La taxe carbone : les gilets jaunes vont-ils faire changer la fiscalité ?

La taxe carbone : les gilets jaunes vont-ils faire changer la fiscalité ?

Taxe carbone fiscalité

Alors qu’une nouvelle manifestation des gilets jaunes se prépare dans la capitale le 24 novembre 2018, la hausse de la taxe carbone reste l’un des principaux motifs de protestation. Et même si Emmanuel Macron devrait tenter d’apaiser la colère des manifestants en prenant la parole mardi 27 novembre prochain, cet outil de fiscalité écologique, destiné à lutter contre le changement climatique et réduire la dépendance au pétrole, devrait être conservé. La polémique pourrait donc durer encore longtemps, surtout si les recettes engendrées ne permettent pas de financer des alternatives solides à l’utilisation des combustibles fossiles…

Une taxe sur les combustibles fossiles restée longtemps indolore

Comprise dans la fiscalité écologique, la taxe carbone s’ajoute au prix des combustibles fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon) émetteurs de gaz à effet de serre. Conséquence du principe pollueur-payeur, elle vise donc d’abord les acteurs qui contribuent au réchauffement climatique. Parfois appelée « contribution climat-énergie », elle est basée sur les quantités de CO2 émises suite à la consommation des produits fossiles. C’est d’ailleurs pourquoi, la hausse du diesel, carburant plus polluant que le sans plomb, est davantage affectée par ce nouvel impôt.

La taxe carbone existe désormais dans de nombreux pays du monde, mais c’est la Finlande qui fut le premier pays à l’appliquer, dès 1990. En France, elle a été mise en œuvre à partir de 2014 à la suite des accords sur le Grenelle de l’environnement. Objectif : inciter les consommateurs à adopter des alternatives aux énergies fossiles, ou du moins à en réduire leur consommation.

Initialement son montant était de 7 euros par tonne de CO2, il a depuis été rehaussé à plusieurs reprises. En effet, son montant est réévalué annuellement, selon une trajectoire déterminée à l’avance. La taxe carbone est donc passée à 14,50 euros/tonne en 2015, à 22 euros/tonne en 2016 et à 30,50 euros/tonne en 2017. Néanmoins, elle était jusqu’à présent restée sans réel impact pour les consommateurs puisque la baisse conjoncturelle du cours des produits pétroliers était plus importante que la hausse des taxes.

Mais l’augmentation du cours du pétrole observée au cours des derniers mois, combinée à une nouvelle hausse de la taxe carbone en début d’année (désormais portée à 44,60 euros/tonne), ont rendu cette taxe plus visible aux yeux des consommateurs. Au point de devenir le cheval de bataille du mouvement des gilets jaunes observé un peu partout en France depuis le 17 novembre 2018…

Taxe carbone : une ressource pour plus de social

La grogne des gilets jaunes se poursuit car de nombreux ménages modestes sont directement affectés par cette taxe. C’est particulièrement vrai pour les automobilistes qui dépendent de leur voiture pour leur déplacements quotidiens. En économie, on parle de l’élasticité prix des carburants : même si leur prix augmente, la demande ne varie pas car il n’existe pas de produits ou de service de substitution !  Qui plus est, les prix des produits pétroliers et les autres combustibles fossiles vont continuer à augmenter au cours des prochaines années. Et pour cause, la taxe carbone doit doubler d’ici la fin du quinquennat : elle sera normalement fixée à 84 euros en 2022.

Invité de l’Emission politique sur France 2 jeudi 22 novembre 2018, Nicolas Hulot n’a pas échappé à la question de la hausse de la taxe carbone dénoncée par le mouvement de protestation. « Je l’ai défendue (la taxe carbone) et je l’assume », mais « il faut un accompagnement social digne de ce nom », a déclaré l’ancien ministre de la Transition écologique trois mois après avoir quitté le gouvernement, soulignant que cet accompagnement était « ce qui a manqué ». Pourtant, le 14 novembre 2018 Edouard Philippe a annoncé une revalorisation de la prime à la conversion des véhicules thermiques, ainsi qu’un élargissement du dispositif chèque énergie.

Quoi qu’il en soit, les pouvoirs publics, cette fois, ne comptent pas abandonner cette tarification du carbone. Et cela pour trois raisons au moins. D’abord, car  il s’agit d’un des principaux outils de l’Etat pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Or, le principal objectif du plan climat est justement d’atteindre la neutralité carbone en 2050. De plus, cet outil poursuit également un objectif de santé publique. En diminuant la consommation d’hydrocarbures, on améliore effectivement la qualité de l’air. Enfin, le gouvernement actuel met en avant l’efficacité de cette mesure, s’appuyant sur l’expérience des pays scandinaves où elle existe depuis plus longtemps. On estime ainsi qu’une hausse de 10% des taxes sur les produits fossiles engendre une baisse de 6% des émissions de CO2.

Transparence : un préalable au consentement des citoyens

De surcroît, la hausse de la taxe carbone représente une manne fiscale conséquente pour l’Etat. D’après l’Institut for Climate Economics (I4CE), « le montant des revenus du carbone [dans les pays du G20] est passé de 4,2 à 22,2 milliards de dollars entre 2012 et 2017, soit une augmentation de 429% en cinq ans ». Des recettes dont l’utilisation semble encore opaque, voire injuste aux yeux du grand public. A titre d’exemple, pénaliser les propriétaires de véhicules individuels peut apparaître contradictoire avec d’autres mesures sur les transports. Difficile par exemple de justifier la fermeture de lignes de chemin de fer régionales, dont l’exploitation est jugée trop coûteuse…

C’est pourquoi, dans une tribune qu’elle co-signe avec le directeur général d’I4CE, Benoît Leguet, et Christophe Robert, de la Fondation Abbé-Pierre (FAP), la députée Bénédict Peyrol plaide pour plus de transparence. L’élue de l’Allier explique : « Les choix d’utilisation des recettes sont importants pour rendre une taxe carbone acceptable, mais c’est à chaque pays de trouver un consensus, un équilibre politique propre à sa situation. Il n’y a pas de solution miracle. Ce qui est clair, par contre, est que les citoyens doivent être consultés en amont sur l’utilisation de ses recettes, le gouvernement doit communiquer clairement ses choix et leur rendre régulièrement des comptes ».

En somme, la popularité de cette mesure destinée à durer devra peut-être son salut à la mise en place de mesures à l’attention des ménages les plus modestes. Plusieurs pistes ont d’ores et déjà été avancées par le Premier ministre. Seulement, à l’instar du député de la majorité Matthieu Orphelin, certaines voix s’élèvent pour demander d’autres mesures d’accompagnement. Parmi les pistes possibles, des aides pour la rénovation thermique des logements à destination des ménages modestes, victimes de la précarité énergétique, ou encore des dispositifs permettant la démocratisation de la mobilité électrique sont fréquemment envisagés…

Crédits photo : ResoneTIC

Rédigé par : La Rédaction

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