Utilisée notamment dans les secteurs de l’agroalimentaire, des cosmétiques et des carburants, l’huile de palme a mauvaise presse. Avec les besoins croissants de ce type d’huile au niveau mondial, les plantations de palmiers à huile sont accusées de contribuer à la déforestation. Face à ces accusations répétées, l’Assemblée nationale a décidé de mettre un terme à l’avantage fiscal dont bénéficie l’huile de palme en tant que biocarburant. Une décision qui peut sembler juste de prime abord, mais qui fait fi de la réalité dans un pays comme l’Indonésie, déjà sensibilisé à la problématique de la déforestation.
Des engagements climatiques respectés rendus invisibles par la cabale contre l’huile de palme
L’Indonésie et la Malaisie sont les deux principaux producteurs d’huile de palme. A eux deux, ils représentent près de 80 % de la production mondiale. Il s’agit donc d’un secteur d’une importance capitale pour le développement économique de ces pays. C’est donc avec une certaine crainte et une farouche volonté de se faire entendre que l’Indonésie et la Malaisie ont suivi les débats sur un amendement déposé à l’Assemblée nationale française à l’occasion du Budget 2019. Le sous-amendement déposé par le député Modem Bruno Millienne prévoit d’exclure l’huile de palme de la liste des biocarburants pouvant bénéficier de la minoration du taux pour la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). En d’autres termes, la production d’huile de palme ne serait pas assez écologique pour bénéficier d’une fiscalité avantageuse.
Si elle est définitivement adoptée par les deux Chambres, cette exclusion entrera en vigueur le 1er janvier 2020 au grand dam des consommateurs et des pays producteurs. La fin de l’avantage fiscal signifie en effet la hausse de 30 % à 40 % des prix de ce biocarburant. Un coup dur pour le consommateur et la quasi-certitude pour l’Indonésie et la Malaisie d’exporter moins d’huile de palme vers la France dont la consommation est de l’ordre de 75 % en tant que biocarburant. Les autorités malaysiennes ont déjà fait part de leur intention de prendre des mesures de rétorsion ; d’autant plus qu’elles ne comprennent pas les justifications écologiques de cette décision.
L’Indonésie (comme la Malaisie) est pourtant signataire de l’Accord de Paris et fait partie des 16 pays qui ont déjà rempli leur part du contrat rédigé en décembre 2015 lors de la COP21. Une courte liste établie par la London School of Economics, le World Ressource Institute et l’Imperial College dans laquelle ne figure guère la France. L’Indonésie respecte ses engagements, et cependant elle est régulièrement pointée du doigt par certaines ONG. Des critiques mal comprises par le gouvernement indonésien, qui contrairement aux affirmations répétées ci et là, a d’ores et déjà pris un moratoire sur l’octroi de nouvelles licences d’exploitation d’huile de palme.
Un débat sur l’huile de palme très politique
Il faut donc faire le distinguo entre l’huile de palme issue de plantations déjà sur pied et celle qui serait le fruit d’une déforestation illégale. Une décision désapprouvée par d’un Bruno Millienne qui concède néanmoins : « quand Total exploite en Malaisie ou en Indonésie, il le fait de manière durable, parce qu’il rachète des exploitations de palmiers à huile, donne des conditions de travail bien meilleures aux employés, et reste sur l’exploitation. Donc celle-ci existant déjà, Total ne déforeste pas directement ».
En fait, les positions des parlementaires semblent plus fonction de l’appartenance géographique des députés et sénateurs. Récemment, un sénateur des Bouches-du-Rhône (où se trouve la bioraffinerie de La Mède) défendait ainsi l’huile de palme durable. A l’inverse, l’amendement voté l’Assemblée nationale vendredi 21 décembre 2018 a été porté par des députés dont la circonscription comprend une forte production d’huile de colza (autre oléagineux concurrent de l’huile de palme). Le député LREM de l’Indre, François Jolivet, ne s’en cache pas et avoue même sur Twitter qu’il souhaite défendre « notre filière Colza, particulièrement présente dans l’Indre ».
En sanctionnant un pays du G20 qui s’est engagé dans l’Accord de Paris, la diplomatie climatique de la France se prépare-t-elle à de nouveaux revers ? Malheureusement, comme trop souvent dans le débat sur la transition énergétique, certaines décisions sont prises sous des prétextes écologiques alors qu’il s’agit d’abord d’une question d’argent. Avec de telles pratiques, la France n’est pas sûre de se distinguer favorablement au cours des prochaines années.
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