Les Etats membres de l’Union européenne sont parvenus, mardi 28 février, à une position commune sur la réforme du système européen d’échange de quotas d’émissions, permettant l’ouverture de négociations avec le Parlement européen. Le plus grand marché du carbone au monde, mis en place depuis 2008 sans véritable succès, pourrait ainsi gagner en efficacité et permettre à l’UE de tenir ses engagements en matière de lutte contre le changement climatique.
Un marché des quotas en manque d’efficacité
Le système de quotas d’émissions (dit SEQE ou ETS en anglais pour European Trading Scheme) est destiné à exercer une pression financière sur les grands émetteurs afin qu’ils réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre, en investissant dans les énergies renouvelables, dans les technologies vertes ou de captage du carbone. Le but à long terme étant de modifier progressivement leurs moyens de production, d’encourager la recherche, le développement de nouvelles énergies, et le démarrage d’entreprises vouées au développement durable.
Concrètement, ce marché doit permettre de plafonner les émissions et de réduire ce plafond au fur et à mesure, forçant ainsi les grands industriels à payer plus pour continuer à polluer ou à réduire leurs émissions pour payer moins. Les entreprises qui ne dépassent pas leur plafond peuvent quant à elles vendre le CO2 non utilisé aux émetteurs qui dépassent la limite permise. Ces entreprises peuvent ainsi engendrer des revenus supplémentaires et investir dans des énergies et technologies renouvelables
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Problème, si les objectifs européens en matière de réduction des émissions de CO2 sont ambitieux (-40% d’ici à 2030), le système des quotas de l’UE, lancé en 2008, est affaibli depuis plusieurs années par un surplus de crédits d’émissions, le rendant tout bonnement inefficace. Le prix du droit de polluer établi aujourd’hui entre 5 et 10 euros la tonne de CO2 est trop bas pour pousser les entreprises à émettre moins de gaz à effet de serre et orienter les industriels vers une économie bas carbone.
Compromis et projet de réforme
Une réforme du système des quotas paraissait donc indispensable pour pallier ses déficiences et permettre une remontée du prix de la tonne à un niveau véritablement dissuasif pour les entreprises. Les ministres de l’Environnement européens étaient réunis cette semaine à Bruxelles dans ce but et ont évoqué ensemble les grandes lignes de ce projet de réforme après des mois de tractations et de négociations entre Etats membres. Ces derniers ont adopté une « approche générale« , a annoncé mardi la présidence maltaise du Conseil de l’UE. « C’est un moment important pour nous, pour la planète et pour les générations futures, on a besoin d’un ETS qui fonctionne mieux« , a-t-elle ajouté.
Départ pour le conseil des ministres de l’environnement ????????: pour un accord robuste sur le marché carbone #AccordDeParis #COP21 pic.twitter.com/v2tNKXLmrx
— Ségolène Royal (@RoyalSegolene) 28 février 2017
Plus ou moins dépendants des énergies fossiles, les Etats membres ont su s’entendre sur les moyens de faire remonter le prix des quotas d’émissions et sur le fonctionnement d’un mécanisme de « réserve de stabilité du marché« , prévoyant le retrait automatique du marché d’un pourcentage de quotas d’émission, qui sera mis en place en 2019. « Il y a bien sûr des lobbies industriels très forts« , a déclaré quant à elle la ministre française de l’Environnement, Ségolène Royal, « mais il faut être bien clairs sur ces enjeux: ce sont des décisions politiques au plus haut niveau qui engagent l’avenir de nos pays et non pas les intérêts particuliers de telle ou telle filière industrielle« .
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Les Etats membres vont désormais pouvoir entamer leurs négociations avec le Parlement européen (qui a adopté sa position mi-février) et la Commission européenne, près de deux ans après que l’exécutif européen ait mis sur la table ses premières propositions de réforme.
Les propositions phares de la Commission européenne
La Commission européenne propose en effet depuis 2015 et les mesures contenues dans le « paquet d’été », de durcir les règles applicables sur le marché du carbone, et envisage entre autres, à partir de la phase 4 (soit entre 2021 et 2030), de réduire de 2,2% chaque année (au lieu de 1,74% actuellement) la quantité globale de quotas de CO2 alloués, par rapport à la période 2013-2020.
Durant la même période, 57% des quotas seront soumis à un système d’enchères et 43% continueront d’être attribués gratuitement à l’industrie, pour éviter des délocalisations et mieux protéger les entreprises européennes contre les concurrents établis dans d’autres régions du monde moins regardantes sur les normes climatiques. Mais ces règles seront elles aussi plus restrictives puisque le nombre d’industries éligibles à 100% de quotas gratuits sera réduit de 180 à 50 (on y trouvera toujours par exemple les secteurs de l’acier, de l’aluminium ou de la chimie). Ce sujet a toutefois provoqué quelques tensions lors des débats entre Etats membres, certains d’entre eux contestant le pourcentage de quotas distribués gratuitement aux secteurs en difficulté.
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La commission propose enfin de créer une réserve de 400 millions de quotas pour les nouveaux pays de l’Union et les industries en pleine croissance. Ceux-ci proviendraient en partie de la « réserve de stabilité« , un mécanisme qui doit entrer en vigueur en 2019 pour assurer un prix du carbone plus fort et plus stable.
De leur côté, les députés ont appuyé la majeure partie des propositions de la Commission européenne et décidé de soutenir le retrait de 800 millions de quotas supplémentaires.
Crédits photo : PS
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