Quelques mois après le lancement du chèque énergie par le gouvernement, le fondateur d’Hello Watt, Sylvain Le Falher, a accepté de nous présenter ce dispositif. Alors que l’énergie reste pour beaucoup un bien de première nécessité, cet instrument de justice sociale bénéficiera à plus de consommateurs que les tarifs sociaux qu’il remplace.
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Estimé à 600 millions d’euros en 2018 et à 800 millions d’euros pour 2019, le chèque énergie va-t-il contribuer à endiguer le phénomène de précarité énergétique ?
Les chèques énergie ont effectivement vocation à réduire la précarité énergétique. De notre point de vue, le chèque énergie représente une amélioration par rapport aux tarifs sociaux. Pour mémoire, en France il y a tout de même eu plus de 500 000 coupures ou réductions de puissance du gaz ou d’électricité pour impayés en 2017.
D’abord, le chèque énergie est une amélioration par rapport aux tarifs sociaux dans le sens où son attribution est automatique. Il ne faut pas en faire la demande. Jusqu’à aujourd’hui, il y avait des personnes éligibles aux tarifs sociaux mais qui n’en bénéficiaient pas, soit parce qu’elles n’en faisaient pas la demande, soit car elles n’étaient pas au courant. Qui plus est, auparavant les tarifs sociaux permettaient juste de payer ses factures d’électricité et de gaz, désormais on peut payer tout type de combustibles. Ce qui permet également aux personnes chauffées au fioul, au bois et au propane de réaliser des économies sur leur budget énergie. Enfin, le chèque énergie est aussi utilisable pour les ménages qui souhaitent réaliser des travaux de rénovation énergétique, c’est donc particulièrement intéressant puisqu’on parle d’économie d’énergie et d’économies pérennes sur la facture.
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Le ministère de la transition énergétique explique qu’avec les anciens tarifs sociaux, « le niveau d’aide était différent selon le mode de chauffage ». Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
En France, il y a approximativement 40% des personnes qui sont chauffées au gaz, 40 % à l’électricité et 20 % avec d’autres sources de chauffage. Par le passé, le tarif social concernait les consommateurs d’électricité et de gaz, aujourd’hui tout cela est uniformisé. Il y a un chèque énergie quel que soit le mode de chauffage de la personne. Les montants pourront fluctuer entre 47 et 227 euros, avec 150 euros en moyenne pour un ménage qui doit souvent régler une facture énergétique annuelle de plusieurs centaines d’euros.
Toutefois, il est vrai qu’avec le nouveau dispositif certains ménages vont avoir un niveau d’aide qui sera moins élevé. Ainsi, les personnes qui bénéficiaient à la fois du tarif social du gaz et du tarif social de l’électricité et qui percevaient en moyenne 220 euros, vont par exemple se retrouver avec une aide de 150 euros en moyenne. Évidemment, ce n’est pas les cas sur lesquels le gouvernement communique le plus. Par contre, il y a parallèlement de nombreux autres bénéficiaires aux ressources limitées et qui se chauffent avec une autre source d’énergie, qui vont profiter de ce dispositif.
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Pensez-vous comme le médiateur de l’énergie », Jean Gaubert, que ce nouveau dispositif (le chèque énergie) propose « des corrections plus qu’utiles au système hérité des lois de libéralisation, tout en préservant les droits liés au bénéfice de l’aide sociale » ?
Ce qu’a probablement voulu dire le médiateur de l’énergie c’est que la réforme est bonne, dans le sens où elle préserve le nombre de bénéficiaires de l’aide sociale voire elle l’augmente. Au sujet des correctifs à apporter par rapport à la libéralisation du marché de l’énergie, il souligne par ailleurs que malgré l’arrivée de très nombreux fournisseurs (Butagaz, Total Spring, Direct Energie…) qui proposent des prix attractifs, l’énergie n’est pas un bien comme les autres. Et pour cause, l’électricité étant considérée comme « un bien de première nécessité » selon le Conseil d’Etat, elle ne peut pas être simplement envisagée comme une commodité qui se vend sur le marché ; c’est pour ça qu’il y a des interventions de l’Etat avec des aides publiques telles que le chèque énergie.
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En tant que co-fondateur du comparateur d’énergie Hello Watt, quels conseils pourriez-vous donner aux ménages qui souhaitent réduire leur facture énergétique ?
Changer d’opérateur ne peut prendre que 3 minutes sur Hello Watt et permet d’économiser 10 % sur leur facture avec les promotions négociées par Hello Watt pour ses utilisateurs. Une facture d’électricité et de gaz d’un ménage standard en maison chauffé au gaz, représente 2000 euros par an. Ce ménage pourra donc avoir un gain de pouvoir d’achat de 200 euros en quelques minutes, c’est significatif et cela est cumulable avec le chèque énergie.
