Nouvellement désigné responsable national de la transition écologique pour le mouvement La République En Marche, avec sa collègue Bérangère Abba, Jean-Charles Colas-Roy a accepté de décrypter la stratégie de la majorité et le projet de loi Énergie Climat pour l’EnerGeek. Avec l’Accord de Paris en ligne de mire, et la transition écologique à appliquer, le mix énergétique français devra s’appuyer sur ses points forts pour réussir sa transformation…
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Avec la loi Énergie Climat, la neutralité carbone en 2050 remplace l’objectif du « facteur 4 », cela sera-t-il suffisant pour se remettre sur la trajectoire de décarbonation prévu par l’Accord de Paris ?
La « petite loi énergie », est une loi technique pour permettre l’application et le déploiement de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). La PPE sera présentée sous la forme d’un décret, mais elle nécessite au préalable quelques adaptations législatives. Après avoir présenté une première version du texte au Conseil Économique Social et Environnemental, le gouvernement va prendre le temps de tenir compte des retours de plusieurs consultations en cours. C’est pourquoi, il est désormais envisagé de remettre à avril 2019 l’examen du projet de loi en conseil des ministres.
En effet, le président de la République a réaffirmé son ambition de réduction de la consommation d’énergie. Emmanuel Macron veut réintroduire la baisse de 20% de notre consommation d’énergie. Pour inscrire cet objectif à l’horizon 2030, comme prévu, de nouvelles mesures doivent néanmoins être identifiées. Au demeurant, cette volonté de bien faire de l’exécutif ne bouleverse en rien le calendrier parlementaire. Ainsi, cette « petite loi énergie » doit toujours être examinée à partir de juin ou juillet 2019. Son adoption est quant à elle attendue dans le courant de l’été ou au début de l’automne. La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) sera donc probablement publiée dans le courant du deuxième semestre 2019.
Nous sommes attentifs aux symboles, et pour répondre à la polémique autour de la notion de « neutralité carbone », la majorité a souhaité souligner qu’il s’agissait d’une disposition visant à se montrer plus ambitieux que l’objectif actuel du « facteur 4 ». À La République En Marche, nous croyons au progrès technique ; et si de nouvelles capacités à stocker le carbone, ou si d’autres technologies de rupture venaient à se présenter d’ici 2050, nous aurions parfaitement raison d’être optimistes !
Donc pour être très clairs, nous visons la neutralité carbone à l’horizon 2050 et à cela vient s’ajouter à l’objectif de « facteur 4 » qui devra être atteint, voire rehaussé.
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Avec la révision à la hausse de l’objectif pour les énergies fossiles (-40% en 2030), diriez-vous que la priorité de la transition énergétique nouvelle version est de mettre fin à notre dépendance au carbone ?
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que s’il a été envisagé de revenir sur la baisse de nos consommations d’énergie, c’est bien parce que, depuis 5 ans, du retard a été pris. Nous avons finalement décidé de nous montrer volontariste, pour compenser ce retard. Par ailleurs, en raison de l’urgence environnementale notre majorité a d’abord donné la priorité à la sortie des énergies fossiles, avec une diminution de 40% à l’horizon 2030.
Effectivement, notre priorité consiste à réduire la place des énergies fossiles dans le mix énergétique. Et cela passe par un ensemble de mesures qu’il va falloir mettre en œuvre concomitamment. Preuve de notre détermination, nous avons commencé par préparer la sortie du charbon ; mais nous amorçons aussi la conversion des chaudières au fioul chez les particuliers, tandis que nous développons les primes à la conversion pour réduire les émissions du parc automobile.
Quand on parle de neutralité carbone, on parle concrètement de la réduction de notre dépendance aux fossiles. Il faut donc en même temps tenir le cap de la réduction des émissions carbone, sans pour autant s’interdire de chercher de nouvelles solutions pour rendre les techniques de production plus soutenables. C’est le sens du Make Our Planet Great Again : inviter en France les chercheurs du monde entier à innover pour notre planète…
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L’examen du texte en Conseil de ministres a été reporté pour rendre le projet de loi encore « plus ambitieux », quels moyens supplémentaires pourrait-on envisager ?
Je suis absolument persuadé que nous pouvons nous montrer encore beaucoup plus ambitieux sur la maîtrise de nos consommations d’énergie. Avec la rénovation thermique des bâtiments, nous disposons d’un véritable gisement d’économie d’énergie. A ce niveau, la commande publique est souvent motrice, en impulsant le mouvement avec des programmes pour les bâtiments de l’État (Universités, hôpitaux, …) , on peut entraîner le secteur privé.
En plus de générer de la croissance et des emplois sur les territoires, non délocalisables, de telles dépenses pourraient également avoir pour conséquence de réduire le phénomène de précarité énergétique. Sur la question des logements, j’aimerais par exemple que l’on puisse inscrire dans la loi une interdiction, à terme, de la location pour les passoires énergétiques. Pour se montrer plus volontariste à l’horizon 2030, il faudrait inciter progressivement puis contraindre les bailleurs à améliorer les performances énergétiques des logements, en particulier dans les zones tendues. C’est une question de justice sociale, puisque dans notre pays ce sont les concitoyens les plus modestes qui payent le plus cher leur facture énergétique !
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Justement, quels enseignements pouvons-nous déjà tirer du Grand débat national sur ces enjeux énergétiques ?
Une des principales conclusions du Grand débat national me semble-t-il, c’est qu’on ne peut pas remettre une taxe carbone sans l’accompagnement social qui va avec pour les plus modestes. À mes yeux, l’instauration d’une taxe carbone doit aussi être l’occasion d’initier un véritable fléchage des nouvelles recettes en direction des moyens nécessaires pour la transition énergétique.
La fiscalité du carbone est sans aucun doute un outil intéressant pour amorcer une transition du fossile vers les énergies décarbonées. Cependant, les conditions de sa mise en place doivent être repensées, soit dans le cadre d’une réforme d’ensemble de la fiscalité, soit par des mécanismes de redistribution. Tous nos concitoyens n’ont malheureusement pas les moyens d’investir dans un nouveau véhicule, ou dans leur logement ; il faut pouvoir les y aider.
Seulement, l’équilibre n’est pas simple. Car nos concitoyens nous demandent plus d’écologie, plus de préservation de la biodiversité, et en même temps moins de taxes. Il ne faut plus aborder les questions de l’écologie uniquement par le prisme de la fiscalité carbone, il s’agit au contraire de conduire une réflexion beaucoup plus globale, avec des mesures incitatives pour transformer notre société.
On pourrait simplement commencer par donner l’information au public de l’intensité carbone des produits que nous consommons. Il y a le bilan carbone lié à notre consommation énergétique, mais il y a aussi les émissions liées aux importations des produits que nous utilisons au quotidien. Attention cependant, ne nous trompons pas d’objectif, pour endiguer le réchauffement climatique nous devons informer pour responsabiliser les citoyens, sans les culpabiliser. L’Ecologie est avant tout une formidable opportunité pour construire ensemble une société plus juste et plus respectueuse de la Nature.
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