Le nucléaire n’est une énergie pas comme les autres. Ainsi, le programme nucléaire iranien remet d’ailleurs au centre des débats la distinction entre nucléaire civil et militaire. Un pays qui dispose de centrales nucléaires destinées à produire de l’électricité est-il forcément en capacité de fabriquer des armes atomiques ? Les filières nucléaires civile et militaire sont-elles foncièrement différentes ? Autant d’éléments utiles à préciser alors que ce dimanche 17 février 2019, à la conférence de Munich sur la sécurité, l’Iran tentait se sauver l’accord de Vienne…
Civil ou militaire, un nucléaire de même nature
Aujourd’hui, on dénombre 31 pays disposant d’un ou plusieurs réacteurs nucléaires qui produisent de l’énergie ou qui ont une vocation de recherche. La plupart de ces pays ne sont pas considérés comme des puissances nucléaires, c’est-à-dire comme des Etats qui disposent de missiles nucléaires. Pour rappel, seuls les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Russie et la Chine sont officiellement détenteurs de capacités militaires nucléaires. L’Inde, le Pakistan et Israël disposent aussi ce type de capacités, bien qu’ils se gardent de le déclarer officiellement. Ainsi, la majorité des pays nucléarisés n’a pas développé un usage militaire de l’atome.
Toutefois, la frontière entre les deux utilisations du nucléaire est relativement mince et explique les réticences des puissances nucléaires à voir certains pays accéder au nucléaire civil. Concrètement, comment cela marche-t-il ? Pour provoquer une réaction de fission qui va produire de l’énergie, on utilise de l’uranium 235 – « le seul noyau fissile existant à l’état naturel ». Or, lorsqu’on extrait l’uranium des mines, il est composé à seulement 0,7 % d’uranium 235. Le reste, c’est-à-dire 99,3 % de la matière est constituée d’uranium 238. Ainsi, pour produire de l’énergie, il est nécessaire « d’enrichir l’uranium », c’est-à-dire d’augmenter la concentration d’uranium 235. Pour cela, la principale technique utilisée est la centrifugeuse.
Une centrale nucléaire peut-elle devenir un complexe militaire ?
Pour fonctionner, une centrale nucléaire doit utiliser de l’uranium faiblement enrichi (teneur enU235 supérieure à 0,71 % et strictement inférieure à 20 %). Cela nécessite un recours important aux centrifugeuses, mais ce n’est rien en comparaison du taux d’uranium 235 nécessaire à l’utilisation d’un réacteur nucléaire de recherche. Dans ce cas là, on utilise de l’uranium hautement enrichi, c’est à dire avec une teneur enU235 supérieure ou égale à 20 % selon le CEA. Interrogé par Libération en 2010, Bruno Tertrais résumait ainsi : « à partir de 20% l’utilisation militaire commence à devenir réaliste, 90% n’étant que le « seuil idéal »« . Dans son interview, le spécialiste indique de surcroît : « une fois que vous êtes arrivé à 20% il est possible d’arriver à 90% très rapidement ».
En somme, le nucléaire civil ou militaire sont respecte toujours les lois de la physique. La différence repose essentiellement sur le degré de concentration de l’uranium 235. Ainsi, un site civil qui produit de l’énergie peut rapidement être transformé en une installation militaire qui ne dit pas son nom. Les craintes de voir un Etat passer du nucléaire civil au militaire sont justifiées et c’est pourquoi l’accord signé entre Iraniens, Américains et Européens prévoit des visites de contrôle sur les sites. En effet, l’enrichissement de l’uranium ne peut se faire sans laisser de traces (a fortiori quand les contrôles sont inopinés).
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