notre client a opté pour un système de « Tension Late Platform » (TLP) proposé par SBM Offshore. Sur l’éolien en mer posé, nous avons aussi été sélectionnés dans le cadre de trois appels d’offres, 2 via le consortium Les Eoliennes en Mer à savoir pour celui de Dieppe Le Tréport ainsi que sur celui de l’île d’Yeu et de Noirmoutier et enfin à Saint-Brieuc, au sein du consortium Ailes Marines. Nous sommes ainsi impliqués actuellement dans 4 chantiers en France.
-
Que répondez-vous à vos détracteurs qui vous reprochent votre impact sur la biodiversité ou sur la variabilité de votre production ?
Tanguy Levesque (Vestas) : Je vous invite à consulter le sondage qui a été réalisé par Harris Interactive à l’occasion du Colloque National Éolien. D’après ses conclusions, près de 9 Français sur 10 estiment que la transition énergétique est un enjeu prioritaire pour le pays et la planète. Encore récemment, on assistait à la marche citoyenne pour le climat lancée sur Facebook : nous vivons une époque inédite ! Par ailleurs, 73% des Français indiquent avoir une bonne image de l’éolien. Les chiffres sont éloquents si vous me permettez d’en citer quelques-uns : le grand public comme les riverains y voient ainsi d’abord une énergie « propre » (91% des riverains, 87% du grand public) et « inépuisable » (88% vs 84%), « moderne » (86% vs 77%), (…) « permettant de produire de l’énergie toute l’année » (80% vs 72%).
En ce qui concerne la variabilité de la production, la France bénéficie tout d’abord d’un foisonnement de ressources de vent, assurant une constance dans la production, qui représente en moyenne 5% de notre mix électrique.
D’autre part, nous sommes en train de mettre en place des solutions technologiques, qui nous permettront de traiter ce point : citons notamment, les réseaux intelligents, les solutions hybrides, qui regrouperont éoliennes, solaire et stockage, qui apparait comme une composante clé dans cette évolution. Nous installons ainsi un projet en Australie, qui inclut 43MW d’éolien, 15MW de solaire et 2MW de batteries Tesla.
Julien Suillerot (RES) : concernant les critiques qui sont faîtes à l’éolien, après 15 années à exercer dans le secteur, il me semble que la réglementation est suffisamment stricte, et que les contrôles sont suffisamment réguliers afin de préserver l’environnement de nos installations. De plus, avant d’obtenir des autorisations il faut réaliser des études d’impacts. Les projets doivent impérativement respecter un certain nombre de normes environnementales ! Mais si on s’intéresse vraiment à la biodiversité, à la faune et à la flore, on doit bien se résoudre à admettre que les éoliennes qui contribuent à décarboner notre économie, présentent bien plus de bénéfices que de risques.
Par ailleurs, plus nous serons en mesure de déployer des énergies dîtes variables sur le réseau, plus il va falloir développer les réseaux intelligents et le stockage, pour équilibrer la production et la consommation d’électricité. Toutefois, ces défis techniques sont largement à la portée de nos ingénieurs aujourd’hui. Cependant, il est vrai que notre outil de transport de l’électricité à originellement été pensé pour une production centralisée. Or en ce moment, de nouvelles technologies se déploient un peu partout, et il faut que le réseau s’adapte.
Frédéric Petit (Siemens Gamesa) : Comme nous avons une base installée assez significative, nous pouvons tirer des enseignements sur nos parcs éoliens en mer actuellement en prodction. Comme le confirme d’ailleurs de nombreux rapports, en matière de réserves halieutiques, les parcs offshores créent ce qu’on appelle « un effet récif », favorisant le développement des ressources. C’est ce qu’on observe sur les parcs des autres pays d’Europe. Pour la question des oiseaux, il faut évidemment regarder les zones les plus favorables. En France, la décision revient toujours en définitive au préfet maritime, qui peut notamment apprécier les différentes études d’impact. Par ailleurs, nous favorisons toujours le dialogue entre tous les acteurs, y compris avec les comités des pêches ou les riverains.
Par nature, une éolienne va produire s’il y a du vent, tout comme un panneau photovoltaïque va produire s’il y a du soleil. Toutefois, il faut commencer par rappeler que l’éolien a gagné la bataille des coûts. Aujourd’hui, elle est devenue une énergie compétitive ; au-delà de la France, on a déjà vu des appels d’offres attribués à moins de 30 euros le mégawattheure pour l’éolien terrestre. La bataille des prix a donc été gagné par l’éolien. Ensuite, si on parle de variabilité, on doit immédiatement penser aux prévisions. Nous sommes capables d’obtenir 24 heures à l’avance une vision précise de la capacité de production effective. Par ailleurs, nous travaillons également sur un troisième levier : celui du stockage. Siemens Gamesa dispose actuellement d’un prototype installé en Espagne, adapté entre autres au offgrid, c’est-à-dire aux Zones Non Interconnectées à un réseau électrique. En complément, nous testons un autre prototype qui vise à utiliser l’électricité pour produire de la chaleur, qui sera ensuite stockée dans des matériaux réfractaires, en l’occurrence de la roche de lave, pour soit alimenter un réseau de chaleur, soit à produire de la vapeur pour faire tourner un groupe turbo-alternateur afin de générer de l’électricité. Tous les principaux acteurs impliqués dans le secteur de l’énergie travaillent sur la question du stockage, et nous aurons donc inévitablement des solutions toujours plus attractives à l’avenir. De plus, au niveau européen, il existe différents régimes de vent, de telle sorte qu’il arrive que lorsqu’un anticyclone recouvre la France, d’autres pays peuvent contribuer. Et même à un niveau micro, en France, ce ne sont pas les mêmes régimes de vent entre l’Est et le Sud-Ouest de la France. Enfin, il est intéressant de noter que les situations anticycloniques arrivent souvent l’été, autrement dit quand la demande en électricité est moindre et lorsque la production solaire est la plus importante.
Laisser un commentaire