Dans la foulée d’une médiatique réunion des pays de l’Union européenne pro-nucléaire, la France a enfoncé le clou, ce 17 mai 2023, en obtenant le report de la directive européenne sur les renouvelables, pourtant prévue pour une adoption formelle, afin d’y donner plus de place au nucléaire. Paris semble jouer le même jeu que l’Allemagne avec la directive sur la fin des véhicules thermiques, pour obtenir une ultime concession. Une nouvelle habitude qui inquiète dans les couloirs de Bruxelles.
L’adoption de la directive sur les renouvelables reportée par la France pour accorder plus de place au nucléaire dans la production d’hydrogène
Le nucléaire reste et demeure un champ de bataille idéologique complexe dans l’Union européenne. Après la démonstration de force des quinze pays européen pro-nucléaires, officiellement rejoints par l’Italie à Paris, ce 16 mai 2023, pour se donner l’objectif de 150 GW de puissance nucléaire installée en 2050, la France aurait réussi à reporter l’adoption formelle de la directive sur les renouvelables, ce 17 mai 2023, selon une information d’Euractiv.
Une fois encore, c’est la question du nucléaire, en particulier pour la production d’hydrogène, qui posait problème. Au terme d’intenses négociations, un accord politique avait pourtant fini par être trouvé, le 30 mars 2023, pour boucler une troisième version de la directive, que l’on pensait définitive. La place de l’hydrogène « bas carbone » (produit avec du nucléaire) avait été reconnue, permettant aux pays en produisant de réduire leurs objectifs d’hydrogène « vert » (produit avec de l’électricité renouvelable).
Mais si ce compromis était globalement une victoire pour la diplomatie française, il semble désormais insuffisant. Et la France a fait comprendre qu’elle ne voterait probablement pas la directive. Comme d’autres États de l’Est de l’Europe avaient manifesté leur opposition, le risque était grand d’un rejet du texte, qui imposerait de repartir de zéro. Bruxelles a donc préféré jouer la montre.
Si Euractiv semble certain que ce report provient d’une décision française, et si Paris semble vouloir accroître la place de l’atome dans la directive, les demandes françaises ne sont pas encore clairement définies.
Une source évoque des craintes que la directive, telle que formulée, n’encourage à une délocalisation des sites industriels hors d’Europe – une vision crédible, devant la volonté de l’Allemagne d’importer de l’hydrogène vert tout azimut. Paris pourrait faire valoir que l’hydrogène bas-carbone, issu du nucléaire, sera toujours produit localement, un net avantage pour son impact carbone.
La France use des mêmes armes que l’Allemagne dans la fin des moteurs thermiques
Au-delà des futures négociations, la méthode française interroge. Elle est tout à fait similaire à celle de l’Allemagne sur la directive actant la fin des moteurs thermiques. Berlin avait, au dernier moment, mis la pression pour obtenir de nouvelles concessions, qui avaient abouti à la promesse d’un texte sur les carburants de synthèse.
La France joue le même jeu, en remettant en cause une directive prête à être adoptée, ce qui est contraire aux habitudes législatives de l’Union européenne. Une source diplomatique citée par Euractiv craint que ces deux situations successives ne créent un précédent, encourageant à l’avenir les « grands » pays de l’UE à profiter de leur poids économique pour obtenir des concessions.
Il est aussi possible que Paris ait simplement voulu « renvoyer l’ascenseur », pour montrer à Berlin qu’elle pouvait utiliser les mêmes méthodes que son voisin sur un sujet hautement stratégique, et sur lequel l’Allemagne freine toujours des quatre fers.
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