« Il faut redonner confiance dans la rénovation énergétique »

Charles Arquin, Pouget Consultants : « Il faut redonner confiance dans la rénovation énergétique »

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Le guide Bâtiments collectifs durables porté par le bureau d’études POUGET Consultants donne des clés pour accélérer la réhabilitation énergétique en habitat collectif. A l’occasion de sa publication, et alors que la rénovation énergétique figure au coeur des propositions de relance verte post covid-19, le célèbre bureau d’étude a répondu aux questions de L’Energeek. Selon Charles Arquin, responsable du Pôle Rénovation, c’est en redonnant confiance dans la rénovation énergétique que la France pourra atteindre ses objectifs en la matière. Entretien.

  • Pour préparer la sortie de crise et répondre tout à la fois à l’urgence sanitaire et climatique, la Convention citoyenne propose de rendre obligatoire la rénovation énergétique globale des bâtiments d’ici à 2040. Qu’en pensez-vous ?

Il est intéressant de donner de la visibilité à la rénovation énergétique et d’encourager les ménages à y avoir recours. A court terme, il me semble que le bon sens doit orienter vers l’incitation plutôt que l’obligation ; l’incitation à s’engager dans des travaux de rénovation énergétique et environnementale performants, tout en orientant progressivement vers l’obligation.

Il faudra redoubler d’efforts pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la PPE et de la SNBC à l’horizon 2050. En massifiant les gestes et en multipliant par trois le volume des travaux de rénovation énergétique réalisés aujourd’hui. En termes de qualité d’intervention, on est très en deçà de ce qu’il faudrait faire. Nous manquons beaucoup d’occasions de rénover efficacement. Par exemple, lorsqu’on ravale les façades d’un bâtiment sans obligatoirement mettre de l’isolation par l’extérieur, cela arrive encore trop souvent. Aujourd’hui, nous faisons le constat que 90% des rénovations se font par étapes et “au geste”, sans inscrire le bâtiment dans une trajectoire. Les volumes de rénovation globale et performante sont très faibles, parce qu’ils appellent des investissements très conséquents du côté des co-propriétés. Dans le premier cas, on a du volume, mais des travaux de qualité restreinte ; de l’autre, des rénovations globales performantes, mais un volume trop faible par rapport aux objectifs attendus en 2050

Le parc existant est techniquement très hétérogène – à nous de trouver les moyens de trouver le juste équilibre entre quantité et qualité, ou comment encadrer la rénovation performante, et ce, pour fiabiliser l’investissement vert ! A ce titre, nous sommes en cours de définition d’une méthodologie « BBC Compatible » qui répond à ces attentes. Cette initiative a été entreprise par POUGET Consultants, Effinergie et Eireno, soutenue dans le cadre d’un Appel à Projet Recherche de l’ADEME. Elle vise à harmoniser la définition du BBC Compatible et à préfigurer l’établissement d’un cadre nécessaire au déploiement de rénovations BBC par étapes. La démarche cible en priorité les collectivités territoriales, notamment les régions dont certaines ont déjà mis en place ce type de programme.

  • Isolgate, malfaçons, arnaques, démarchage téléphonique intempestif… la rénovation énergétique n’a pas toujours bonne presse. Comment rénover autrement ?

Il faut redonner confiance dans la rénovation énergétique. Les motifs de passages à l’acte sont nombreux : esthétique, bien-être, confort en toutes saisons, santé, charges…

Il devient fondamental de développer des outils à la disposition des artisans et des entreprises pour les aider à réaliser un bon diagnostic dans un premier temps, et à mettre en œuvre des solutions qui ont du sens techniquement ensuite. Certains sujets complexes comme les questions de pare vapeur et d’étanchéité à l’air mériteraient également d’être vulgarisées.

Accompagner les entreprises est justement l’objet de beaucoup de travaux dans le cadre de l’appel à programme PROFEEL auquel nous participons activement. Cela passe par des outils numériques qui permettent d’une part de poser un bon diagnostic, en fonction de la typologie du bâtiment, et d’autre part de donner aux entreprises les moyens de monter en compétence sur les préconisations et la mise en œuvre des travaux . On s’assure ainsi qu’il n’y aura pas de pathologies par la suite.

Car il y a encore trop de problèmes et de malfaçons dans le bâtiment, ce qui est notamment la conséquence de cette logique d’intervention par geste qui repose uniquement sur la recherche du volume. L’exemple le plus typique : on va isoler sans changer le système de ventilation, pour une mise en œuvre la plus simple possible, afin de limiter les coûts. Il faut trouver un équilibre pour répondre à des besoins de rénovation parfois urgents sur le terrain, tout en essayant de donner une vision d’ensemble qui manque aujourd’hui à la plupart des entreprises. Le renforcement des mesures de contrôles sur le RGE est en ce sens un tournant positif. Par ailleurs, il y a tout un axe autour de la préfabrication pour pré-concevoir un certain nombre de solutions avant de les mettre en œuvre. C’est utile pour conduire à moins de malfaçons après sur site.

