Suite au projet de décret de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) dévoilé vendredi dernier, l’État et le Comité stratégique de la filière nucléaire (CSFN) ont signé lundi 28 janvier 2019 un contrat d’engagement sur la filière nucléaire. Cet accord pose les jalons pour la réalisation des principaux projets d’avenir dans ce secteur phare de l’industrie française.
Deux mois après la présentation par Emmanuel Macron des conclusions de la PPE, les recommandations pour la filière nucléaire se sont déjà matérialisées par la signature, lundi 28 janvier, d’un contrat stratégique entre l’État et le CSFN pour la période 2019-2022. François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, et Dominique Minière, président du CSFN, ont signé le contrat stratégique de la filière nucléaire qui présente un plan d’action concret autour de projets structurants à forts enjeux ainsi que d’engagements précis pour les accompagner. Quatre axes de développement ont ainsi été définis :
– l’emploi, les compétences et la formation pour garantir le maintien et le renouvellement des compétences en améliorant l’attractivité de l’industrie et en développant les offres de formations ;
– la transformation numérique de la filière pour être plus efficaces et optimiser les échanges entre les acteurs grâce à l’usage des nouvelles technologies ;
– la R&D et la transformation écologique pour promouvoir l’économie circulaire et réfléchir aux réacteurs nucléaires du futur ;
– et l’élaboration d’une stratégie globale à l’international pour valoriser le tissu industriel français.
Le but affiché est notamment de préserver le savoir-faire national en matière de technologie nucléaire afin de permettre à la 3ème industrie française de continuer à se développer. L’essentiel étant de rappeler qu’« Il ne s’agit pas, je tiens à le dire très clairement, d’une stratégie de sortie du nucléaire » mais « d’un rééquilibrage dans lequel le nucléaire a sa place », a indiqué François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire. « Nous considérons que, dans la production d’électricité en France, et sans doute en Europe et dans le monde, le nucléaire peut jouer un rôle puisqu’il présente une production totalement « décarbonée » », a-t-il insisté.
Le nucléaire, une filière stratégique de l’industrie française
Cet argument de François de Rugy explique d’ailleurs pourquoi le GIEC, organisme de référence en matière de climat, retient l’énergie nucléaire dans quasiment tous les scénarios pour réduire durablement les émissions de gaz à effet de serre et atteindre les objectifs de l’Accord de Paris en termes de réchauffement climatique (1,5°C à 2°C de plus en 2100 par rapport à l’ère préindustrielle). En mettant en place ce contrat stratégique de la filière nucléaire conformément à l’orientation donnée par le Conseil national de l’industrie (CNI), le gouvernement montre ainsi sa volonté d’accompagner l’avenir du nucléaire. La filière nucléaire française, qui compte aujourd’hui plus de 2 600 entreprises (dont plus de 80% de PME et micro-entreprises) garantissant 220 000 emplois qualifiés et non délocalisables , constitue un secteur stratégique majeur de l’industrie française, au même titre que ceux de l’automobile, de l’aéronautique ou de l’agroalimentaire ; des filières qui ont aussi leur propre Comité stratégique (CSF). Au-delà des opinions idéologiques sur la question de l’atome, la filière nucléaire française est devenue, suite au premier choc pétrolier, un acteur incontournable de l’économie nationale avec un chiffre d’affaires annuel estimé à 46 milliards d’euros, soit un peu plus de 2,5 % du PIB. La production d’électricité d’origine nucléaire permet en outre d’économiser près de 20 milliards d’euros en importation d’énergie et génère même d’importants revenus grâce aux exportations dans les pays voisins comme l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne et la Suisse. L’exportation du savoir-faire français à l’étranger – plus de 50 % des entreprises de la filière nucléaire française ont une activité à l’export – constitue également un marché à fort potentiel, comme l’a démontré la récente mise en service de deux premiers EPR en Chine (Taishan). Deux autres chantiers sont actuellement en cours en Angleterre (Hinkley Point) et en Finlande (Olkiluoto) dont le chargement du combustible devrait avoir lieu dans les prochains mois, tandis qu’un projet de six EPR est actuellement à l’étude en Inde (Jaitapur).
Le nucléaire, une nécessité pour le mix énergétique français, selon le gouvernement
Le 27 novembre 2018, lors de l’annonce de la feuille de route de la PPE, le chef de l’État avait déjà insisté sur l’importance de l’énergie nucléaire « fiable, décarbonée, à bas coût » pour « nous désintoxiquer des énergies fossiles », sources de 75 % de l’énergie consommée en France, et produire de « l’électricité [qui] va prendre une place de plus en plus grande à mesure que nous allons cesser d’utiliser du pétrole, du charbon et du gaz naturel », a-t-il déclaré. Lors de son discours à l’Elysée, Emmanuel Macron avait pourtant annoncé la volonté du gouvernement de fermer 14 réacteurs pour réduire la part du nucléaire à 50 % du mix électrique à l’horizon 2035, contre plus de 70 % actuellement. Dans le même temps, il affirmait vouloir investir massivement – jusqu’à 8 milliards d’euros annuel sur 10 ans – dans les énergies renouvelables afin de multiplier par trois le parc éolien terrestre et par cinq le solaire d’ici 2030. Mais le président français a tenu à rappeler le rôle majeur de l’atome dans le mix énergétique national. « On ne peut remplacer une capacité de production d’énergie nucléaire par une capacité de production de renouvelable ; la seconde est intermittente, a-t-il précisé. Réduire la part du nucléaire, ce n’est pas renoncer au nucléaire. [L’EPR] est une technologie prometteuse, qui doit faire partie du bouquet technologique pour demain. » Une nécessité qui s’explique notamment par l’augmentation « assez nette » de la demande en électricité d’ici 10 ans « du fait de l’électrification d’un certain nombre de consommations d’énergie, que ce soit dans les transports ou […] le chauffage », avait ajouté François de Rugy. Si l’exécutif a demandé à EDF des engagements sur des prix plus compétitifs d’ici 2021, le modèle électrique français se révèle déjà performant avec des tarifs les plus bas d’Europe de l’ouest et jusqu’à 70 % moins chers qu’en Allemagne. L’autre principal atout, plus méconnu celui-là, de la filière nucléaire française reste son taux élevé de décarbonation – supérieur à 90 % –, qui fait de la France un des six pays au monde ayant déjà atteint l’objectif de 80 % fixé par le GIEC (Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) pour 2050.
Laisser un commentaire