Le 12 septembre 2019, la loi d’orientation des mobilités était examinée à l’Assemblée Nationale. Dans le cadre de ces discussions, le député proche de la fondation Hulot, Matthieu Orphelin, voulait intégrer le poids des voitures dans le calcul du dispositif de bonus-malus. Une initiative qui peut surprendre à première vue, mais qui s’explique par l’évolution du parc automobile qui met à l’honneur les gros véhicules de type SUV. Est-il vraiment possible d’améliorer dispositif pour réduire la pollution ?
Les véhicules lourds polluent-ils plus ?
Dès l’adoption du plan climat, avec Nicolas Hulot, le secteur de l’automobile a compris qu’il devrait changer de vitesse pour sa transition écologique. Et à en croire les chiffres de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), on enregistre déjà les premiers résultats. En effet, en 2018, « le marché des véhicules électriques a été particulièrement dynamique », avec une progression des ventes de 25%.
Seulement, avec l’urgence écologique, le gouvernement français souhaite encore accélérer. Pourtant, aujourd’hui encore, il n’est pas rare de voir une publicité ventant les mérites du dernier SUV de telle ou telle marque interrompre un documentaire sur le réchauffement climatique. Ces voitures sont de plus en plus appréciées des Français. Selon une étude de Greenpeace publiée à l’occasion de l’ouverture du Salon automobile de Francfort, les ventes de SUV en Europe ont été multipliées par quatre en l’espace de dix ans. En France, déjà 40 % des véhicules vendus en 2018 sont des SUV. Problème : ces voitures extrêmement imposantes sont souvent très polluantes.
Le député du Maine-et-Loire, Matthieu Orphelin s’est exprimé sur ce sujet lors des discussions à l’Assemblée nationale autour de la loi d’orientation des mobilités. Le député envisageait de modifier le dispositif de bonus-malus en ajoutant aux émissions de CO2, pour intégrer le poids du véhicule. Plus la voiture est lourde, plus le malus serait élevé. Pour Matthieu Orphelin, il faut « encourager les véhicules les plus légers et décourager l’achat de gros véhicules (dont les SUV de luxe) dont les ventes sont récemment montées en flèche. Même électriques ou hybrides, ces véhicules ne sont pas vertueux ».
En ce sens il s’accorde avec Nicolas Meilhan, qui cherche avec France Stratégie à « faire baisser les émissions de CO2 des voitures ». Ce dernier explique que « le poids intervient dans trois des quatre résistances à l’avancement d’une voiture », ce qui augmente mécaniquement sa consommation d’énergie. C’est pourquoi, il estime « qu’aller vers des voitures plus légères est donc un préalable nécessaire ». Dans cette optique, il propose également d’indexer « le bonus/malus – créé pour encourager l’achat de véhicules propres – sur le poids des voitures ». Car si la marque au losange, Renault, dispose d’une longueur d’avance sur certains de ses compétiteurs, l’industrie automobile n’est pas sur la bonne pente.
Pourquoi les SUV ont-ils la cote malgré la pollution ?
Les SUV n’ont pas bonne presse en termes d’empreinte carbone. Une image qui repose néanmoins sur des données scientifiques, comme le souligne notamment l’adjoint à la mairie de Paris en charge des transports, Christophe Najdovski. Une vérité qui n’empêche pas Peugeot d’affirmer que son SUV Peugeot 3008 ne produit que 29 gramme de CO2 au kilomètre lorsqu’il fonctionne en tout-électrique. Mais qu’en est-il lorsque le mode tout-électrique n’est pas enclenché ? La marque française n’est pas la seule à jouer sur ces codes pour casser cette image de grosse voiture polluante. Les publicités mettent généralement en action des SUV que l’on conduit aussi bien en ville qu’à la montagne… où l’air est pur !
Il apparaît également que les émissions augmentent avec le poids des véhicules. Les SUV sont d’importants émetteurs de CO2. Nous sommes inquiets : ces véhicules dominent les ventes de véhicules neufs et représentent aujourd’hui 40% des ventes, 4 fois plus qu’en 2010.
— Christophe Najdovski (@C_Najdovski) September 10, 2019
L’industrie automobile est le second annonceur dans les médias et la majorité des publicités vantent les mérites des gros véhicules. Et si les publicités mettent en avant les SUV, c’est aussi parce que la gamme existante de modèles tend à se réduire. Sophian Fanen, journaliste et auteur du livre « SUV qui peut » assure qu’ « on ne peut acheter que des petites citadines et des SUV. Entre les deux il reste quelques berlines, mais les monospaces et les familiales ont quasiment disparu ». Il fait par ailleurs le constat que les citadines ont tendance à s’agrandir et à se rehausser. En d’autres termes, les marchés français et européen s’américanisent sous l’effet d’une évolution qui veut que les SUV soient un signe de réussite sociale. Ces véhicules sont devenus le rêve accessible – quoique cher – des classes moyennes aisées.
Ainsi, si le SUV est plus cher à l’achat et plus polluant en moyenne, il n’en demeure pas moins plus attractif aux yeux de nombreux automobilistes. La loi pourrait-elle changer cet état de fait ? Rien n’est moins sûr. Une interdiction pure et simple serait sans doute préférable, sans que cela nous conduise à sombrer dans du « fascisme vert » pour autant. Pour rappel, la France veut fixer à 2040 l’interdiction des véhicules essence et diesel. Une éternité au regard de l’urgence climatique…
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