Le démantèlement : une étape du cycle de vie du nucléaire en pleine évolution

Le démantèlement : une étape du cycle de vie du nucléaire en pleine évolution

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Pour l’ouverture du dernier World Nuclear Exhibition fin juin 2018, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, est venu rappeler que le nucléaire est une industrie qui « représente 220 000 emplois directs ainsi qu’un chiffre d’affaires de 50 milliards d’euros dont 22% à l’exportation ». Dynamique, la filière qui installe la 3ème génération de réacteurs sera en même temps confrontée au défi du démantèlement. Entre opportunité industrielle et contraintes organisationnelles, ce challenge mobilise aussi bien les grands groupes comme EDF, Orano ou Veolia, que les PME implantées dans nos territoires. L’Energeek a rencontré le groupe Ecia, Oreka et le laboratoire Cevidra.

  • Pour vous, que représente le marché du démantèlement ?

Groupe Ecia – Arnaud Céré : Je suis directeur des opérations du groupe Ecia, qui est une PME de 200 personnes, avec de nombreuses compétences métiers. Nous sommes une entreprise d’ingénierie spécialisée dans la ventilation nucléaire, l’électricité contrôle commande et les études de démantèlement nucléaire. Elle réalise entre 85 et 90% de son chiffre d’affaires dans le secteur du nucléaire, et nous intervenons pour l’ensemble des donneurs d’ordres du nucléaire. Concernant le démantèlement, nous intervenons notamment sur le site de Marcoule. Par ailleurs, nous sommes membre du PVSI (pôle de valorisation de sites industriels), dont je suis le Vice-Président ; l’association est dédiée au démantèlement et à la dépollution et regroupe les donneurs d’ordre et les entreprises du secteur. Le démantèlement nucléaire est donc une activité que nous regardons avec attention.

Oreka – Luc Ardellier : Oreka Solutions est une entreprise que j’ai créée il y a 8 ans, qui emploie une dizaine de salariés, et qui vient de devenir une filiale du groupe EDF. En effet, alors que la filière cherche à digitaliser ses activités, nous développons actuellement une solution numérique qui permet de préparer, par la simulation 3D, les chantiers de démantèlement des centrales nucléaires. Bien qu’étant éditeurs de logiciels, nous avons souhaité conserver une approche métiers très forte, de manière à proposer des produits qui répondent au mieux aux besoins et aux attentes des métiers du nucléaire, et plus particulièrement du démantèlement. Ainsi, la moitié de nos salariés sont des ingénieurs du nucléaire, tandis que l’autre est composée de programmeurs spécialisés dans la 3D. Avec cette organisation nous générons 90% de notre chiffre d’affaires dans des opérations de démantèlement, nous intervenons par ailleurs aussi dans des opérations de maintenance, notamment dans le cadre du Grand carénage d’EDF.

Laboratoire Cevidra – Stéphane Destaing : Le marché du démantèlement est une étape du cycle nucléaire. On en parle régulièrement car les centrales nucléaires de première génération arrivent en fin de vie. Des réacteurs vont aussi être arrêtés car des gouvernements prennent des décisions en ce sens. Cela fait partie du cycle de vie de la filière nucléaire, c’est un cycle logique qui évolue avec les technologies. En termes de marché, le démantèlement est important, mais ce ne sera pas notre premier marché, nous intervenons plutôt sur des activités liées à la fabrication du combustible ou à la maintenance des centrales nucléaires. Par ailleurs, le démantèlement devant se dérouler au cours des prochaines décennies, il est difficile de dire plus finement ce que va représenter ce marché pour notre entreprise dans les années à venir.

  • Concrètement, quels sont vos clients ? Quelles commandes vous passent-ils ?

Groupe Ecia – Arnaud Céré : Nous intervenons directement pour les donneurs d’ordres du nucléaire mais aussi pour des partenaires industriels et institutionnels ; il peut s’agir de l’Andra ou du CEA, mais aussi d’Orano et d’EDF ou encore d’Engie et de SPIE par exemple. Le groupe Ecia se positionne principalement sur le marché français, même si nous accompagnons aussi nos clients et nos partenaires sur des projets internationaux. Comme nous sommes des spécialistes métiers, on intervient toujours par rapport à nos métiers spécifiques, nous n’avons pas un rôle d’intégrateur ou de maîtrise d’oeuvre globale.

Oreka – Luc Ardellier : Nous avons de très nombreux clients qui se répartissent sur l’ensemble de la chaine de valeur du nucléaire. Parmi eux, EDF bien sûr, mais aussi le CEA ou encore Engie, Bouygues et Westinghouse en France. Nous sommes également présents à l’international où nous réalisons 30% de notre chiffre d’affaires : principalement en Angleterre à Sellafield, ainsi qu’en Chine ou en Allemagne. Pratiquement, deux options sont possibles lorsqu’on fait appel à nos services. Ce qu’on offre, c’est une solution logicielle, soit nous l’utilisons pour le compte du client, soit c’est le client qui souhaite s’équiper. Par ailleurs, nous ne raisonnons pas à l’échelle d’un site, car à Sellafield par exemple, ils ont des plannings qui s’étalent sur plus de 120 ans, en revanche, généralement les installations sont subdivisées en chantiers, voire en lotissements ou en marché, qui peuvent varier entre 1 à 100 millions d’euros. Concrètement, pour chaque contrat on importe la maquette 3D dédiée dans notre logiciel et après notre client peut tester des hypothèses afin de scénariser ses différentes opérations. L’outil est d’autant plus pratique que le démantèlement concerne pour l’instant uniquement les anciennes installations nucléaires, et qu’elles sont toutes différentes. Et précisément, comme il n’y en a pas deux pareilles, chaque projet est spécifique et nécessite une étude particulière pour déterminer la meilleure stratégie de démantèlement. Pour cela, ce n’est pas juste de la modélisation en 3D, c’est-à-dire qu’on intègre pas seulement les caractéristiques physiques, il y a aussi d’autres paramètres qui sont intégrés, tels que les spécificités radiologiques et l’inventaire déchets des sites. Ensuite, on peut vérifier la faisabilité technique, proposer des plannings, des budgets et évaluer les volumes de déchets, ainsi que le risque auquel vont être exposés les membres du personnel.

