Transition énergétique : la CJUE protège les Etats de l’UE souhaitant sortir des combustibles fossiles

Publié le

Écrit par :

La Rédaction

Temps de lecture: 3 minutes

La transition énergétique impose aux Etats de tourner le dos aux combustibles fossiles. Mais ces choix imposent de rompre unilatéralement ...

transition energetique cjue protege etats combustibles fossiles - L'Energeek
Transition énergétique : la CJUE protège les Etats de l’UE souhaitant sortir des combustibles fossiles - © L'EnerGeek

La transition énergétique impose aux Etats de tourner le dos aux combustibles fossiles. Mais ces choix imposent de rompre unilatéralement des contrats en cours avec des fournisseurs ou producteurs d’énergie. En vertu du Traité sur la charte de l’énergie (TCE), signé notamment par l’Union Européenne, ces industriels peuvent alors demander une réparation du préjudice subi aux Etats. Ce 14 septembre 2021, un article annonce que la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a jugé que ce dispositif n’est « pas applicable » entre investisseurs et Etats de l’Union Européenne.

Le Traité sur la charte de l’énergie (TCE), qui protège les investissements énergétiques à l’étranger, peut imposer de fortes amendes aux Etats en pleine transition énergétique

La question est certes extrêmement technique, mais elle s’avère cruciale dans l’optique de la transition énergétique de l’Union Européenne. En effet, à la fin de la guerre froide, l’Union Européenne a mis en place le Traité sur la charte de l’énergie (TCE), pour créer un cadre juridique contraignant sur les marchés de l’énergie entre l’Union, les pays de l’Est de l’Europe et les anciennes républiques soviétiques, dont la Russie.

Le traité regroupe aujourd’hui une cinquantaine de pays. Il vise notamment à protéger les investissements d’industriels hors de leur territoire. Une entreprise peut donc attaquer un Etat si elle juge que de nouvelles lois et réglementations portent préjudices à ses investissements énergétiques.

Depuis l’entrée en vigueur du TCE, la procédure arbitrale a été utilisé 130 fois, dont 88 dans l’Union Européenne. Les affaires jugées ou en passe de l’être représentent des charges importantes, de l’ordre de 85 milliards de dollars (72 milliards d’euros) pour les Etats poursuivis.

Le plus lu  Électrique : Ford privilégie la puissance à la transition énergétique

Or, ce dispositif est désormais utilisé par des producteurs ou fournisseurs d’énergie pour attaquer des Etats mettant en œuvre une transition énergétique pour limiter ou interdire l’usage des combustibles fossiles.

Le dernier exemple en date est la saisie, par RWE, deuxième fournisseur d’énergie en Allemagne, du Centre International pour le règlement des différends relatifs aux investissement (CIRDI), un organisme dépendant de la Banque mondiale. En invoquant le TCE, l’énergéticien réclame aux Pays-Bas une compensation pour le préjudice lié au choix du pays, acté fin 2019, de sortir du charbon plus rapidement que prévu, et donc de fermer prématurément cinq centrales de RWE.

La CJUE juge que l’arbitrage prévu par le TCE « n’est pas applicable » entre un investisseur et un Etat membres de l’UE

Ces décisions de justice sont de nature à freiner la mise en place de politiques de transition énergétique ambitieuses, alors même que l’urgence climatique impose une action rapide. Elles entrent d’ailleurs en contradiction avec le Green New Deal adopté par l’Union Européenne.

Ce 14 septembre 2021, un article de nos collègues des Echos met en évidence un arrêt de la CJUE sur ce sujet, début septembre 2021. Cet arrêt juge que le dispositif d’arbitrage prévu par le TCE « n’est pas applicable » dans le cas d’un litige opposant un Etat membre de l’UE à un investisseur d’un autre Etat membre de l’UE. En pratique, cela signifierait par exemple que RWE ne peut plus attaquer les Pays-Bas.

Cette décision de la CJUE « tend à désactiver les effets néfastes du traité sur le plan climatique», se félicite Pascal Canfin, président de la Commission environnement du Parlement européen. Pour autant, il note que cet arrêt « relève d’un arbitrage », et n’est donc « pas un jugement ».

Cela signifie que la compétence de la CJUE pourrait être contestée. De plus, l’application de l’arrêt reste limitée aux investissements entre pays de l’UE (qui représentent 81% des investissements protégés par le TCE) : «Il est toujours possible de contourner l’arrêt de la CJUE. Il suffit que que l’entité qui attaque un Etat européen ne soit pas basée sur le territoire de l’UE, mais en dehors de celle-ci, par exemple au Canada ou aux Etats-Unis», note Pascal Canfin.

Le plus lu  Le projet d’oléoduc Keystone bénéficie du feu vert de Trump

Le président de la Commission environnement du Parlement européen milite donc pour une sortie collective de l’Union Européenne du TCE, afin d’éviter tout risque, et protéger les politiques de transition énergétique. Il estime ce chemin praticable, mais semé d’embuches. En attendant, la décision du CIRDI sur le litige RWE-Pays-Bas risque d’être scruté, pour savoir s’il prendra en compte, ou non, cet arrêt de la CJUE.

Laissez un commentaire

Vous aimez cet article ? Partagez !

Avatar
À propos de l'auteur :
La Rédaction

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.