Le gouvernement du Royaume-Uni a indiqué, ce 10 août 2023, son intention d’accueillir, au printemps 2024, une réunion internationale sur la sécurité énergétique : son but est d’éviter les crises énergétiques mondiales, comme celle provoquée l’année dernière par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais aussi de favoriser la neutralité carbone. Paradoxal ? Comme la politique énergétique britannique récente.
Le gouvernement du Royaume-Uni va accueillir, au printemps 2024, une réunion internationale sur la sécurité énergétique
Est-ce un habile contre-feu pour prouver que, malgré l’octroi de nouvelles licences d’exploitation de pétrole et de gaz en mer du Nord, le Royaume-Uni est toujours un héraut de la transition énergétique et de la neutralité carbone ? Ou une prolongation d’une volonté d’allier objectifs climatiques ambitieux et pragmatisme énergétique assumé ?
Dans tous les cas, l’annonce faite par le gouvernement, ce 10 août 2023, d’organiser au printemps 2024 une réunion internationale sur la sécurité énergétique, est bien à relier avec ses objectifs climatiques et énergétiques. Le ministère de l’Énergie britannique entend réunir ministres et patrons du secteur, venus du monde entier.
L’annonce ministérielle elle-même ne semble pas savoir sur quel pied danser : la réunion aura lieu pour le deuxième anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Or, le communiqué affirme que le but de Londres est d’éviter à l’avenir des crises énergétiques comme celle provoquée par cette invasion, ou dans les années 1970 par le choc pétrolier.
Ces deux exemples sont des cas où un combustible fossile, précédemment abondant, s’est retrouvé disponible en quantité limitée, provoquant une crise mondiale. L’objectif de la réunion est-il donc de garantir une forte disponibilité des combustibles fossiles, pour éviter toute crise ? Le fait que Londres invite (et le signale !) des gros producteurs d’hydrocarbures comme l’Arabie saoudite, le Qatar ou les Émirats arabes unis va dans ce sens.
Pour autant, le ministère de l’Énergie n’entend pas limiter les crises énergétiques à des crises des hydrocarbures. La réunion doit évoquer de nombreuses menaces à la sécurité énergétique, dont le risque d’actions « malveillantes » de la part de la Russie ou de groupes terroristes, ou des événements météorologiques affectant production d’électricité éolienne ou solaire.
Le grand flou
Plus étonnant, le communiqué évoque la dépendance d’un pays à une unique source d’énergie, qu’il faudrait résorber, en citant l’Allemagne avec le gaz russe, ou la France avec le nucléaire. Ces deux cas n’ont pourtant que peu à voir : l’Allemagne était dans une réelle dépendance stratégique, à la merci d’un coup géopolitique, la France a certes subi le souci de corrosion sous contrainte, affectant de nombreux réacteurs, mais c’est une défaillance technique, non dépendante de la situation internationale, et qui n’a rien de systémique (la situation est d’ailleurs en cours de normalisation).
Surtout, le ministère de l’Énergie met aussi en avant le changement climatique, comme cause d’instabilité énergétique. « On ne peut pas avoir de sécurité mondiale sans neutralité carbone. Il n’y a pas de sécurité mondiale si des millions de gens doivent se déraciner » à cause des effets du changement climatique, a pointé le ministre de l’Énergie Grant Shapps dans une interview au site Politico.
Les buts de cette réunion semblent donc, pour l’heure, bien flous : est-ce réduire les émissions de gaz à effet de serre (donc réduire la consommation d’hydrocarbures) ou garantir un accès diversifié à un maximum de sources d’énergie, dont les hydrocarbures ? Développer les sources d’énergies bas carbone, réduire la consommation énergétique mondiale, ou disposer en permanence de back-up de grande ampleur (y compris carbonés) en cas de crise ?
L’avenir le dira peut-être, mais cette réunion semble pour l’instant parfaitement en accord avec les ambiguïtés généralisées de la politique énergétique du gouvernement de Rishi Sunak.
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