Selon un communiqué du ministère de l’énergie chinois, la Chine serait parvenue, jeudi 18 mai 2017, à extraire des quantités relativement importantes de glace inflammable ou combustible des sous-sols de la mer de Chine méridionale. Une avancée majeure dans la course aux hydrates de méthane qui pourrait conduire à une révolution énergétique mondiale, et permettre d’exploiter les immenses réserves de gaz coincées sous les glaces. Explications.
Une source d’énergie des régions froides et abyssales
Les hydrates de méthane, plus communément appelés glaces inflammables, sont des structures glacées renfermant du gaz, naturellement présentes en grande quantité dans les fonds marins, sur certains talus continentaux, ainsi que dans le pergélisol des régions polaires. Issues de la décomposition des matières organiques, ces « bulles » de méthane se sont retrouvées, au fil du temps, piégées par la glace. « Cela ressemble à des cristaux de glace, mais si vous zoomez vous voyez que les molécules de méthane sont enfermées par les molécules d’eau« , explique Praveen Linga, professeur à l’Université de Singapour, interrogée par la BBC.
Lire aussi : La consommation mondiale de gaz en hausse de 1,6% en 2016
Découvert pour la première fois dans les années 1960 en Russie, l’hydrate de méthane est aujourd’hui considéré comme une ressource énergétique d’avenir (pour remplacer le pétrole par exemple) compte tenu des réserves potentiellement considérables à l’échelle planétaire. Un mètre cube de glace combustible est égal à 164 mètres cubes de gaz naturel régulier, et si l’ensemble des gisements n’ont pas encore été répertoriés, les estimations des ressources de méthane contenues dans les hydrates sont comprises entre 70 et 130 fois les réserves prouvées de gaz naturel conventionnel. D’autre part, si sa combustion rejette des émissions de CO2, cela reste dans des proportions équivalentes à celle du gaz naturel et donc inférieures à celles du charbon ou du pétrole.
Des conditions d’exploitation difficiles et coûteuses
Au Japon, en Amérique du Nord (États-Unis, Canada) et en Europe (Allemagne), de nombreux programmes de recherche s’y intéressent et tentent depuis plusieurs décennies, d’en tirer profit. La perspective d’une exploitation industrielle des hydrates de gaz a même donné lieu à des collaborations internationales dans le cadre du programme de production d’hydrates de gaz Mallik, rassemblant cinq pays (Japon, États-Unis, Inde, Canada, Allemagne). Néanmoins, la part des hydrates dans la production de méthane est encore négligeable, et les conditions d’extraction sont difficiles et coûteuses.
Lire aussi : Japon : la glace qui brûle contre l’hyper dépendance énergétique
Si les réservoirs potentiels d’hydrate de gaz sont peu profonds sous la surface du sol, en comparaison aux gisements conventionnels de gaz naturel le plus souvent situés au-delà de 2000 m de profondeur, l’instabilité caractéristique des hydrates de méthane exige des méthodes d’extraction spécifiques. Ces hydrates sont en effet relativement stables à faible température et forte pression, mais peuvent rapidement évoluer dès que les températures dépassent un certain seuil (ils s’enflamment dès qu’il fondent ou se trouvent en présence d’oxygène ou d’un oxydant).
Trois méthodes d’extraction du méthane sont pourtant à l’étude. La dépressurisation qui consiste à forer à travers une couche d’hydrate piégeant à sa base du méthane. L’extraction du gaz provoque une diminution de pression dans le réservoir, entraînant une dissociation des hydrates par la base et une libération de méthane. Cette technique semble la plus prometteuse car la moins coûteuse. L’utilisation d’un inhibiteur est également envisagée et permet de modifier les conditions de stabilité de l’hydrate de gaz en injectant un additif, comme du méthanol ou du glycol. Mais cette méthode est pour l’instant beaucoup trop coûteuse et risquée pour l’environnement. Enfin, l’injection thermique de vapeur ou d’eau chaude dans la zone où se trouvent les hydrates pour provoquer leur dissociation en élevant la température. Là encore, à volume égal de gaz produit, la stimulation thermique est nettement plus chère que la dépressurisation.
Une avancée majeure en mer de Chine méridionale
Malgré tout, le Japon a été le premier, en mars 2013, à tenter une exploitation à visée commerciale des hydrates de méthane, dans le but d’accéder à l’indépendance énergétique, sachant que les profondeurs des eaux nippones regorgent de ces gaz de glace. L’expérience, réalisée à 330 mètres en sous-sol sous 1000 mètres de profondeur marine, a consisté à provoquer une chute de pression pour récupérer le gaz, mais elle n’a finalement duré qu’une semaine, les forages ayant fini par ne remonter que du sable.
Major breakthrough: China succeeds in mining flammable ice in South China Sea, may lead to global energy revolution https://t.co/MkgLWBVoiN pic.twitter.com/3XtQDYNfvI
— People’s Daily,China (@PDChina) 18 mai 2017
Si d’autres tentatives sont prévues prochainement par Tokyo qui espère une première commercialisation dès 2019, c’est son voisin chinois qui semble désormais le mieux positionné. En effet, la Chine serait parvenue, en mai dernier, à extraire des quantités de gaz des glaces inflammables beaucoup plus importantes que d’habitude dans le cadre d’une mission de recherche en cours dans la mer de Chine méridionale depuis 2007. « C’est le premier succès de la Chine dans l’extraction de la glace inflammable en mer, après près de deux décennies de recherche et d’exploration », a annoncé jeudi 18 mai le ministre de l’Energie chinois. Cette extraction de glace combustible, située dans la mer de Shenhu, à environ 320 kilomètres au sud-est de la ville de Zhuhai dans la province de Guangdong, avait débuté le 28 mars 2017 à une profondeur de 1.266 mètres sous l’eau. En moyenne, 16.000 mètres cubes de gaz à haute pureté ont été extraits chaque jour, un record qui laisse présager une structuration rapide de la filière et son exploitation à grande échelle.
Laisser un commentaire