Les déchets nucléaires. Quelle histoire et que d’histoires ! La menace qui plane au‑dessus de nos têtes, la bombe à retardement enfouie sous nos pieds que l’on doit à la folie technocratique des scientifiques d’hier et des politiques d’aujourd’hui… Le débat national sur la nouvelle revue du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) vient tout juste de démarrer. Une tribune de Tristan Kamin…
Et que d’encre font-ils couler, que d’indignation font-ils émerger, que de peurs peuvent ils susciter, ces déchets ! Pour le meilleur (une régulation et une gestion des plus admirables et transparente) comme pour le pire. Or, tout en travaillant à améliorer le meilleur, il va falloir œuvrer à relever le niveau du pire.
Ce débat public, pour être sain, pour ne pas se faire asphyxier par les croyances et idées reçues, doit être un terrain de vulgarisation, de continuelle information d’un public qui ne sait guère ce sur quoi il est appelé à débattre. Mais il faut intégrer une certaine méfiance du public, habitué à médire des industriels, les « lobbies », plus qu’à les écouter, et à se méfier du discours « officiel » des représentants de l’État. Quant à l’Andra, détachée de l’un et de l’autre, elle devrait jouir d’un statut privilégié, mais est qualifiée un jour de branche de l’État, l’autre jour des industriels, de sorte à la discréditer selon les besoins de l’orateur.
Que l’on ne me méprenne : tous les acteurs connaissent leur rôle, et doivent s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue. Mais, compte tenu de cette méfiance, un autre acteur devrait s’adresser au citoyen curieux, pour l’informer autrement que par les discours officiels et communiqués d’entreprises. Ce tiers acteur, c’est le citoyen informé. Les chercheurs, ingénieurs, techniciens impliqués dans la question de la gestion des déchets radioactifs, mais également tous ceux qui auront l’envie d’informer, enseigner, vulgariser, expliquer, et « débunker » : journalistes scientifiques, étudiants, passionnés en tous genre…
C’est à vous qu’il incombe d’aller vers vos pairs, et de les aider à s’approprier l’information qui est mise à leur disposition par les grands acteurs. À vous de leur parler, écouter leur vision, et, si besoin est, de l’éclairer.
Informer, enseigner, vulgariser, expliquer, et « débunker »
– Expliquez-leur donc que 1,5 million de mètres cubes de déchets radioactifs ne sont pas un immense tumulus qui risque de s’effondrer et nous écraser d’une masse irradiante : par exemple en montrant à quoi ressemble le Centre de stockage de la Manche (CSM), qui en contient le tiers à lui seul.
– Décrivez l’organisation du confinement en plusieurs couches adaptées à la nature des déchets, à leur activité, à leur demi-vie – laquelle n’est pas un indicateur de niveau de risque, il peut être pertinent de le rappeler.
– Rétablissez quelques perspectives : si l’on parle de X tonnes de déchets dangereux, entreposés ou stockés, qu’est-ce par rapport à d’autres déchets industriels dangereux ? Qu’est-ce par rapport aux « déchets » dispersés dans l’environnement, notamment l’atmosphère ? Par rapport aux rejets de gaz à effet de serre, lesquels mettent en péril rien de moins que notre civilisation ? Perspective et rationalisation sont d’or, quand le débat s’enlise dans une perception biaisée d’un risque démesuré.
– Parlez-leur de Cigéo, faites leur appréhender les volumes et niveaux d’activités et assimiler le principe du stockage géologique et du confinement à long terme. Ne laissez plus dire que le but est de cacher, temporairement, les déchets et les confier aux générations futures, risques et coûts inclus. Présentez les raisons de la réversibilité, l’échéance de celle-ci, et, de manière générale, les échelles de temps en jeu. L’échelle humaine en 10 à 102 ans, l’échelle des déchets en 103 à 105 ans, l’échelle géologique à 106 ans et plus.
– Oeuvrez à défaire l’image d’un trou dans lequel on jette des fûts avant de reboucher à la va-vite, en soutenant les efforts de vulgarisation et communication faits par l’Andra, par exemple au travers de vidéastes et bloggers (deux exemples parmi d’autres).
– Rationalisez les risques, en distinguant la phase d’exploitation et la phase de surveillance. Rappelez les enjeux liés au projet ou à sa non-mise en oeuvre. Car, de plus en plus, ceux qui dénoncent une volonté de « cacher sous le tapis » une « bombe à retardement » destinée aux « générations futures » qui devront reprendre ce « cadeau empoisonné »… Sont des gens qui promeuvent un entreposage temporaire à faible profondeur, pour quelques décennies seulement.
En d’autres termes, ce qu’ils reprochent à Cigéo n’a rien à voir avec Cigéo ; pis, ils militent pour que l’on fasse… Précisément ce qu’ils dénoncent.
En un mot : dans le cadre de ce grand débat PNGMDR, où la désinformation et la méfiance abonderont, je vous invite à ce que nous soyons acteurs de l’information. À ne plus laisser le militantisme politique être la seule source d’information alternative aux « discours officiels ».
Les avis d’expert sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs et n’engagent en rien la rédaction de L’EnerGeek.
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