Le 22 septembre 2018, le CEA de Marcoule organisait son tout premier Hackadem, un hackaton entièrement consacré aux problématiques du démantèlement nucléaire. Une initiative originale qui a permis à dix groupes d’étudiants de plancher, pendant une journée entière, sur une série de problèmes techniques en étant épaulés par cinq start-up françaises elles-mêmes spécialisées dans l’industrie du démantèlement nucléaire. Mais plus qu’un simple coup de communication, le Hackadem organisé par le CEA vise à promouvoir les métiers d’une filière souvent méconnue, et qui peine à recruter. Et pourtant, en matière de démantèlement nucléaire, la France est l’un des pays leaders du marché mondial.
La France à la pointe du démantèlement nucléaire
Le marché mondial du démantèlement nucléaire est évalué à environ 220 milliards d’euros. A lui seul, le marché français représente 650 millions d’euros par an. Et ce marché est largement dominé par Orano Démantèlement et Services (Orano DS), qui pèse pour 45% dans ce marché domestique. Et si l’activité enregistre une hausse continue, elle devrait connaître un véritable boom dans les dix prochaines années à cause de la transition énergétique. La filière est particulièrement porteuse d’avenir : sur le seul territoire français, EDF a estimé à 60 Md€ le coût total du démantèlement pour ses 58 réacteurs en exploitation et ses 9 réacteurs en déconstruction, ainsi que la gestion des déchets. A l’échelle mondiale, la tendance est plus difficile à cerner car la majorité des pays industrialisés ont un parc nucléaire bien moins important que la France.
Démanteler une centrale nucléaire : un savoir-faire français
Démanteler une centrale nucléaire se fait en trois grandes étapes : il faut d’abord arrêter définitivement le réacteur et enlever le combustible radioactif pour nettoyer les circuits avec un produit chimique adapté avant de les découper ; on doit ensuite démanteler les bâtiments eux-mêmes ; enfin, la cuve doit être découpée. Les entreprises Suez et Veolia sont ainsi spécialisées dans le traitement des déchets nucléaires non radioactifs. Ils représentent la majorité des déchets après le démantèlement d’une centrale. Une expertise domestique que l’entreprise a pu faire valoir auprès de ses clients internationaux, et qui l’a aidé à se positionner sur plusieurs marchés au Japon (Orano a notamment travaillé sur le chantier de Fukushima), en Allemagne, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Pour les déchets restants, qui concernent les matériaux radioactifs, là encore les entreprises françaises tirent leur épingle du jeu : Orano (ex Areva) est l’un des leaders mondiaux sur ce marché. L’entreprise vient d’ailleurs d’inaugurer sa nouvelle usine de traitement en France pour augmenter sa capacité de traitement de l’uranium, et ainsi faire face à l’augmentation de la demande mondiale. Orano souhaite notamment se développer sur le marché du nucléaire asiatique, où il enregistre déjà 20% de son chiffre d’affaires annuel.
Et si les entreprises françaises sont si bien implantées sur le marché mondial du démantèlement nucléaire, c’est parce que l’industrie française du nucléaire est arrivée à maturité depuis déjà une vingtaine d’années. Elle investit également beaucoup dans l’innovation et les nouvelles technologies, notamment par le biais des partenariats entre le CEA et les entreprises privées. Des innovations qui ont permis aux entreprises françaises de réaliser des projets inédits. En 2010 déjà, le démantèlement d’une partie de Superphénix avait été l’objet d’une prouesse technique : 6 000 m3 de sodium avaient été extraits du réacteur pour être transformés en soude avant d’être finalement capturés dans du béton. Un travail d’autant plus délicat que le sodium est un matériau volatile qui prend feu au contact de l’air.
La success story d’Oreka
Non seulement les grandes entreprises françaises spécialisées s’exportent bien sur le marché mondial du démantèlement nucléaire, mais quelques start-up osent se lancer sur ce marché ultra compétitif. En 2013, l’entreprise Oreka Solutions a ainsi vu le jour. En quelques années, elle s’est rapidement imposée comme l’une des solutions les plus performantes pour planifier les chantiers de démantèlement de centrales nucléaires. Son logiciel, DEM plus for nuclear a été développé en partenariat avec le CEA. Il permet de générer une maquette 3D des installations pour mettre en place plusieurs scénarios de démantèlement, d’exploitation et de maintenance. Cette solution intelligente estime la durée du démantèlement, son coût ainsi que la quantité de déchets nucléaires à traiter. Le développement de la start-up française a pris une nouvelle dimension en mai dernier : l’entreprise a été rachetée par EDF.
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