Directeur Général du Conseil français pour le butane et le propane (CFBP), Joël Pedessac, a accepté de revenir sur les enjeux de la transition énergétique pour son organisation. D’après lui, la fin du fioul pourrait notamment représenter une belle opportunité pour le développement du butane et du propane en France…
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Pouvez-vous nous expliquer comment on obtient du butane et du propane ?
Le butane et le propane sont deux gaz qui à l’origine étaient issus du raffinage du pétrole et n’étaient pas exploités. Ce n’est qu’à partir des années 30, en France comme aux Etats-Unis, que ces deux gaz ont pu être récupérés pour être revalorisés en tant que combustible. Avant cela, ils étaient brûlés dans des torchères sur les champs de pétrole ou dans les raffineries.
À partir des années 50, leur production se développe aussi sur les champs de gaz naturel. À cette époque, le butane et le propane extraits dans un champ de gaz naturel représentent en moyenne 5% des volumes de production. En 2018, 70% du butane et du propane commercialisés dans le monde sont des coproduits du gaz naturel, tandis que les 30% restants sont issus du raffinage du pétrole.
Aujourd’hui, on commence à produire du butane et du propane d’origine renouvelable. Comme on parle de méthanisation pour faire du biométhane, il existe des procédés industriels pour obtenir du biopropane ou du biobutène. Ces techniques restent cependant plus embryonnaires que pour le biométhane ; nous sommes effectivement dans une phase d’initialisation de ces procédés.
C’est une société française qui les développe actuellement : Global Bioénergies. Grâce à ses innovations, elle peut notamment produire du bio-isobutène, qui est une molécule proche du butane et qui peut être utilisée de manière totalement indifférenciée avec le butane. Ce bio-isobutène peut être obtenu soit à partir de déchets agricoles, soit à partir du sucre d’amidon.
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Quelle est la place de ces deux énergies dans le mix énergétique français aujourd’hui et demain ?
La part de ces énergies dans le mix énergétique primaire en France est de l’ordre de 1,5%. Les gaz butane et propane peuvent être utilisés comme des combustibles, mais aussi dans différentes opérations de l’industrie pétrochimique ; par exemple pour le vapocraquage. Concrètement, d’après le CFBP on estime que les gaz butane et propane représentent 1 700 000 tonnes de combustible/carburant et près de 2 000 000 de tonnes pour les vapocraqueurs en France, situés principalement à Rouen ou à Marseille. Ce sont donc des quantités assez importantes ! Néanmoins nous sommes convaincus que ces solutions peuvent convaincre encore beaucoup d’autres ménages ou entreprises…
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Quelle est la position du CFBP sur la taxe carbone ?
En tant qu’énergies fossiles, le butane et le propane supportent depuis peu de temps le coût de cette taxe carbone. En effet, nous étions exemptés de TICPE jusqu’au 1er avril 2018. La fiscalité de l’énergie est une déclinaison d’une directive européenne de 2003. Ainsi, partout en Europe, le butane et le propane ont bénéficié ou bénéficient encore d’une exemption sur la fiscalité carbone.
Pour comprendre cette décision, il faut connaître le principe de fabrication de ces ressources énergétiques. Celles-ci représentent entre 2 et 5% des volumes extraits dans un champ de gaz naturel. C’est pourquoi, les Etats ont considéré qu’il était plus intéressant d’inciter à leur utilisation, plutôt que de les brûler comme ça a été longtemps le cas dans l’industrie pétrolière.
Toutes ces réflexions appartiennent désormais à l’histoire puisque nous sommes finalement rentrés dans le champ d’application de la fiscalité carbone en 2018. Toutefois, les acteurs de la filière ont considéré cette décision comme « normale » puisqu’à partir du moment où on est une énergie fossile, il faut participer aux efforts pour endiguer le réchauffement climatique. D’où également les efforts de la filière pour développer le butane et le propane d’origine renouvelable.
