Sur un marché mondial du démantèlement de plus en plus compétitif, le groupe français EDF affiche l’ambition de devenir un des leaders de la déconstruction nucléaire à l’international, et entend pour cela s’appuyer sur son expérience dans l’Hexagone. Premier réacteur à eau sous pression à être démantelé au sein du parc français, Chooz A permet dans cette optique de tester et de valider des solutions techniques qui pourront servir pour d’autres sites nucléaires. Lancé en 2007 pour une période de quinze ans, ce chantier de démantèlement est entré, mercredi 8 mars 2017, dans sa phase finale destinée à la découpe de la partie la plus sensible de l’installation : la cuve du réacteur.
Un démonstrateur technologique de construction et de déconstruction
Nichée dans une boucle de la Meuse au cœur des Ardennes, la centrale de Chooz ne se limite pas à ses deux unités de 1.450 mégawatts (MW) chacune, mais renferme également dans ses sous-sols le « petit Chooz » (aussi appelé Chooz A), un prototype du modèle de réacteur à eau pressurisée qui compose en majorité le parc nucléaire français et mondial. Mis en service en 1967 et arrêté de manière définitive en 1991, il affichait une puissance de production de 305 MW et continue, même hors-service, de remplir un rôle de démonstrateur technologique.
Entré en phase de déconstruction en 2007, il est en effet le théâtre d’un chantier hors-norme dont les retours d’expérience permettront de compléter le savoir-faire français en termes de démantèlement, et bénéficieront dans l’avenir à l’ensemble du parc hexagonal. Si les conditions de travail sont ici particulières du fait de l’implantation souterraine du réacteur, ce chantier permet depuis le début des travaux de tester les différentes étapes réglementaires et techniques du long processus de démantèlement nucléaire. Il a notamment franchi cette année un nouveau palier déterminant avec l’ouverture de la cuve du réacteur, vingt ans après le déchargement du combustible.
Le démantèlement de la cuve : coeur de l’installation
Conformément au calendrier prévu à l’origine et dans le respect du budget alloué pour ce type d’opération (entre 350 et 400 millions d’euros), le chantier est donc entré depuis le mois de mars dans sa phase finale consistant dans la déconstruction de la cuve du réacteur, soit l’opération la plus délicate de tout le projet. Pièce maîtresse de l’installation, cette cuve d’acier pèse plus de 220 tonnes et est immergée sous terre, au fond d’une piscine de huit mètres de profondeur et d’environ 1000 mètres cubes, soit un volume équivalent à celui d’une piscine municipale de 25 mètres de long. Elle contenait (avant qu’il ne soit retiré dans les années 1990) le combustible nucléaire nécessaire au fonctionnement de la centrale, et était donc logiquement exposée aux rayonnements ionisants plus que toute autre partie du réacteur.
Cette particularité impose à l’exploitant une attention toute particulière et une prise de précaution maximale. Afin d’éviter l’exposition des équipes d’ingénieurs et de techniciens en charge, les opérations de découpage seront donc effectuées en immersion totale, l’eau constituant toujours à l’heure actuelle la meilleure barrière radiologique. Des robots télécommandés équipés de scies circulaires permettront quant à eux de réaliser chaque manœuvre à distance dans des conditions de sécurité, de sûreté et de radioprotection optimales. Déjà éprouvée avec succès sur d’autres chantiers de démantèlement, notamment aux Etats-Unis et en Espagne (le réacteur espagnol Zohrita par exemple est très similaire à celui de Chooz A), cette intervention de taille devrait s’achever à l’horizon 2022, et permettre le déclassement et la réhabilitation progressive du site. A ce jour, seul le couvercle de 50 tonnes a été déposé à l’aide d’un pont de levage et sera prochainement expédié vers le centre de stockage de l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs, dans l’Aube.
Un chantier pilote « représentatif » du parc nucléaire français
Pour ce qui est du reste de la centrale, le chantier de démantèlement de Chooz A arrive progressivement à son terme et fait déjà figure de référence dans le monde de l’industrie nucléaire. Depuis 2007 et le feu vert complet de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), plusieurs opérations inédites ont été réalisées. Des ateliers de découpe et des silos de conditionnement des déchets ont été aménagés à l’intérieur même du site, et ont permis de faciliter la mise en pièce du circuit primaire, ainsi que l’extraction et la décontamination des composants principaux comme les quatre générateurs de vapeur ou le préssuriseur.
Aujourd’hui, la majorité des équipements ont déjà été évacués (piscine de refroidissement du combustible, systèmes de sauvegarde, pompes, circuits et auxiliaires divers), démontrant ainsi la faisabilité technique de ce type de chantier, et surtout la capacité du groupe EDF à répondre au défi technologique du démantèlement nucléaire dans le respect des délais prescrits.
Crédits photo : F. Rhodes – CEA / Alexandre Simonet – EDF
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