Décarboner le secteur du bâtiment, une urgence climatique

Décarboner le bâtiment, une urgence climatique

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Alors que le confinement a provoqué une baisse significative des émissions de CO2, le secteur du bâtiment doit continuer sa mue pour espérer limiter durablement le réchauffement climatique de la planète.

Plus efficace que l’Accord de Paris et Greta Thunberg réunis, l’épidémie de coronavirus a réussi l’exploit de diminuer drastiquement les niveaux de pollution en France et dans de nombreux autres pays. Dans l’Hexagone, le Haut Conseil pour le Climat (HCC) a en effet constaté une chute de 30 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) depuis le début du confinement, qui devrait à elle seule entraîner une baisse de 5 à 15 % sur l’ensemble de l’année 2020. Cette conséquence radicale du coronavirus se confirme dans la plupart des métropoles mondiales. Elle s’explique principalement par l’arrêt quasi-total du trafic routier et aérien. Principal émetteur de gaz à effet de serre dans l’Hexagone, le secteur des transports a enregistré une baisse de 60 % des rejets d’équivalent CO2 depuis le début du confinement pour les déplacements en surface, et de 75 % pour ceux dans les airs, précise le Haut Conseil pour le Climat. Parmi les autres principaux secteurs d’activités les plus polluants, celui du bâtiment (18% des émissions nationales de GES) est loin d’afficher un tel constat.

En effet, la baisse des émissions de GES s’est limitée à 15 % pour ce secteur. Et pour cause : une construction qui sort de terre avec une empreinte carbone lourde génère des rejets pendant toute sa durée de vie, soit 50 ans en moyenne. La baisse modérée des émissions de CO2 du bâtiment pendant le confinement trouve son origine dans plusieurs décennies d’aveuglement à l’égard de l’environnement pour construire le parc immobilier actuel. Le rôle du bâtiment dans la lutte contre le réchauffement climatique figure pourtant au premier plan, à en croire Julie Daunay, manager au sein du cabinet de conseil Carbone 4.

La RE2020 pour généraliser le recours aux énergies bas carbone dans les bâtiments neufs

« La France considère que le secteur du bâtiment a un très gros potentiel de décarbonation. C’est le premier secteur consommateur d’énergie finale en France, le deuxième émetteur [de GES] (juste derrière les transports) si l’on ne considère que les émissions liées à l’énergie, mais il passe en tête dès qu’on ajoute les émissions liées à la fabrication des matériaux et équipements mis en œuvre sur les chantiers, explique-t-elle. Il est encore très dépendant des énergies fossiles, pour le chauffage notamment. On sait techniquement réduire les consommations d’énergie et alimenter les besoins restants avec des énergies bas carbone […] pour viser un niveau de performance BBC rénovation en moyenne en 2050. Cet objectif implique une massification de la rénovation. En parallèle, de nombreux changements d’équipements sont à réaliser pour intégrer plus de chaleur renouvelable (calories “gratuites” des pompes à chaleur, réseaux de chaleur décarbonés, chaudières bois…). »

Pour réduire et améliorer la consommation d’énergie du bâtiment, le recours aux énergies décarbonées telles que le bois, l’électricité et certains réseaux de chaleur est évoqué par de nombreux politiques et dans de nombreuses études d’orientations publiques (stratégie nationale bas carbone par exemple). C’est justement là tout l’enjeu de la future RE2020 qui, contrairement à la RT2012 actuellement en vigueur, ne se concentre pas seulement sur la consommation d’énergie, mais aussi sur les émissions de GES. Car en continuant à occulter la dimension environnementale du bâti neuf, la réglementation actuelle a eu pour effet de favoriser les énergies fossiles, pourtant très polluantes. Et ce, alors même que la nécessité de sortir d’une économie reposant sur l’exploitation fossile fait consensus.

Devant cette situation dénoncée depuis plusieurs années par des scientifiques et écologistes reconnus comme l’explorateur Jean-Louis Étienne ou l’ex-ministre de l’écologie Brice Lalonde, la RE2020 promet de sortir des énergies fossiles au profit des énergies bas carbone. « L’énergie est au cœur du développement des sociétés. Elle délivre le bien-être et permet l’action. Mais elle dérègle le climat quand elle est portée par les combustibles fossiles qui sont nocifs pour l’atmosphère et qui coûtent cher aux budgets. Il faut donc décarboner. La forme de l’énergie décarbonée qui déjà éclaire, refroidit, digitalise et demain fera rouler les voitures, après-demain fournira de l’hydrogène à partir de l’eau, celle dont la présence est cruciale dans les hôpitaux, celle qui est produite sur notre sol et qui devrait répondre à la moitié des besoins de l’Europe en 2050, c’est l’électricité, dès lors qu’elle provient de sources renouvelables ou nucléaire. L’autre moitié, ce sont toutes les formes de chaleur renouvelables : solaire thermique, pompes à chaleur, géothermie, biomasse, gaz vert, etc. », souligne ainsi Brice Lalonde dans les colonnes de La Tribune.

Concilier sortie de crise et sobriété carbone dans la construction neuve en mettant en place la RE 2020

Prenant acte de l’urgence de décarboner le bâtiment, le Gouvernement avait publié dès le début d’année les grandes orientations de la future RE2020. Une nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs présentée comme « plus ambitieuse contre le réchauffement climatique » et poursuivant trois objectifs majeurs : diminuer l’impact carbone des bâtiments, poursuivre l’amélioration de leur performance énergétique et en garantir la fraîcheur pendant les étés caniculaires. Pour ce faire, « un seuil d’émissions de CO2 pendant la vie du bâtiment sera défini et fixé à un niveau suffisamment ambitieux pour favoriser les énergies les moins carbonées ». 

