Avec le développement des nouvelles technologies, le réseau électrique français continue de se renforcer. Selon les propos d’Étienne Beeker pour France Stratégie, une hybridation du réseau serait effectivement envisagée. Seulement, pour maintenir l’égalité de traitement entre tous les consommateurs, tout en respectant les contraintes climatiques et financières, un équilibre devra probablement être préservé entre les différents moyens de production.
Les réseaux électriques centralisés, un atout pour le service public
Trois réseaux électriques coexistent actuellement en France. La Commission de Régulation de l’Energie (CRE) distingue : le réseau de transport, les réseaux de répartition et les réseaux de distribution. Tandis que la gestion du réseau public de transport de l’électricité est confiée à Réseau de transport d’électricité (RTE), les réseaux publics de distribution appartiennent aux communes qui peuvent en confier la gestion au fournisseur Enedis (ex-ERDF).
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La loi du 10 février 2000 confie la gestion de ces réseaux à deux types d’acteurs. Les gestionnaires des réseaux de transports exploitent le réseau de haute et de très haute tension (dit HTP allant de 63 à 400 kV). Ceux-ci s’étendent sur environ 100.000 km. Les gestionnaires des réseaux de distribution exploitent quant à eux les réseaux de moyenne tension (dit HTA, 20 kV ou 15 kV) et basse tension (dit BT, 400 V). Ceux-là ont une longueur évaluée à 1,3 million de km. Pour faire l’interface entre les réseaux HTB/HTA, 2.200 postes sources sont utilisés. Plus de 700.000 postes de distribution réalisent l’interface entre les réseaux HTA/BT.
Pour alimenter ce réseau avec une électricité peu chère à faible intensité carbone, EDF exploite à la fois des centrales thermiques, mais également nucléaires, solaires, éoliennes et hydrauliques. Cette organisation et ce mix électrique diversifié permettent surtout aux opérateurs de veiller à l’égalité de traitement entre tous les consommateurs. En appliquant entre autres une péréquation tarifaire, ils satisfont à l’obligation de desserte qui leur est faite sur l’ensemble du territoire. Ce faisant, ils assurent une mission de service public.
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Hiver 2016/2017 : les risques de coupures de courant sur-estimées?
Pourtant, avec la montée en puissance des énergies intermittentes, la mise au rebut de plusieurs centrales thermiques, la nécessaire maintenance des installations nucléaires et la vague de froid qui traverse actuellement le pays, certains s’interrogent sur les capacités du système électrique à répondre aux pics de consommation cet hiver. Interrogé par France Inter, l’économiste spécialisé sur les questions énergétiques, Jean-Marie Chevalier a expliqué lundi dernier que RTE assurait, avec une vigilance constante, une régulation à même d’éviter les coupures de courant. Jean-Marie Chevalier a malgré tout évoqué un « risque de pénurie », alors qu’il qualifiait notre système électrique de « thermosensible ». En effet, alors qu’un tiers des foyers se chauffent à l’électrique, le Professeur Emérite de sciences économiques à l’Université Paris-Dauphine a indiqué que la baisse des températures d’un degré nécessitait une quantité d’électricité supplémentaire équivalente à la production de deux centrales nucléaires.
Au cours de son intervention, il a néanmoins rappelé que plusieurs leviers étaient actionnables en cas de besoin d’ajustement de la demande en électricité. Il est notamment possible de mettre en service de centrales électriques de pointe ou encore de pratiquer l’effacement de consommation. Enfin, du fait de l’interconnexion des réseaux électriques européens (Grande-Bretagne, Belgique, Allemagne, Italie, Espagne et Suisse), l’importation d’électricité en provenance des pays voisins est également envisageable. Interrogée le 17 janvier dernier lors de la séance des questions au gouvernement au Sénat, la Secrétaire d’Etat écologiste Barbara Pompili, a appelé les citoyens à adopter un certain nombre d' »écogestes », utiles pour surmonter la vague de froid. Des recommandations également relayées par la Responsable Communication Grand Public de l’Ademe, Florence Clément, au micro de Maxime Switek sur l’antenne d’Europe 1.
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Concernant les risques de délestage, EDF souligne que le fait de « suspendre momentanément l’activité électrique d’une partie du réseau en raison d’un déséquilibre entre production et consommation d’électricité« , « est un moyen ultime d’exploitation du système électrique« . Toutefois, l’électricien précise qu’il s’agit « d’un événement rarissime dans les pays développés« . Une situation d’autant plus improbable en France que l’Autorité de Sûreté Nucléaire vient d’autoriser le redémarrage de 9 réacteurs nucléaires sur les 12 faisant l’objet de contrôles.
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Des investissements qui préparent l’avenir du réseau électrique ?
Malgré les qualités et la robustesse des infrastructures existantes, l’apparition des nouvelles technologies (ENR, smartgrids…) nécessitent d’effectuer d’importants investissements sur le réseau électrique tricolore. Dans le cadre du projet 2017/2027, le chargé de mission énergie pour France Stratégie, Étienne Beeker anticipe l’évolution du système électrique français. Il souligne à ce titre qu’Enedis prévoit déjà d’affecter près de 30 milliards d’euros avant 2030 à l’intégration des EnR et au déploiement des « smart grids » dans le réseau avant de souligner que « les pouvoirs publics se devront d’investir, de favoriser l’innovation, d’arbitrer en matière de normes techniques et de contrôler le secteur en recourant par exemple aux instruments tarifaires ».
Comme en atteste le schéma décennal de développement de réseau mis en consultation publique par RTE, la transformation du modèle électrique français a d’ailleurs déjà commencé. Le document « envisage dans la décennie la création ou le renforcement de près de 2.000 km d’ouvrages à très haute tension« , ainsi que de multiples projets d’aménagement du réseau. Au total, ce sont plus de 10 milliards d’euros d’investissements que devrait effectuer le transporteur « pour transformer le réseau de transport français face aux mutations du mix énergétique« .
Pour autant, les enjeux de financement restent plus que jamais d’actualités dans cette période de fortes restrictions budgétaires. Ainsi, la ministre de l’énergie, Ségolène Royal, a publié, le 17 janvier dernier, une décision visant à revoir les tarifs des réseaux publics de distribution de l’électricité (TURPE). Dans ce texte, elle « estime essentiel que les tarifs d’utilisation des réseaux publics puissent accompagner de façon appropriée la nécessaire mutation des réseaux afin de réussir la transition énergétique et d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris ». Pour l’association représentante des électriciens français, l’Union Française de l’Électricité, il s’agit d’un choix raisonné dans la mesure où il permettra le financement des investissements nécessaires à la transition énergétique.
Crédit photo : @EDF – CARAVEO MARC
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