En janvier dernier, l’Energy Information Agency (EIA) a publié l’Annual Energy Outlook 2019. Selon l’agence, l’année 2018 a marqué un record de production pour l’électricité issue du nucléaire. Par ailleurs, alors que l’atome assure une électricité décarbonée, l’exportation de cette technologie stratégique pour la transition énergétique est au coeur de l’actualité. En effet, après les révélations de Reuters Arabic, sur les intentions de la National Nuclear Security Administration (NNSA) en Arabie Saoudite, l’éventuelle construction de nouveaux EPR en Chine atteste de l’intérêt des pays en croissance pour l’énergie nucléaire…
En 2018, la filière nucléaire a atteint son pic historique de production. Dans son rapport annuel sur le secteur de l’énergie, l’EIA observe ainsi que le parc nucléaire américain a produit 807,1 TWh d’électricité sur l’année 2018. Son précédent pic datait de 2010 : il avait alors atteint 807 TWh. En 2018, les 98 réacteurs américains ont connu un facteur de charge de 92,6%, ce qui a contribué à augmenter leur production. Ils ont pesé pour 19,3% dans la production nette d’électricité aux Etats-Unis.
Mais cette bonne nouvelle masque une réalité plus inquiétante. Le rapport de l’EIA le souligne bien : un tel pic ne devrait plus être atteint à l’avenir, si l’administration américaine ne prend pas des mesures pour soutenir la filière nucléaire. En effet, depuis 2010, un seul réacteur a été mis en service Outre-Atlantique. Ainsi, l’EIA anticipe une baisse de la production nucléaire américaine de 17% à l’horizon 2025.
Aux Etats-Unis, le nucléaire est la troisième source d’électricité, derrière le gaz naturel (35,1%) et le charbon (27,4%). La filière nucléaire est donc un atout stratégique non négligeable pour l’industrie américaine. L’essentiel des soixante centrales nucléaires actuellement en service est situé sur la moitié Est du pays, là où se trouvent les grosses industries du pays. Qui plus est, pour l’écologiste américain, Michael Shellenberger, “le nucléaire a sauvé deux millions de personnes” ! Comme le souligne le fondateur du Breaktrough Institute, “les centrales nucléaires ne dégagent aucune pollution atmosphérique sous forme de fumée“.
Pourtant le nucléaire ne semble plus être une priorité pour l’administration américaine, et ce depuis plusieurs années. Les réacteurs américains sont vieillissants. Et sur les cinq dernières années, ce sont pas moins de sept réacteurs qui ont été stoppés, représentant ainsi une perte de puissance combinée de 5,3 GW.
Les Etats-Unis ont anticipé la baisse de production de leur parc nucléaire. Désormais, le pays table sur une augmentation de la production des centrales à gaz naturel pour stabiliser sa production d’électricité nationale. Mais ce choix va à contre-courant de ce qu’on observe au niveau mondial. D’ailleurs, la National Nuclear Security Administration (NNSA) du département américain de l’Énergie envisage des exportations de réacteurs en Arabie Saoudite.
En Inde ou en Chine aussi l’atome continue de se développer massivement. Le 2 avril 2019, Fabrice Fourcade, le président de la filiale chinoise d’EDF, annonçait que l’énergéticien était en pourparlers avec son partenaire China General Nuclear pour la construction de nouveaux EPR en Chine. Le pays, déjà doté d’un EPR inauguré en 2018, souhaite investir dans de nouveaux gros réacteurs pour soutenir ses besoins électriques. Une stratégie très différente de celle des Etats-Unis…
COMMENTAIRES
L’énergie nucléaire n’est pas décarbonate, il suffit de suivre le trajet depuis les mines d’uranium ( elles mêmes produisent avec de l’énergie carbonée sans compter la radioactivité ) en Afrique à plus de 3000 km de chez pour les usines d’enrichissement d’uranium puis vers les 58 réacteurs et retour vers les usines de retraitement des déchets radioactifs et dans les piscines de stockage .Que dire aussi de la distance de La Hague à Bure, environ 700km. et le transport ne ferait pas partie de la production de CO2…
Est ce que la production de Taishan est comptée dans ce record?
Tant qu’on ne prendra en compte ni la gestion longue durée des déchets ultimes (plus de 8 millions de tonnes à ce jour) ni la déconstruction des 58 réacteurs, qui va sétendre sur plus d’un siècle, tous les bilans énergétiques de la production d’électricité nucléaire sont lourdement mensongers. Il ne peut même pas y avoir débat.
Progression d’énergies décarbonées dans le monde :
https://www.dw.com/image/43133291_401.png
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Evolution des prix sans subventions :
https://pbs.twimg.com/media/D1sV8SPXcAA6Knk.jpg:large
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Plus forte croissance du nucléaire en Chine : sa part en 2040 selon l’IEA
https://www.iea.org/media/publications/weo/GRAPHchinainstalledpowergenerationcapacityv2.png
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Etats-Unis : “Dans le scénario de référence de l’IEA, 101 GW (ou 42 % de la capacité actuelle des centrales charbon) devraient être mis hors service d’ici 2050.”
“Pour les réacteurs nucléaires, 22 GW (22 % de la capacité nucléaire actuelle) prendront leur retraite d’ici 2050.”
“43 % des ajouts totaux de capacité jusqu’en 2050 seront du solaire photovoltaïque.”
“Dans le cas des ressources pétrolières et gazières et de la technologie à faible teneur en pétrole et en gaz, les prix relativement plus élevés du gaz naturel favoriseront l’éolien et le solaire plutôt que l’ajout de centrales au gaz naturel”.
IEA Annual Energy Outlook 2019 : P 95 (ou 48/83) etc
https://www.eia.gov/outlooks/aeo/pdf/aeo2019.pdf
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@ Schmit :
L’énergie nucléaire n’est en effet pas totalement décarbonée (comme aucune énergie, d’ailleurs), elle l’est juste beaucoup plus que quasiment toutes les autres.
En France, le bilan carbone sur l’ensemble du cycle de vie (comprenant construction, fabrication du combustible, démantèlement et déchets) est autour de 6-8gCO2/kWh : https://ppe.debatpublic.fr/electricite-nucleaire-12-ou-66-gc02kwh
Voici à titre de comparaison les bilans carbones des ENR déployées en France : http://www.bilans-ges.ademe.fr/documentation/UPLOAD_DOC_FR/index.htm?renouvelable.htm
@ Micmacker :
Il est fort probable que, sur le volet environnemental comme sur le volet financier (voir le rapport de la Cours des Comptes de 2012), l’impact des déchets nucléaires et du démantèlement soit relativement négligeable.
Ce qui permet de donner des chiffres avec une marge d’incertitude raisonnable.
Dans tous les cas, il vaudrait mieux poser la question à ceux qui calculent ces bilans, plutôt que de décréter arbitrairement qu’ils se trompent tous.