Il y a quatre ans, suite au passage d’un tsunami dévastateur, se produisait le tristement célèbre accident nucléaire de Fukushima. Depuis, des milliers de personnes ont été poussées à l’exil, et quelque 6.000 salariés s’emploient à démanteler le site. Surtout, la catastrophe a relancé le débat : le nucléaire a-t-il un avenir ? État des lieux et perspectives.
Le nucléaire post-Fukushima : des réalités contrastées
Quatre ans après Fukushima, on peut dresser un premier bilan de l’évolution du marché nucléaire mondial. Premier constat : entre les pays qui s’éloignent progressivement de l’atome et ceux qui en font un axe de développement prioritaire, les réalités nationales et continentales sont contrastées.
Du côté des pays qui envisagent une sortie du nucléaire, l’exemple allemand vient le premier en tête. La Suisse, également, s’est engagée dans la même voie. L’Italie, quant à elle, a mis fin à ses nouveaux projets de construction de centrales. Le cas américain est plus ambigü, puisque le non-renouvellement de son parc nucléaire est, dans une bonne mesure, une conséquence de l’émergence des gaz de schiste – qui ont rendu l’atome moins compétitif. Et l’administration Obama soutient l’utilisation de l’atome pour réduire les émissions de CO2, notamment en encourageant l’innovation.
A l’opposé du spectre, de nombreux pays tablent sur le nucléaire dans les décennies à venir et développent d’ambitieux projets de développement. Premier marché mondial, la Chine envisage par exemple de tripler sa puissance installée dans les 20 prochaines années, pour passer de 20 à 60 GW. La Russie s’est engagée dans la construction de nouveaux réacteurs, tout comme la Turquie ou le Royaume-Uni, qui bénéficiera de l’expertise du français EDF en matière d’EPR. Enfin, des pays producteurs de pétrole qui, à l’instar de l’Arabie Saoudite, souhaitent décarboner leur mix énergétique, ont lancé des programmes de développement du nucléaire.
La France se situe quant à elle dans un entre-deux, puisque les deux années de débat sur la transition énergétique, qui ont récemment abouti au vote du projet de loi à l’Assemblée Nationale, ont débouché sur une proposition visant à faire passer la part du nucléaire de 75 à 50% du mix électrique à l’horizon 2025. Un délai cependant jugé trop court par le Sénat…
Un marché qui a de l’avenir et porté par l’Asie
« Certes, le développement [du nucléaire] a été ralenti par l’accident [de Fukushima], mais il n’a pas non plus été arrêté », analyse Colette Lewiner, experte Energie pour le cabinet Capgemini. Dans un monde où règne un certain consensus sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, le nucléaire apparaît comme un atout pour s’orienter vers une énergie décarbonée.
A l’aune de la Conférence des Parties (COP) qui se déroulera fin 2015 à Paris, et qui devra déboucher sur un ambitieux accord environnemental à l’échelle globale, l’industrie nucléaire semble toujours avoir un avenir.
Depuis Fukushima, les normes de sûreté ont fortement été durcies de par le monde, et les autorisations de prolongation de la durée de vie d’anciens réacteurs se font au cas par cas. D’où, par exemple, les investissements qui seront effectués en France par EDF dans le cadre du grand carénage.
Aujourd’hui, pas moins de 69 réacteurs sont en construction dans le monde. Jamais, depuis plus de 25 ans, ce chiffre n’a été aussi élevé. D’ici 2030, quelque 250 nouveaux réacteurs seront mis en exploitation. Montant estimé des investissements : 1.200 milliards de dollars. Et c’est l’Asie qui devrait, pour l’essentiel, tirer ce développement de la filière nucléaire.
Paradoxalement, pourrait-on dire, l’Asie semble avoir été moins traumatisée par la catastrophe de Fukushima que l’Europe, comme l’explique l’expert de l’énergie Lionel Taccoen : « Le centre de gravité du nucléaire se déplace et naturellement, l’Europe occidentale, qui se croit toujours le centre du monde, l’interprète comme une éclipse du nucléaire ». A tort.
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