Ensuite, en fonction des caractéristiques de leur logement, plusieurs actions peuvent être envisagées. Ca va être souvent des actions à mettre en place pour le chauffage, comme le pilotage avec un thermostat connecté ou faire des travaux d’isolation, par exemple isoler ses combles. Quand il y des combles perdus c’est particulièrement intéressant et rentable. On parlait de précarité énergétique, il y a d’autres aides de l’Etat avec notamment le mécanisme des certificats d’économie d’énergie qui permet aujourd’hui de proposer de l’isolation des combles à 1 euro, que la personne soit locataire ou propriétaire de son logement. Et ça c’est aussi une offre que l’on propose aux personnes qui utilisent notre service.
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Concernant les territoires d’Outre-mer, trouvez-vous normal de garder les mêmes barèmes d’attribution qu’en métropole ? (en sachant que les populations sont plus pauvres avec des revenus nettement plus faibles)
Il est intéressant de rappeler qu’il y a une solidarité nationale qui s’applique sur les tarifs d’électricité des territoires d’outre-mer. Celle-ci est financée par une taxe qui pèse sur toutes les factures de consommateurs : la CSPE (Contribution au Service Public d’Electricité) et qui permet de proposer un prix identique à celui de la métropole. Et c’est une aide importante pour ces territoires car si on reflétait les coûts, la facture des clients dans les territoires d’outre-mer serait 3 à 4 fois plus élevée.
C’est donc en plus de la solidarité nationale qui s’exprime par la péréquation – le fait qu’il y ait le même tarif sur tout le territoire national – que le chèque énergie espère limiter le phénomène de précarité énergétique dans les DOM-TOM. Tout comme en métropole, le système va donc bénéficier à une part importante de la population de ces territoires, celle qui se chauffe au bois et au fioul par exemple. Au-delà de ce cadre général, il revient aux élus d’apporter les réponses politiques et sociales adaptées à ces territoires, et qui peuvent être en partie liées à l’énergie, mais qui devront à mon avis être plus globales.
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Alors que nous attendons prochainement les premières orientations suite au Débat Public sur la Programmation Pluriannuelle de l’Energie, quels sont, selon vous, les leviers disponibles pour réduire la consommation énergétique du secteur résidentiel ?
Il y a principalement 3 axes : les aides de l’Etat, l’information et le cadre réglementaire.
Les aides pour les ménages pourraient améliorer la rentabilité des actions d’efficacité énergétique telles que des travaux de rénovation. Plusieurs options sont possibles, comme l’installation des nouvelles chaudières plus performantes comme une pompe à chaleur ou l’isolation des combles. D’autres solutions, comme les certificats d’économie d’énergie ou les crédits d’impôts permettrait également d’améliorer l’efficacité énergétique du parc tertiaire. C’est pourquoi, amplifier ces dispositifs serait une bonne solution, à condition, bien sûr, que les aides soient stables et suffisamment simples pour que les particuliers puissent s’y retrouver.
Ensuite, il y a un manque important d’information des particuliers sur ce qu’ils peuvent faire dans leur logement pour réduire leur consommation. Heureusement, avec les compteurs communicants, il est désormais possible de montrer et de partager des informations sur sa consommation afin d’optimiser son usage de l’énergie. Avec ce nouvel outil, il ne faut pas se contenter de visualiser ce que l’on consomme, il faut surtout comprendre ce qui consomme le plus d’énergie et quelles sont les actions d’économies d’énergie qui peuvent être mise en place de façon simple et intéressante pour le particulier.
Pour identifier ces gisements d’économies d’énergie, il faut finalement faire évoluer le cadre réglementaire. Autrement dit, il faut rendre les données accessibles aux particuliers afin de leur permettre, tout en respectant le cadre de la CNIL, de les partager avec d’autres acteurs qui seront capables de réaliser des audits énergétiques et de délivrer des conseils personnalisés à chaque foyer. Il faut notamment que les pouvoirs publics ainsi que ENEDIS et GRDF proposent concrètement cet accès aux données à des acteurs qui aident les particuliers à réduire leur consommation d’énergie – c’est d’ailleurs une des raisons principales de déploiement de ces compteurs !
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Pour rappel Hello Watt est un comparateur de fournisseurs d’électricité et de gaz, pouvez-vous nous en dire plus ?
J’ai créé Hello Watt avec deux associés, il y a un an et demi, après avoir travaillé à la Commission de régulation de l’énergie (CRE), où je m’occupais notamment des tarifs réglementés d’EDF.
En lançant Hello Watt, l’idée était de créer un conseiller énergie pour les particuliers. Concrètement, nous aidons les particuliers en France à réduire leur facture et leur consommation d’énergie, c’est à dire qu’on propose de comparer les offres des nombreux fournisseurs d’énergie mais aussi de mettre en place des produit et des services qui permettent de réduire sa consommation d’énergie :poser un thermostat intelligent, installer des panneaux solaires sur son toit, faire des travaux d’isolation…
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