Ce mardi 29 octobre 2019, les autorités laotiennes ont mis en service le méga-barrage hydraulique de Xayaburi, sur le Mékong. D’une puissance de 1,285 GW, il produira une électricité destinée à être exportée en Thaïlande. Ce barrage est symbolique de la volonté du Laos de devenir un important fournisseur d’électricité pour la région, avec des conséquences sur les populations problématiques.
Xayaburi : un méga-barrage sur le Mékong, symbole de l’exploitation de « l’or bleu » du Laos
Au Laos, le 44ème barrage hydraulique sur le Mékong est entré en service le mardi 29 octobre 2019. Situé à Xayaburi, dans le nord du pays, à deux heures au sud de Luang Prabang, il s’agit d’un « méga-barrage », de très grandes dimensions : 820 mètres de long, une puissance de 1,285 GW, un budget de 4,5 milliards de dollars (4 milliards d’euros environ).
Il a été construit par l’énergéticien thaïlandais CKPower, et financé essentiellement par des fonds venus de Thaïlande. L’électricité produite sera ainsi, pour la majeure partie, exportée vers la Thaïlande. En cela, Xayaburi est emblématique de la politique énergétique du Laos, qui entend valoriser au maximum son considérable potentiel hydraulique : le pays a l’ambition devenir “la batterie de l’Asie du Sud-Est”, grâce à son « or bleu ».
La plupart des barrages déjà en service ont ainsi été financés par la Chine et la Thaïlande, qui importent ensuite l’électricité produite. Cette manne financière est cruciale pour un pays parmi les plus pauvres du monde. 45 autres projets de barrage sur le bassin du Mékong sont d’ailleurs en construction au Laos.
Un projet controversé, accusé de vider l’eau du Mékong
Pour autant, cette stratégie risque de toucher ses limites, car les capacités du fleuve ne sont pas extensibles à l’infini. Le barrage hydraulique de Xayaburi cristallise en cela les tensions : il est accusé d’avoir vidé les eaux du fleuve, provoquant la colère du Cambodge et du Vietnam voisins, des populations locales et de plusieurs ONG. Dès sa validation, en 2012, le projet était controversé, puisqu’il n’a pas obtenu l’aval de la Commission du Mékong, qui veille à ce que l’exploitation du fleuve soit faite dans le respect des populations et de tous les pays qu’il arrose.
Sa mise en service a encore attisé ces tensions : des images prises lundi 28 octobre dans la province thaïlandaise de Nong Khai, frontalière du Laos, montrent que le fleuve atteint “des niveaux historiquement très bas”, critique Pianporn Deetes, de l’ONG International Rivers, à l’AFP.
“La sécheresse à elle seule n’explique pas la brutale chute du niveau de l’eau. Nous constatons ce phénomène depuis juillet, ce qui coïncide avec les tests effectués sur le barrage de Xayaburi” à quelque 300 kilomètres en amont, poursuit-elle. CKPower s’est, logiquement, abstenu de tout commentaire sur le sujet.
Here are some photos I took from dried-up sections of the Mekong River a few weeks ago – many locals fear this would be the new normal as the Xayaburi dam commence full operation today while operator denies that the dam caused this. For more read https://t.co/hqFt0OAAiF pic.twitter.com/u5FKyofLob
— Panu Wongcha-um (@panuw) October 29, 2019
Ce projet illustre bien les problématiques complexes que pose la grande hydraulique : il s’agit d’une énergie renouvelable, qui peut permettre à des pays pauvres d’accéder à l’électricité, voire de l’exporter ; mais ses conséquences sur la vie locale et les écosystèmes peuvent être terribles, notamment en cas d’abus. En 2018, un barrage s’était effondré au Laos, noyant six villages et faisant des dizaines de morts.
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