Si la sûreté des installations nucléaires françaises s’est maintenue en 2017 à un niveau « globalement satisfaisant », selon le dernier rapport annuel de l’ASN présenté en avril 2018 devant le Parlement, le principe de précaution qui prévaut en France impose aux grands acteurs de la filière de poursuivre la recherche scientifique afin d’identifier tous les scénarios possibles, et d’optimiser les solutions à mettre en oeuvre par anticipation. C’est d’autant plus important à mettre en évidence quand les diverses actions de Greenpeace ou la publication de rapports parlementaires en matière de sûreté nucléaire viennent semer le doute dans les esprits. Pour rappel, Le CEA et l’IRSN expérimentent, via le réacteur de recherche Cabri, le comportement du combustible dans différentes situations accidentelles des Réacteurs à eau sous pression, et viennent dans ce cadre de réaliser un premier essai réussi. Explications.
Le vieillissement des installations au cœur des préoccupations
Au-delà des dispositifs et programmes de sécurité et d’intervention mis en place par EDF en lien avec l’ASN et les services préfectoraux, la sûreté de nos installations nucléaires passe aussi par l’optimisation permanente des matériaux et équipements utilisés. La recherche scientifique dans le domaine nucléaire est pour une large part consacrée à l’analyse de la fiabilité et de la robustesse des installations face à l’usure du temps ou aux catastrophes naturelles comme les séismes ou les inondations.
Plusieurs études sont en cours actuellement sur les conséquences du vieillissement des centrales dans le but de démontrer la qualité et la robustesse du béton des enceintes de confinement en cas d’exploitation prolongée à 50 ou 60 ans. L’IRSN étudie la durabilité des ouvrages en béton armé dans le cadre de son programme de recherche ODOBA et le groupe EDF mène actuellement plusieurs programmes d’étude via son réacteur expérimental miniature inauguré en 2016 au sein du laboratoire de La Renardière en Seine-et-Marne. Baptisée Vercors pour « VErification Réaliste du COnfinement des Réacteurs », cette unité permet à l’énergéticien de mettre en œuvre des programmes d’évaluation réalistes sur la qualité et la durabilité des ouvrages en place. Plusieurs sujets d’études y sont développés comme le comportement au jeune âge du béton, l’évolution de l’étanchéité des enceintes sous l’effet du vieillissement (les effets de la prise sont environ 9 fois plus rapides sur la maquette par effet d’échelle), ou le comportement dans des conditions d’accident grave, pour lesquelles le chargement thermomécanique est maintenu pendant plusieurs jours.
Précisons ici que l’ASN poursuit toujours actuellement l’instruction du dossier sur la poursuite d’exploitation des réacteurs de 900 MWe au-delà de leur quatrième visite décennale, c’est-à-dire après leurs quarante ans de fonctionnement, et qu’un avis générique doit être rendu au plus tôt fin 2018 après analyse des études restant à mener par EDF.
Le programme Cabri et l’étude du comportement combustible
De son côté, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) est lui aussi fortement impliqué sur les questions de sûreté nucléaire, aussi bien en tant qu’exploitant d’installations nucléaires qu’organisme de recherche. Les études qu’il entreprend dans ce domaine sont menées en soutien à l’IRSN et aux exploitants nucléaires français ou étrangers, et concernent le comportement des structures soumises à un séisme, et le comportement des réacteurs en cas d’accident grave. Ces programmes s’appuient notamment sur la modélisation numérique des phénomènes physiques et sur leur confrontation aux résultats expérimentaux, grâce à différentes installations. On peut citer ici les tables vibrantes de la plateforme Tamaris (étude des structures sous séisme), les installations Mistra (risque hydrogène), les plateformes expérimentales Plinius (corium) et Verdon (relâchement des produits de fission), ou le programme international Cabri (PIC).
Ce dernier vise par exemple, à améliorer les connaissances sur le comportement du combustible des Réacteurs à Eau sous Pression (REP) dans une situation accidentelle correspondant à une augmentation soudaine de puissance du réacteur. Le premier essai de ce programme a été réalisé avec succès lundi 16 avril 2018, dans le réacteur Cabri, et permettra aux scientifiques de l’IRSN et du CEA d’analyser le comportement du combustible dans une configuration thermohydraulique représentative de celle existant dans un REP (modèle utilisé au sein du parc nucléaire français). « Tout l’enjeu de la suite du programme est de tester les crayons de combustible irradiés dans un environnement le plus fidèle possible à celui auquel il est soumis dans le cœur d’un réacteur à eau sous pression, conditions jamais encore réunies dans des expériences de cette nature », explique dans un communiqué Jean-Christophe Niel, Directeur général de l’IRSN.
Pour rappel, le réacteur de recherche Cabri est situé à Cadarache dans les Bouches du Rhône. Il a été construit en 1962 et récemment rénové pour répondre aux dernières exigences des études de sûreté menées pour le parc nucléaire français. Il est aujourd’hui conforme aux normes actuelles de sûreté et dispose d’une boucle d’essai à eau sous pression. « Ce programme de rénovation a nécessité une forte mobilisation sur un temps important des ressources et des compétences du CEA et de l’IRSN et le premier essai en boucle à eau sous pression est le symbole de cette réussite collective », se félicite de son côté le Directeur de l’énergie nucléaire du CEA, Francois Gauché.
Crédits photo : G. Lesénéchal – CEA
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