Le marché des agrégateurs est en pleine transformation. On assiste à un phénomène de concentration des acteurs, l’émergence de solutions clef en main, en même temps que l’essor des énergies renouvelables et des technologies qui les accompagnent. Une tribune de François-Régis Déhéry.
Alors qu’il y a deux ans, une vingtaine d’entreprises se partageaient le marché, celui-ci a été l’objet d’une concentration par cœur de métier. Certaines jeunes pousses ont rejoint de grands groupes, qui ont ainsi étoffé leur portefeuille de services. Dans le même temps, l’émergence des offres vertes et la plateformisation de l’énergie, qui favorisent les circuits courts « producteurs-consommateurs », voient la disparition de l’agrégateur pur, au profit d’un modèle intégré. Aux entreprises historiques de l’énergie s’adjoignent, à présent, les gestionnaires d’infrastructures informatiques et fabricants d’unités de production d’énergie renouvelable. Ceux-ci font le choix d’orienter leurs activités vers une solution clef en main, de l’installation à la commercialisation en passant par la maintenance.
Dans l’ensemble, la transition énergétique et les nouvelles régulations impactent tant les exploitants d’unités renouvelables que les agrégateurs. Ces derniers, qui interviennent en bout de chaîne logistique, doivent donc attendre la mise en exploitation pour accroître leur portefeuille. La durée des contrats d’agrégation, partiellement influencée par les financeurs, ne favorise pas la mise en concurrence, car les routines d’exploitation ne sont pas encore standardisées. La remise sur le marché de portefeuilles plus vastes devrait, en revanche, permettre une amélioration des rendements.
Concurrence, renouvelable et origine de l’énergie : 3 tendances du marché
La première grande tendance est celle de la concentration, c’est-à-dire le rachat des petits acteurs par des grands. Les clients naturels des agrégateurs connaissent une restructuration importante, en même temps que des incertitudes législatives ralentissent l’émergence des projets. Les grands groupes (Engie, EDF, Total) en profitent alors pour effectuer rachat et consolidation, au détriment de la diversité.
La deuxième tendance est l’essor continu des énergies vertes. Si l’éolien offshore poursuit sa conquête du marché, l’éolien terrestre se heurte encore à des résistances. Mais le segment le plus dynamique est sans conteste le photovoltaïque, grâce à une PPE ambitieuse, des installations de tailles variées et une bonne intégration territoriale. Enfin, le biométhane connaît une résonance très positive, porté par une filière certes plus petite, mais organisée et active.
Puisque l’agrégation ne peut, fondamentalement, pas être découplée de la fourniture, la troisième tendance est celle de l’origine de l’énergie comme élément différenciant auprès des consommateurs. La sensibilité à la provenance de l’énergie connaît le même succès que, dans un autre secteur, l’alimentation d’origine biologique. Les agrégateurs intégrés, carrefour entre producteurs et consommateurs, jouent un rôle de chef d’orchestre en articulant le besoin de visibilité des uns et le choix social des autres.
La digitalisation des acteurs et des processus
Au coeur du métier d’agrégateur se retrouvent les notions de plateforme et de désintermédiation. Il revient à l’agrégateur de combiner les intérêts commerciaux des producteurs et les habitudes des consommateurs, avec des produits simples et compréhensibles, tout en préservant la chaîne qui les unit. L’agrégateur-fournisseur harmonise cette chaîne commerciale et informationnelle par un haut degré d’automatisation et une architecture ouverte. Il joue le rôle de facilitateur en animant la communauté, en harmonisant les comportements de production et de consommation et en créant de la valeur à partir de la coopération.
Depuis deux ans, différents modes de fonctionnement ont émergé au sein de ces modèles, comme des communautés énergétiques, par exemple, au sein d’un groupement « consommateurs-producteurs » ou dans une relation exclusive entre un producteur et un industriel. La technologie de la blockchain favorise également cette désintermédiation, tout en renforçant la confiance et invite les modèles d’affaires à se réinventer. Enfin, les algorithmes d’aide à la prise de décision, par l’exploitation prédictive des données, entrent avec fracas dans un monde de l’énergie jusqu’alors plus enclin à l’économie planifiée qu’à la gestion d’initiatives issues de la société civile.
Encore dissociés, les mondes de la fourniture, de l’agrégation et de la gestion des flexibilités convergent aujourd’hui pour proposer une expérience plus complète et conforme aux attentes des consommateurs : simplicité, fluidité et transparence. Le rôle d’agrégateur est amené à évoluer dans les années à venir pour répondre à ces attentes. Pour autant, sa légitimité ne devrait pas être remise en cause, car son rôle demeure essentiel : intégrer les énergies de demain au sein de suprastructures déjà existantes.
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