Maintenant, il faut aussi reconnaître que la crise liée aux prix des carburants, voire aux prix de l’énergie, résulte directement de cette fiscalité. En effet, ainsi que nous l’avions déjà indiqué, nos clients ont parfois du mal à payer leurs factures, et ce n’est pas en augmentant les taxes qu’on les y aidera… Logiquement, ce n’est pas en ajoutant des taxes qu’ils vont pouvoir plus facilement s’acquitter de leurs factures énergétiques. C’est pourquoi, de notre point de vue, il y a un vrai sujet sur l’affectation des recettes de cette taxe…
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Dans quelle mesure votre filière peut contribuer aux objectifs environnementaux du secteur de la mobilité durable et de l’habitat ?
Dans le cadre de la transition énergétique, le gouvernement souhaite arrêter le chauffage au fioul. Et pour cause, on estime qu’en remplaçant simplement une installation de chauffage au fioul par une chaudière au gaz de haute performance, on peut réduire les émissions de CO2 d’un logement de 40%. Ainsi, on comprend aisément que le bio-isobutène ou le bio-propane pourraient permettre d’améliorer considérablement l’empreinte carbone de notre parc immobilier.
Il en va de même pour le secteur de la mobilité. En effet, lorsqu’on utilise le carburant alternatif GPL plutôt que de l’essence, on diminue également ses émissions de gaz à effet de serre. Par rapport à l’essence, on estime qu’on peut atteindre -20% d’émissions de gaz à effet de serre lorsque le GPL est d’origine fossile et jusqu’à -80% avec le BioGPL, c’est-à-dire lorsque le GPL est d’origine renouvelable. Et au moment où l’utilisation du diesel est remise en cause, le GPL, comme l’hydrogène ou la voiture électrique, représentent plus que jamais une solution pour commencer à décarboner le secteur des transports et à réduire les émissions de polluants. Les véhicules GPL sont ainsi logiquement éligibles à la prime à la conversion du gouvernement. Actuellement, on dénombre 1650 stations qui distribuent du GPL en France, et 37 000 stations en Europe. L’autonomie d’un véhicule GPL est d’environ 500 kilomètres. On estime par ailleurs qu’il y a 200 000 véhicules qui circulent au GPL au sein du parc automobile français, tandis qu’on en compte près de 8 millions en Europe.
Le marché est donc mature, tandis que le surcoût par rapport à une voiture essence est de seulement 800 euros. De plus, le prix de vente moyen de ce carburant alternatif est seulement de 80 centimes par litre. Enfin, ces véhicules peuvent obtenir la vignette crit’air 1, qu’importe l’année d’immatriculation du véhicule, un avantage non négligeable alors que les pics de pollution de l’air sont de plus en plus fréquents. Pour résumer, on peut dire que cette solution d’écomobilité est donc peu onéreuse, tant pour le citoyen que pour l’Etat.
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Que pensez-vous des objectifs affichés dans le projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie pour la filière butane propane ?
La PPE reconnait spécifiquement les avantages du GPL en tant que carburant alternatif de même que le potentiel du BioGPL. Elle fixe à ce titre un objectif de développement des immatriculations de véhicules GPL.
De plus, comme je le disais, nous sommes encore au tout début du développement des technologies renouvelables. Si on sait faire du bio-propane à l’échelle industrielle, le bio-isobuthène en est encore au stade pré-industriel – même si un projet pilote est déjà installé en France dans la ville de Reims. Aussi, il n’y a donc pas d’objectifs fixés à proprement parlé dans la PPE pour le butane et le propane utilisés en tant que combustible.
Pourtant, lorsqu’on s’intéresse aux usages du butane et du propane , on s’aperçoit qu’ils pourront offrir à l’avenir une alternative au fioul et complémentaire du gaz naturel, tant pour les usages résidentiels (chauffage, cuisson…) que pour les transports ou les processus industriels. Au demeurant, il faudra au moins 30 ou 40 ans avant que ces énergies renouvelables soient en capacité de remplacer totalement le butane ou le propane…
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