Laboratoire Cevidra – Stéphane Destaing : Nous arrivons sur ce marché et commençons nos partenariats avec les principaux acteurs de la filière, c’est-à-dire les fabricants de combustible, les exploitants des centrales nucléaires et les acteurs du démantèlement. A l’heure actuelle, nous estimons que le marché français représentera environ 10% du marché mondial, c’est pourquoi nous exporterons prochainement notre solution à l’étranger : le laboratoire Cevidra commercialise la crème Cevidra® Calixarene, qui a remporté le prix de la sûreté nucléaire lors du salon World Nuclear Exhibition [voir photo ci-contre]. Nous comptons notamment profiter du développement du marché asiatique, avec les constructions de centrales en Inde et en Chine. Nous avons également des contacts au Japon, aux Etats-Unis, et évidemment partout en Europe. De notre point de vue, on ne peut pas imaginer travailler à l’export sans le soutien de l’AIFEN et des fleurons Français de l’industrie.

  • Quel(s) sont les opportunités et les frein(s) que vous avez identifié pour développer votre activité ?

Groupe Ecia – Arnaud Céré : Les risques liés au démantèlement sont des risques structurels. A savoir, d’abord la visibilité de cette activité, avec des programmes qui sont parfois décalés dans le temps et auxquels il faut pouvoir s’adapter. Par ailleurs, c’est une activité de long terme, donc qui s’étale dans le temps et il faut arriver à gérer les fluctuations d’activités. Le groupe Ecia ne faisant “que” de l’ingénierie nous sommes seulement partiellement touchés par cette difficulté, mais elle est en revanche beaucoup plus complexe à prendre en compte pour les entreprises qui interviennent physiquement sur les chantiers.

L’autre spécificité du démantèlement nucléaire, c’est la précision des données d’entrée, qui sont parfois très difficiles à définir et qui font que les démantèlements peuvent être soumis à des aléas. Admettons que vous deviez évoluer dans un milieu assez hostile, avec de la haute radioactivité, il vous faut réunir un certain nombre de données, d’éléments, dans des installations qui sont souvent anciennes : aussi comment déterminer l’indice de confiance des données qui sont en votre possession ? Quand on démantèle une installation, l’exploitant essaye de garder la mémoire de ce qui s’est passé sur l’installation, mais comme on est sur des temps longs, c’est parfois un peu compliqué. Ce qu’il faut avoir à l’esprit, c’est que le démantèlement porte sur des installations qui ont été fabriquées dans les années 50, 60, 70, qui ont été exploitées pendant 30 ou 40 ans, mais pas toujours avec le même degré de traçabilité qu’on peut avoir aujourd’hui ; de ce fait, nous sommes amenés à intervenir sur des objets sur lesquels il peut y avoir énormément d’aléas. Pour les acteurs du démantèlement, l’enjeu c’est donc de pouvoir adapter le cadre contractuel à cette spécificité.

Oreka – Luc Ardellier : La filière du nucléaire dans son ensemble est en train de prendre le virage du digital, un peu comme la transformation numérique qu’on a pu connaître récemment dans l’automobile ou l’aéronautique, et pour nous c’est forcément une opportunité ! En tant que filiale d’EDF, nous sommes persuadés que la digitalisation va permettre d’améliorer la performance des unités nucléaires et renforcer la compétitivité de la filière. Par contre, nous souhaitons aussi souligner l’importance de parvenir à une standardisation de l’approche ; il nous semblerait logique d’éviter de faire autant de normes que d’éditeurs, il faut de la transversalité pour tous les acteurs afin de veiller à l’interopérabilité des solutions utilisées.

Laboratoire Cevidra – Stéphane Destaing : Nous travaillons aujourd’hui pour un changement des recommandations. Actuellement, l’AIEA, l’Agence Européenne du Nucléaire et l’ASN reconnaissent l’eau savonneuse comme la solution de référence contre les contaminations cutanées aux radionucléïdes. Or désormais il existe notre solution élaborée après 12 années de recherches et développement, fondée sur des brevets de l’IRSN. Nos études prouvent que la crème Cevidra® Calixarene est 8 fois plus efficace que l’eau savonneuse. C’est le premier produit pharmaceutique développé spécifiquement pour le traitement des contaminations cutanées. Il est breveté dans le monde entier.

Rédigé par : Groupe Ecia / Oreka / Laboratoire Cevidra

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