Au moment où s’élabore la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), l’Association Française des Économistes de l’Énergie prépare sa conférence annuelle sur le thème : « Décider aujourd’hui des infrastructures énergétiques nécessaires pour demain ». Peu de temps après la publication des scénarios prévisionnels de RTE pour 2035, comment les différentes filières anticipent-elles l’évolution du mix électrique ?
Transition Énergétique : où en est le mix électrique ?
Au lendemain de la COP23, où en sommes-nous des objectifs fixés par la première Programmation Pluriannuelle de l’Énergie, le 27 octobre 2016 ? Selon le panorama des EnR de RTE pour le troisième trimestre 2017, « les objectifs nationaux [pour 2018] ont été atteints à 92% – 120% en prenant en compte les projets en développement ». Aujourd’hui, la France dispose en puissance installée de 1,9 GW avec les bioénergies, de 7,2 GW avec l’énergie solaire, de 12,8 GW avec les éoliennes [terrestres] et de 25,5 GW grâce à l’hydroélectricité.
Pour mémoire, dans son hypothèse la plus ambitieuse, la première PPE fixait pour objectifs en 2023 : 1,3 GW pour les bioénergies, 20,2 GW pour le solaire, 26 GW pour l’éolien, 3 GW pour l’éolien flottant, 100 MW pour les énergies marines et 26,05 GW pour l’hydroélectricité. Dans son Bilan prévisionnel de début novembre 2017, RTE a présenté 4 scénarios pour l’évolution du mix électrique en 2035. Parmi eux, le scénario Ampère prévoyant 46% de nucléaire, 4% de thermique et 50% d’ENR [52 GW pour l’éolien terrestre ; 15 GW pour l’éolien en mer ; 48 GW pour le solaire ; 26 GW pour l’hydroélectricité] « est conforme au scénario du SER présenté dans le cadre de la révision de la PPE », indique le groupement des professionnels des énergies renouvelables.
Détaillées dans Enerpress, les propositions du Syndicat des énergies renouvelables (SER) se déclinent avec 2 dates intermédiaires, conformément au calendrier de la PPE : 2023 et 2028. La trajectoire qui permettrait de dépasser en 2030 « de 10% les objectifs définis dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte », table sur 25 puis 35 GW pour l’éolien terrestre, 3 puis 12 à 14 GW pour l’éolien en mer, 1 GW pour les énergies marines en 2028, 21 puis 42 GW pour le solaire, et 6,5 puis 27,2 GW pour l’hydroélectricité. A l’horizon 2030, ces prévisions sont relativement similaires au scénario Ampère de RTE : 40 GW pour l’éolien terrestre, 18 GW pour l’éolien en mer, 3 GW pour les énergies marines, 52 GW pour le solaire, 27 GW pour l’hydroélectricité et 2,7 GW pour les bioénergies.
Toutefois, les scénarios Volt et Hertz se montrent moins ambitieux, ou peut-être plus réalistes, sur le rythme de développement des EnR, avec respectivement 40 et 45% d’EnR dans le mix électrique en 2035. De son côté, France Énergie Éolienne plaide pour 45% d’EnR au sein du mix électrique dès 2030. Les discussions sont donc lancées au moment où se constituent les groupes de travail pour la PPE, et où le commissaire européen, Miguel Arias Cañete, appelle à investir dans les infrastructures pour les énergies propres, lors de la publication du 3ème rapport sur l’état de l’Union de l’énergie.
Infrastructures énergétiques : comment les acteurs anticipent ?
Le 29 novembre 2017, l’Association des Économistes de l’Énergie organisait justement son colloque avec pour thème : « Décider aujourd’hui des infrastructures énergétiques nécessaires pour demain ». Au programme de cette réunion de travail, plusieurs experts parmi lesquels Jacques Percebois (CREDEN) et François Lévêque (École des Mines Paris), mais aussi de nombreux professionnels à l’instar de Jean-Louis Carenco (CRE) et François Brottes (RTE), ont analysé dans un premier temps l’évolution de la demande d’énergie, avant de s’intéresser au design de marché et aux investissements nécessaires. En effet, comme le souligne le président élu de l’International Association for Energy Economics, Christophe Bonnery : « les besoins en énergie restent importants et le passage à une économie économe en carbone nécessite de développer de nouvelles infrastructures, notamment au niveau du transport et de la distribution d’électricité ».
Car en plus d’importants coûts de stockage, les énergies renouvelables induisent des coûts d’intégration (« coûts systèmes » et « coûts aux bornes ») qui augmenteront à mesure du foisonnement des unités de production intermittentes sur le territoire , et bénéficient de larges subventions (tarifs d’achat garantis, mécanismes de rémunération sur les marchés avec prime, exonérations fiscales…). C’est pourquoi, lors d’un débat organisé par Enerpress, le sous-directeur chargé du système électrique et des énergies renouvelables à la DGEC, Olivier David, rappelait ainsi que « parler du prix des ENR n’a pas de sens si on ne prend pas les aides fiscales en compte ». Toutes ces problématiques technico-financières, ainsi que les simplifications juridico-administratives nécessaires au développement des EnR seront immanquablement à l’ordre du jour pour la préparation de la prochaine PPE. Au total, 19 ateliers thématiques ont déjà commencé à être organisés, celui sur les réseaux électriques a lieu le 1er décembre. Un groupe de travail permanent a par ailleurs été mise en place par Sébastien Lecornu pour réfléchir à ces problématiques dans la durée pour l’éolien, autour de France Energie Eolienne (FEE). De son côté, la filière solaire a initié une démarche similaire autour du syndicat Enerplan.
En ce qui concerne l’avenir des infrastructures thermiques, plusieurs ateliers thématiques ont déjà abordé le sujet, tandis que les enjeux autour de la sécurité d’approvisionnement ont notamment été examinés au moment de la loi hydrocarbures, votée cet automne. Qui plus est, l’association Coénove qui cherche à promouvoir « la complémentarité des énergies et le rôle clé du gaz » n’a pas manquer de faire le point sur la vingtaine de centrales à gaz encore en exploitation en France lors des 18ème rencontres de l’énergie, qui ont aussi eu lieu le 29 novembre. Ce rassemblement qui s’est tenu en présence du Ministre Nicolas Hulot, a été présidé entre autres par Julien Aubert, récemment nommé titulaire du Conseil supérieur de l’énergie, avec Bérangère Couillard et Anthony Cellier.
Enfin, alors que la réduction de la part de l’énergie nucléaire reste un objectif du gouvernement, la fermeture des centrales nucléaires fera l’objet d’une mission d’information parlementaire. Celle-ci sera ouverte d’ici la fin de l’année, à la demande de la présidente de la commission du développement durable de l’Assemblée Nationale, Barbara Pompili. De son côté, le ministère de la transition écologique et solidaire continue de préparer les contrats de transition des territoires. Tandis qu’entre 15 et 20 contrats vont être présentés dès 2018, le cas de la centrale de Fessenheim pourrait être précisé à cette occasion puisque le secrétaire d’Etat, Sebastien Lecornu, a confirmé sa fermeture au plus tard en 2019.
Laisser un commentaire