Une ambition forte de la part de la France, qui, si elle était maintenue, lui permettra de montrer la voie vers une sortie de crise décarbonée auprès de ses voisins européens. Aux yeux des professionnels de l’environnement, maintenir le cap de la transition énergétique est plus que jamais nécessaire. « Les investissements doivent être orientés vers l’innovation sociale comme technologique, l’efficacité énergétique, et les infrastructures résilientes favorisant les usages décarbonés et les solutions basées sur la santé des écosystèmes », souligne ainsi le Haut Conseil pour le Climat dans son dernier rapport.

Rédigé par : La Rédaction

La Rédaction
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COMMENTAIRES

  • Decarboner le bâtiment , c’est possible MAINTENANT en utilisant des ressources disponibles et renouvelables cad les Matériaux Biosources qui piègent le carbone . Les recommendations actuelles pour isoler les habitats ne mettent en avant que le coût ( isolation à un euros ! ) mais qu’en est il de la qualité environnementale des produits recommandés ? D’autres pays européens preconisent l’utilisation des biosources en associant une incitation financière ( 25% de prime supplémentaire en Belgique ).

    Répondre
  • Les bâtiments à énergie positive, obligatoires en neuf et rénovation à partir du 1er janvier 2021 sont la bonne voie.

    La plateforme européenne Equigy suite à l’accord récent entre les opérateurs de réseau aux Pays-Bas, Allemagne, Suisse et Italie, ouverte aux autres opérateurs et autres pays l’est aussi et permettra aux consommateurs de réduire leur facture énergétique

    https://equigy.com/the-platform/

    .

    Répondre
  • Je suis toujours très étonné que l’on puisse encore préconiser le bois sous forme combustible alors que l’on est supposé travailler dans ou pour le secteur énergétique.

    Il y a tellement d’applications avec bien moins d’impacts négatifs et à plus hautes valeurs ajoutées.

    Exemple parmi d’autres dont il serait bon que les consultants de Carbone4, entre autres, prennent connaissance, ainsi que des enjeux importants associés :

    Les nanofibres de cellulose (CNF) possèdent d’excellentes propriétés mécaniques et thermiques

    Elles peuvent être dérivées de cultures, d’algues, produites par des bactéries etc

    C’est l’une des ressources verte les plus abondantes sur Terre.

    Les CNF sont un élément de base idéal à l’échelle nanométrique pour la construction de matériaux macroscopiques à hautes performances car il présente une résistance (2 GPa) et un module (138 GPa) plus élevés que le Kevlar et l’acier et un coefficient de dilatation thermique (0,1 ppm K-1) plus faible que le verre de silice.

    Sur la base de cet élément de base biologique et biodégradable, la construction de matériaux structurels durables et performants favorisera grandement le remplacement du plastique et nous aidera à éviter l’apocalypse du plastique.

    Une équipe de l’Université des sciences et des technologies de Chine (USTC) rapporte l’existence d’un matériau structurel durable à haute performance appelé plaque de nanofibres de cellulose (CNFP) qui est construit à partir de CNF bio-sourcé et prêt à remplacer le plastique dans de nombreux domaines. La CNFP a une résistance spécifique élevée (~198 MPa/(Mg m-3)), quatre fois plus élevée que celle de l’acier et plus élevée que celle du plastique traditionnel et de l’alliage d’aluminium. En outre, le CNFP a une résistance spécifique aux chocs plus élevée (~67 kJ m-2/(Mg m-3)) que l’alliage d’aluminium et seulement la moitié de sa densité (1,35 g cm-3).

    Contrairement au plastique ou à d’autres matériaux à base de polymères, le CNFP présente une excellente résistance aux températures extrêmes et aux chocs thermiques. Le coefficient de dilatation thermique du CNFP est inférieur à 5 ppm K-1 de -120 °C à 150 °C, ce qui est proche des matériaux céramiques, bien inférieur aux polymères et métaux typiques. De plus, après 10 fois le choc thermique rapide entre un four à 120 °C et les -196 °C de l’azote liquide, le CNFP conserve sa résistance. Ces résultats montrent sa stabilité dimensionnelle thermique exceptionnelle, qui permet au CNFP d’avoir un grand potentiel d’utilisation comme matériau structurel sous des températures extrêmes et en alternance de refroidissement et de chauffage. Grâce à sa large gamme de matières premières et à son procédé de synthèse bio-assistée, le CNFP est un matériau peu coûteux – seulement 0,5 $/kg, ce qui est inférieur à la plupart des plastiques.

    Grâce à sa faible densité, sa résistance et sa ténacité exceptionnelles, et sa grande stabilité dimensionnelle thermique, toutes ces propriétés du CNFP surpassent celles des métaux, céramiques et polymères traditionnels, ce qui en fait une alternative performante et écologique pour l’ingénierie, en particulier pour les applications aérospatiales.

    Le CNFP a non seulement le pouvoir de remplacer le plastique et de nous éviter de nous y noyer, mais il présente également un grand potentiel en tant que prochaine génération de matériau structurel durable et léger.

    https://phys.org/news/2020-05-sustainable-material-plastic-substitute.html

    .

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