La Plateforme Européenne de Technologie et d’Innovation en bioénergie a publié un document de travail sur les enjeux des biocarburants. Son but : préparer le déploiement à grande échelle des biocarburants sur le marché européen. L’Union Européenne, favorable à cette énergie verte, y voit un moyen de respecter les engagements pris lors de l’Accord de Paris. Une stratégie payante selon les chiffres publiés par Eurostats ce mercredi 8 mai 2019. Toutefois, tous les biocarburants ne sont pas logés à la même enseigne… Explications.
L’Europe milite pour des transports verts
D’après le livre de poche des statistiques des transports en Europe 2018, le secteur représente 33% de la consommation d’énergie finale, et 24% des émissions de gaz à effet de serre. C’est pourquoi, l’industrie des transports est considérée comme l’une des plus polluantes. En toute logique, l’Union Européenne souhaite donc « verdir » ses transports pour améliorer son bilan carbone. En 2050, la neutralité carbone devra être atteinte, si l’Europe veut montrer l’exemple avec l’Accord de Paris. Pour l’instant, la stratégie suivie par le ministre de la Transition écologique et solidaire, nous mène sur la bonne voie. En effet, comme le note François de Rugy après la publication des chiffres d’Eurostats : « les énergies fossiles reculent en France et en Europe, et avec elles nos émissions de CO2« .
Avec l’adoption de la deuxième directive sur les énergies renouvelables (RED2), l’Union Européenne a confirmé son intérêt pour le développement des biocarburants. En effet, le texte européen prévoit désormais d’atteindre 14% d’énergies renouvelables pour le secteur 2030 à l’horizon 2030. Et d’après la Plateforme Européenne de Technologie et d’Innovation en Bioénergie : « le secteur des biocarburants a le potentiel pour mettre en place la transition énergétique afin d’atteindre dans la prochaine décennie les objectifs pour le climat. Les biocarburants doivent jouer un rôle important dans la décarbonisation des transports européens. »
Les biocarburants, des carburants verts ?
L’institut français du pétrole et des énergies nouvelles rappelle que l’inventeur du moteur à explosion, Nikolaus Otto (1832-1891), avait conçu son moteur pour qu’il fonctionne avec de l’éthanol. Et il est vrai que les biocarburants sont d’origine biologique, par opposition aux carburants conventionnels (tels que le pétrole). L’huile de palme, l’huile de colza ou encore la betterave peuvent servir à l’élaboration des biocarburants. Pour autant, cette fabrication n’est pas toujours sans effet sur l’environnement…
Les biocarburants de première génération sont souvent obtenus grâce à l’huile de palme. Prochainement, la raffinerie de Total à La Mède sera par exemple approvisionnée avec de l’huile de palme en provenance d’Indonésie. Malgré les critiques sur la déforestation, le pays a signé un moratoire afin de promouvoir une huile de palme durable, notamment avec le label RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil), obtenu après une concertation de la Table Ronde pour l’Huile de Palme Durable. Ainsi, le rapport de l’Union internationale pour la conservation de la nature et l’Alliance pour l’huile de palme durable s’accordent sur le fait que « promouvoir le « sans huile de palme », c’est s’extraire du problème mais aussi de la solution« .
Quand la transition énergétique menace l’agriculture
De plus, les biocarburants en France posent aussi la question de la confiscation des cultures. L’industrie des carburants alternatifs nécessite d’employer des terres cultivables pour fournir les matières premières végétales : huile de palme, colza, betterave… En France, certains agriculteurs espèrent profiter de l’essor des biocarburants ; cependant au regard des volumes nécessaires pour sortir des énergies fossiles, les cultures françaises ne pourront sûrement pas suffire. Ainsi, la députée des Français de l’étranger, Anne Genetet, affirme : « le colza en France ou ailleurs n’est PAS un substitut à l’huile de palme« , avant de poser la question épineuse sans détour : « quelle surface agricole il faut en soja, bio ou pas, pour avoir la même production d’huile » ?
En 2018, Vedura, le portail en ligne spécialisé en développement durable, a publié une étude à destination des élus et des collectivités territoriales. Ses experts ont voulu estimer l’impact du remplacement des carburants conventionnels par des biocarburants, dans l’industrie des transports français. D’après leur calcul, pour faire face à un tel remplacement, la France devrait consacrer 104% de son territoire à la culture du colza. Dans un scénario utilisant le tournesol, il faudrait consacrer 118% du territoire. Et le chiffre monte à 420% du territoire pour la betterave. La démonstration est claire : les biocarburants impliquent une dépendance aux importations pour approvisionner la filière.
Quels critères d’impacts environnementaux pour les biocarburants ?
En février 2019, la Commission Européenne a étudié le marché des biocarburants. Elle a notamment déterminé des critères qui permettent de définir un biocarburant à fort impact sur l’environnement. La Commission souhaite mettre en place une grille de critères clairs et communs. Elle souhaite que les carburants verts remplissent des conditions de durabilité. Au G7 sur l’environnement, la question de la biodiversité était au coeur des préoccupations et le représentant de l’Indonésie, Febrian A. Ruddyard, y a notamment plaidé pour des efforts collectifs ; comme une preuve que le dialogue est en marche.
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