Annoncée comme une avancée exceptionnelle, la route solaire peine aujourd’hui à convaincre. Les premiers bilans ne sont pas à la hauteur des espoirs et le coût de ces installations suscite de nombreuses critiques. La route solaire n’a toutefois pas dit son dernier mot et l’entreprise française qui l’a inventée, Colas Wattway, assurait fin 2018, que l’année en cours serait celle de la commercialisation. L’échec décrit par beaucoup pourrait-il finalement se transformer en succès ?
Comment fonctionne une route solaire ?
Innovante et écologique, la route solaire a été couverte de lauriers dès ses prémices. En 2015, cette innovation portée par l’entreprise française Colas – spécialisée dans les infrastructures routières – a été récompensée aux Trophées Solutions Climat lors de la COP21. Un an plus tard, la ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, inaugurait le tout premier tronçon au monde capable de générer de l’énergie grâce au soleil tout en permettant aux véhicules de circuler normalement. Pour la faire fonctionner, le principe est simple : des petits panneaux solaires sont ajoutés au revêtement. Une technique beaucoup moins coûteuse que les premiers essais, qui consistaient à (re)construire une route en totalité. Pourtant, à l’heure des premiers bilans, la route solaire suscite beaucoup moins d’enthousiasme…
Le principe d’une route solaire est donc le même qu’une installation solaire classique. Les panneaux installés sur la chaussée produisent autant d’énergie que les conditions climatiques le permettent. A ce stade, on comprend l’intérêt de cette technologie, car avec plus d’un million de kilomètres de route, le potentiel de production est énorme. L’inauguration d’un kilomètre de route solaire, le 22 décembre 2016 dans l’Orne, a donc été très suivie et la ministre de l’Ecologie d’alors ambitionnait 1 000 kilomètres de route. Un objectif qui ne sera pas atteint au cours des prochaines années, car un peu plus de deux ans plus tard, la France ne compte qu’une vingtaine de projets tests et le tronçon d’un kilomètre situé à Tourouvre-au-Perche reste le plus long construit à ce jour.
La route solaire n’a pas connu l’essor attendu il y a encore peu. Cela s’explique en premier lieu par le coût énorme de ce type d’installation. Pour le seul kilomètre de Tourouvre-au-Perche (dans un seul sens), ce sont cinq millions d’euros de subvention qui auront été nécessaires. Un investissement donc très important, supporté en grande partie par le contribuable et qui a rapidement montré ses limites. Le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER) se montrait « interrogatif » avec un « prototype à environ 17 euros par watt alors qu’on arrive à 1 euro par watt pour des centrales (photovoltaïques) au sol ». La question est donc de savoir quel est le potentiel de réduction de ce coût. Une question essentielle, mais qui n’est pas la seule tant les complications ont été nombreuses.
Une compétitivité bientôt assurée ?
La route solaire, n’a pas encore réussi à démontrer sa compétitivité. Aucun des projets engagés en France et à l’étranger n’a convaincu sur ses performances intrinsèques. La route de Tourouvre-au-Perche a commencé par produire seulement 409 kWh par jour, puis plutôt 671 kWh par jour, ce qui reste loin des prévisions à 767 kWh. Une différence qui fait monter le prix du kWh à des niveaux pas du tout compétitifs. Toutefois, le président des Routes de France, Pierre Calvin, nuance : « Il est clair que ce n’est pas en se comparant à EDF en matière de fourniture d’énergie que la route solaire peut gagner. Par contre, je peux vous assurer que si c’est pour alimenter, sur une aire de service d’une route nationale, une borne de recharge et que vous n’avez pas dix kilomètres de câbles à tirer vous allez sans problème trouver une rentabilité au dispositif ».
Des problèmes qui en cachent d’autres cependant. Car les routes solaires sont confrontés à des phénomènes naturels comme la pluie, la boue et la neige qui les empêchent de fonctionner correctement. A cela s’ajoute l’ombre créée par le passage des véhicules et des riverains (dans les zones urbaines) qui fait encore baisser la production électrique. Des riverains qui ont obtenu à Tourouvre la limitation de la vitesse à 70 km/h sur la portion de route solaire en raison du bruit trop important produit lors du passage des véhicules. De plus, l’usure des panneaux solaires est généralement plus forte qu’attendue. Si le tronçon de Tourouvre ne semble pas souffrir de ce problème, celui de Bellevigny en Vendée a vu ses panneaux remplacés seulement dix-huit mois après leur installation.
Malgré les difficultés rencontrées un peu partout, l’entreprise Colas continue à travailler sur une nouvelle génération de route solaire. Le directeur de Wattway, Etienne Gaudin a affirmé fin 2018 avoir pour objectif de commercialiser son produit au l’année 2019. Les performances devraient être bien meilleures, tandis que le directeur de Colas Wattway rappelle que la route solaire est « complémentaire » aux installations classiques. Alors si la rentabilité n’est pas encore atteinte, l’entreprise pourrait viser de « couvrir plutôt des petites surfaces proches de voiries, qui permettront d’alimenter des équipements comme de l’éclairage communal, un arrêt de bus, des caméras pour des zones accidentogènes, des panneaux d’information » afin de remplir le cahier des charges financier.
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