Après avoir cessé de livrer les États et les sociétés de l’Union européenne refusant de payer en rouble, le géant gazier russe Gazprom a réduit, cette semaine, ses livraisons de gaz naturel à un grand nombre de ses autres clients européens, sous prétexte d’une avarie technique. Ce 16 juin 2022, son président, Alexeï Miller, a rappelé un principe simple : « Notre produit, nos règles ». De quoi faire craindre une prochaine rupture d’approvisionnement ?
La Russie accentue la pression énergétique sur l’Union européenne. Depuis plusieurs semaines, Gazprom, le géant gazier d’état, a cessé de livrer tous les pays et sociétés refusant de payer en roubles, comme l’impose le Kremlin suite aux sanction européennes contre la Russie – successivement la Pologne, la Bulgarie, la Finlande, et les principaux opérateurs gaziers du Danemark et des Pays-Bas.
Cette semaine, Gazprom a commencé à réduire unilatéralement ses livraisons de gaz naturel vers d’autres clients européens, qui payent pourtant en roubles. Le groupe a commencé par réduire le débit du gazoduc Nord Stream de 60 % (qui achemine le gaz vers l’Allemagne), prétendument suite à un soucis avec des turbines de Siemens dans la station de compression de Portovaïa – alors que l’industriel allemand indique n’être au courant d’aucune avarie.
Puis c’est au tour du pétrolier italien Eni de voir ses importations réduites, d’abord de 15 % ce mercredi 15 juin, puis de 65 % ce 16 juin 2022. D’autres groupes gaziers européens, comme le français Engie et l’autrichien OMV, ont également confirmé, ce 16 juin 2022, une baisse des livraisons.
Concernant l’Italie, Gazprom a à nouveau justifié cette baisse par les problèmes de la station de Portovaïa. Ce storytelling a provoqué la colère de Berlin et de Rome. Le gouvernement allemand a ainsi dénoncé une « décision politique » et un « prétexte » de Moscou. Le chef du gouvernement italien Mario Draghi a été encore plus loin : « Nous, l’Allemagne et d’autres (pays), pensons que ce sont des mensonges. Il y a en fait une utilisation politique du gaz, tout comme il y a une utilisation politique du blé ».
Ce même jeudi 16 juin, Alexeï Miller, patron de Gazprom, n’a pas démenti, bien au contraire : dans une intervention au forum économique de Saint-Pétersbourg, il a multiplié les attaques frontales contre l’Union européenne. « Notre produit, nos règles. Nous ne jouons pas selon des règles que nous n’avons pas faites », a-t-il notamment lancé.
Il a également rappelé que « la Russie est un fournisseur d’énergie fiable pour les amis de la Russie » – comprendre : pas pour ses ennemis, donc pas pour l’Union européenne. Tout en continuant de prétendre qu’un manque de pièces de rechange pour les tribunes Siemens expliquait cette baisse des approvisionnement.
Il a d’ailleurs rappelé que les livraisons de GNL russe vers le marché Asie-Pacifique allait augmenter « dans un avenir très proche », compensant en volume les baisses de livraisons vers l’Europe.
Ce 15 juin 2022, Gazprom avait indiqué que les exportations vers les pays ne faisant pas partie de la Confédération des États indépendants, un groupe réunissant neuf anciennes républiques soviétiques, avaient baissé de 28,9% du 1er janvier au 15 juin par rapport à la même période l’an dernier. Mais, comme dans le même temps les prix du gaz naturel ont fortement augmenté, les revenus de la Russie n’ont pas été affectés, toujours selon Gazprom.