En bref, créons un écosystème qui permette d’aller au-delà de cette logique par geste, c’est ce à quoi nous nous attachons avec le BBC Compatible et nous pouvons pour cela compter sur un tissu unique d’entreprises qualifiées en France.

  • A partir du 1er septembre, les modalités du dispositif « Coup de pouce isolation » évoluent : renforcement des contrôles de chantiers ou encore mise en place d’aménagements nécessaires à l’efficacité des travaux d’isolation… Ces mesures permettront-t-elles d’améliorer les gains d’efficacité énergétiques des travaux ?

Le renforcement des contrôles chantier va dans le bon sens : il n’y avait pas assez de contrôle autour des dispositifs CEE Coup de pouce. Au-delà du volume de contrôles, il faut se poser la question du “comment” et du “quoi”, ce qui renvoie à une grille de vérification. Il y a aussi la question du choix de ces chantiers audités. A partir de bases de données publiques, nous devons être en mesure de choisir de manière aléatoire les chantiers à visiter pour mieux suivre les chantiers qui pourraient mal se passer.

Par ailleurs, la question de la bonne conduite des travaux d’isolation est effectivement centrale. Aujourd’hui, il n’est pas rare de constater des pathologies et des écarts avec les consommations estimées quand les travaux sont mal réalisés. A chaque étape de travaux, il faut s’assurer de la bonne mise en œuvre ; un ménage qui réussit sa rénovation, quand bien même partielle, c’est un ménage qui aura envie de se réengager ! Si au contraire le particulier ne constate aucune économie à la suite des travaux, l’engagement ultérieur sera rendu complexe. L’étanchéité à l’air et la migration de vapeur d’eau sont les deux grandes variables qu’il s’agit de viser en matière d’isolation, et ces deux critères sont très généralement liés à la mise en œuvre d’un pare vapeur. Les DTU, c’est à dire les règles techniques, n’imposent pas obligatoirement la mise en place de pare vapeur par exemple, alors que la plupart des documents d’experts recommandent par ailleurs obligatoire la mise en œuvre d’une membrane dans beaucoup de cas. Idéalement, il faudrait que les règles techniques évoluent pour permettre aux artisans de s’appuyer sur un cadre clair, mais a minima, leur fournir des outils pour bien prendre en compte ces sujets et les faire rentrer dans les pratiques est une première étape. Les choses évoluent sur le sujet.

  • Quelles pistes pour lutter contre la précarité énergétique vécue par de nombreux Français ?

La précarité est un sujet qui dépasse largement les questions de performance énergétique de l’enveloppe et du bâtiment, et qui touche aussi à la question de l’activité de la personne et de son salaire. Il y a beaucoup trop de passoires énergétiques en France, entre 7 et 8 millions. Pour y remédier, il faut d’abord mieux identifier les ménages précaires dont certains restent invisibles. Ce travail passe par les nombreux acteurs sur le terrain mais aussi par des outils numériques (type carnet numérique). Des travaux sur la définition des passoires énergétiques sont également en cours ; ils sont jugés comme prioritaires par les pouvoirs publics et permettront d’éclairer sur ce sujet qui est au cœur de thématiques prioritaires comme le social, le local et l’environnement ! Ensuite, il faut flécher des investissements vers l’enveloppe car elle constitue le bouclier énergétique le plus efficient pour réduire les charges énergétiques du quotidien.

  • Dans le neuf aussi, l’isolation est importante. Décarboner le neuf d’ici 2050 tout en garantissant le confort des habitants est-il un défi atteignable selon vous ?

Le principal enjeu pour le secteur du bâtiment, neuf et existant, est de réduire fortement la consommation d’énergie dans les prochaines années, afin de faire baisser la quantité de carbone contenue dans l’énergie consommée. La neutralité carbone ne pourra s’obtenir que par une sobriété énergétique. Cela passe évidemment par une amélioration de l’enveloppe isolante, premier pilier de la performance durable. Les projets RT2012 sont souvent mieux bien isolés que les bâtiments rénovés ! Nous avons encore une grande marge d’amélioration que la RT2012 n’a pas su enclencher.

Pour traiter de manière correcte l’enveloppe des bâtiments neufs, et ainsi assurer une performance énergétique optimale, il faut combiner matériaux bas carbone et technologies modulables et recyclables. L’adoption de cette approche vis à vis de l’enveloppe est indispensable car l’enveloppe des bâtiments est irréversible, contrairement aux autres équipements et technologies.

Evidemment, en parallèle, il est nécessaire que les concepteurs (architectes, bureaux d’études) prennent mieux en compte le confort des occupants avec un climat qui se modifie. L’exercice n’est pas évident. Il est nécessaire pour éviter une obsolescence rapide des bâtiments neufs.

En conclusion, performance énergétique, facteur carbone et besoin de confort ne sont pas opposés, bien au contraire. La difficulté pour les associer est bien souvent à la fois économique et induite par l’habitude et le manque de prise de conscience. Une maîtrise d’ouvrage avertie sur les enjeux climatiques et volontaire pour apporter un cadre de vie agréable et durable à ses clients doit maintenant émerger, sinon, le cadre réglementaire l’y contraindra.

Rédigé par : La Rédaction

La Rédaction
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