Alors que plus de 14.000 usagers en France pratiquent désormais l’autoconsommation individuelle d’électricité (un chiffre en constante augmentation), la forte baisse des prix des équipements photovoltaïques et les nouvelles technologies numériques offrent de nouvelles opportunités aux consommateurs dans le cadre d’installations de production collectives (ou micro grids) à l’échelle d’un bâtiment ou d’un quartier. Le gestionnaire du réseau Enedis, qui souhaite encourager ce mouvement vers l’autoconsommation locale d’électricité, expérimentera en 2017, dans le cadre de plusieurs projets collectifs, une nouvelle solution de gestion basée sur la technologie blockchain, et destinée à faciliter grandement ce type de coopération.
L’autoconsommation collective comme nouveau modèle commercial
L’autoconsommation collective se réfère à l’électricité produite de manière décentralisée sur le toit d’un immeuble collectif (particuliers, bâtiments tertiaires, entreprises, etc.) et consommée directement sur place dans les bureaux ou les appartements en location et en copropriété. Les locataires et les bailleurs y ont un intérêt équivalent, et contribuent ensemble à délester les réseaux électriques et à diminuer les coûts de la transition énergétique.
De nombreux acteurs sont intégrés à ce nouveau modèle commercial comme les services communaux, les fournisseurs d’énergie, les locataires, les bailleurs et les sociétés immobilières, et s’organisent ensemble selon différentes configurations en fonction de la taille du réseau souhaité (ces microgrids se cantonnent généralement à l’échelle d’un bâtiment ou d’un quartier). Dans tous les cas, les avantages de ce modèle sont évidents : les locataires et les bailleurs bénéficient d’une électricité à bas prix, la valeur de l’immobilier est améliorée à long terme et tous les acteurs contribuent activement à la protection du climat. De leur côté, les services communaux et les fournisseurs d’énergie bénéficient d’une meilleure image et fidélisent leur clientèle en mettant à disposition de l’électricité de complément lorsque l’énergie autoproduite est insuffisante.
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Adopté définitivement le 15 février 2017, le projet de loi relatif à l’autoconsommation d’électricité a permis de ratifier l’ordonnance du 27 juillet 2016. Il pose un cadre réglementaire destiné à favoriser le développement de cette pratique, selon lequel le gestionnaire du réseau Enedis doit faciliter les opérations d’autoconsommation, en raccordant notamment les installations électriques et en installant les compteurs intelligents Linky chez les clients concernés.
Une combinaison énergie solaire et technologie digitale
La filiale d’EDF a lancé dans ce cadre une « solution » qu’elle va expérimenter sur « une dizaine » de projets en 2017, et « quelques dizaines » en 2018, a expliqué mardi 18 avril 2017 Jean-Baptiste Galland, directeur de la stratégie d’Enedis, lors d’une conférence de presse. Parmi eux (et le premier à être mis en œuvre), celui porté par Sunchain (spin-off du bureau d’études catalan Tecsol) pour le compte du Conseil départemental des Pyrénées-Orientales.
Ce projet regroupera cinq sites clients alimentés par une centrale photovoltaïque (une entreprise et quatre consommateurs résidentiels), et mettra en œuvre pour la première fois la technologie blockchain afin de comptabiliser les échanges d’électricité entre bâtiments. Enedis s’appuiera en effet sur le savoir-faire de Sunchain dans le but de mesurer, de calculer et de communiquer aux clients les quantités d’électricité produites et à répartir entre eux, la blockchain jouant ici le rôle de « technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle« .
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« Sur le réseau, on injecte des kwh produits par la centrale photovoltaïque et on émet un certificat qui part dans la blockchain« , explique sur la Tribune, André Joffre, fondateur du bureau d’études catalan Tecsol. « On fait la même chose pour les kwh reçus par les consommateurs. En rapprochant ce qui est produit et ce qui est consommé, on constitue des blocs pour mesurer ce que consomme chaque compteur. Au fil du temps, on fera des bilans horaires, journaliers, hebdomadaires ou mensuels des consommations de chaque compteur. Cela permettra de communiquer à Enedis la part provenant du réseau et celle provenant du solaire », ajoute-il. Enedis n’aura plus ensuite qu’à transmettre ces éléments aux fournisseurs d’électricité pour qu’ils facturent ce qui aura été consommé sur le réseau, et à garantir l’alimentation complémentaire en courant lorsque la production locale est insuffisante.
Les autres atouts de la technologie blockchain
Outre l’autoconsommation collective et la répartition de l’énergie produite entre les occupants d’un même immeuble résidentiel ou tertiaire, l’électricité solaire produite en commun et gérée par la technologie blockchain offrira également la possibilité de délocaliser la consommation. Il sera possible, par exemple, d’utiliser sa propre énergie solaire hors de son domicile pour la recharge de son véhicule électrique à partir de toute borne inscrite dans la démarche (publique ou privée) ou bien d’étendre sa production à d’autres bâtiments.
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A terme, la précision des données obtenues grâce à la technologie blockchain permettra en effet de valoriser les échanges entre bâtiments et donc d’étendre l’autoconsommation collective à l’échelle d’un écoquartier, plutôt que de vendre l’excédent d’énergie produit par un bâtiment. L’autoconsommation sera alors mutualisée, quel que soit le lieu d’implantation des capteurs solaires.
Crédits photo : François Henry (REA) / Enedis / Sunchain
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