Succédant à la réglementation thermique 2012 (RT2012), la réglementation environnementale 2020 (RE2020) fait désormais l’objet de règles clairement définies par l’État. Favorables au chauffage électrique dans le neuf, les nouveaux critères d’arbitrage seront expérimentés courant 2020 pour une mise en application prévue le 1er janvier 2021.
Mardi 14 janvier, le gouvernement a annoncé les nouvelles règles de la RE2020. Très attendue par les professionnels de l’énergie et du bâtiment, la future réglementation environnementale 2020 fait suite aux précédentes réglementations thermiques mises en place par l’État afin de mieux maîtriser l’impact énergétique et environnemental des constructions neuves. Après plusieurs mois de concertation avec les différents acteurs du secteur, l’exécutif a donc tranché en faveur d’un ensemble de mesures qui seront mises en application au 1er janvier 2021. Comme son nom l’indique, la RE2020 marquera une rupture dans le bâtiment avec un recentrage autour de la question environnementale. Elle s’inscrit dans la logique de Stratégie nationale bas carbone (SNBC) de la France qui, tout comme l’Union européenne, vise la neutralité carbone d’ici 2050. Dans un communiqué commun, les ministères de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires indiquent en effet que la RE2020 constitue une nouvelle étape ambitieuse dans la lutte contre le changement climatique. À ce titre, le secteur du bâtiment est une pièce maîtresse puisqu’il représente un quart des émissions nationales de gaz à effet de serre. Pour tenir ses engagements climatiques, le gouvernement s’est fixé trois principaux objectifs à travers la nouvelle réglementation : diminuer l’impact carbone des bâtiments neufs (résidentiels et tertiaires) sur l’ensemble de la durée de vie grâce à des matériaux émettant peu de gaz à effet de serre ; poursuivre l’amélioration de la performance énergétique ; et garantir une meilleure adaptation aux conditions climatiques futures, notamment un « confort d’été » pour « résister aux épisodes de canicule qui seront plus fréquents et intenses du fait du changement climatique ».
Pour y parvenir, les auteurs de la RE2020 ont changé les règles du jeu, qui favoriseront désormais le chauffage électrique dans le bâtiment neuf. Le nouveau coefficient d’énergie primaire (Cep), qui convertit l’énergie finale après transformation en son équivalente à la source, sera ainsi ramené à 2,3 contre 2,58 dans la RT2012. Cette diminution, calculée sur la moyenne des 50 prochaines années, permettra aux systèmes de chauffage électriques d’être plus compétitifs face aux énergies fossiles (gaz, fioul et charbon), dont le Cep est égal à 1. Autre nouvel avantage pour l’électricité : le contenu carbone du chauffage électrique, qui sera fixé à 79 g/kWh, soit presque trois fois moins que le ratio de 210 g/kWh envisagé dans un scénario expérimental. En favorisant les sources d’énergies émettant peu ou pas de gaz à effet de serre telles que l’électricité d’origine nucléaire ou renouvelable, le gouvernement fait clairement de la décarbonation sa priorité dans la construction neuve. Au printemps 2020, la RE2020 connaîtra une phase de simulations et de concertation afin d’analyser les effets de la nouvelle réglementation et de s’assurer que les arbitrages opérés sont en phase avec les objectifs finaux, indiquent les ministères. Au terme de cette dernière expérimentation sur le terrain, la version finale de la RE2020 sera arrêtée à l’automne 2020, période à laquelle doivent être publiés les textes réglementaires.
RE2020 : réactions contrastées
Suite à l’annonce des futures dispositions, les réactions étaient forcément contrastées entre les différents acteurs. « Cela va favoriser indéniablement le chauffage électrique et y compris le chauffage électrique peu performant dans le collectif à partir de radiateurs. Par conséquent, cela va aggraver la facture d’électricité des Français », a ainsi regretté Patrick Corbin, président de l’Association française du gaz (AFG). À l’inverse, la filière électrique se déclare satisfaite de la future réglementation, notamment des nouvelles valeurs retenues pour le Cep et le contenu carbone. « Ce choix n’est pas tombé du ciel, a réagi l’Union française de l’électricité (UFE). Les pouvoirs publics ont décidé de s’appuyer sur une méthode plus fine et plus proche de la réalité qu’auparavant. Ceci est indispensable si nous souhaitons atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone 2050. » Si les deux camps s’accordent sur la nécessité de renforcer la performance énergétique des nouveaux bâtis, et notamment celle de l’isolation grâce au nouvel indicateur de besoin climatique (« Bbio »), l’UFE souligne l’importance de la notion de confort d’été dans la nouvelle réglementation. « Les bâtiments que nous livrons aujourd’hui, respectant la RT2012, n’y sont pas adaptés : des usagers recourent ainsi à des climatiseurs très énergivores, ce qui n’est pas souhaitable du point de vue de l’efficacité énergétique ».
Tester en conditions réelles
La RE2020 suffira-t-elle à conformer le secteur du bâtiment aux objectifs climatiques de la France ? A condition de s’assurer de l’efficacité des mesures mises en place, contrairement à ce qui se passe dans le domaine de la rénovation énergétique. Dans une récente interview, Anne Valach, directrice générale du Syndicat professionnel des entreprises de la transition énergétique et numérique (SERCE), estime que le retard de la France dans la décarbonation du bâtiment s’explique notamment par l’absence de contrôle dans la rénovation. « La France n’atteint pas ses objectifs dans le domaine du bâtiment pour plusieurs raisons, affirme-t-elle. […] Dans le domaine du résidentiel individuel, on se heurte […] à une politique chaotique de soutien à la rénovation des logements. Les particuliers ne connaissent pas bien les dispositifs de financement dont ils peuvent disposer et ne sont pas suffisamment accompagnés pour mener ces opérations de rénovation. Et puis, faute de contrôle efficace, certaines rénovations ne conduisent pas à une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre. » La phase de simulations de la RE2020 vise justement à tester en conditions réelles les matériaux et procédés afin d’optimiser les pratiques.
L’objectif ? Éviter les catastrophes industrielles et les investissements à perte dans du matériel peu performant, comme ce qui a déjà pu se faire par le passé. Ainsi, un arrêt de la cour de cassation a récemment révélé que la laine de verre utilisée par les professionnels affiche en conditions réelles des performances inférieures à celles annoncées. Selon les expertises techniques diligentées par la justice, le manque d’étanchéité à l’air et à l’eau des laines minérales pourrait entraîner une baisse de leur performance thermique jusqu’à 75 %. Cette révélation constitue un pavé dans la mare pour le marché de l’isolation, où la laine de verre est utilisée dans 90 % des cas et bénéficie ainsi de près de la moitié des aides à la rénovation énergétique. Un constat qui plaide pour la réalisation de tests en conditions réelles en amont, mais aussi pour une meilleure information de la part des fabricants.
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