Engagé dans un vaste programme de rénovation de son parc nucléaire, le groupe EDF investit massivement depuis plusieurs années dans l’adaptation de ses outils de gestion aux nouvelles technologies numériques. Ces dispositifs modernisés offrent à l’ensemble des acteurs de la filière (tant en production qu’en R&D), de nouvelles perspectives pour une gestion des installations à la fois plus sûre et plus efficace.
La mumérisation, partie intégrante de l’opération de Grand carénage
Souhaitant à la fois optimiser la production de ses centrales nucléaires et mieux maîtriser les arrêts de réacteurs, l’électricien français prévoit dans le cadre du Grand carénage, de moderniser de manière significative le fonctionnement de ses installations. Si l’ensemble des outils de production seront renouvelés (générateurs de vapeur, alternateurs, etc.), les salles de commande et de gestion des unités de production devraient elles aussi être totalement repensées.
« Les progrès de l’informatique et du numérique offrent de multiples possibilités d’optimisation »
Les progrès de l’informatique et du numérique offrent dans ce cadre de multiples possibilités d’optimisation, et cela aussi bien pour la production que pour l’application des procédures de sécurité et d’urgence. « Le grand enjeu, c’est de se servir des dernières technologies disponibles en matière de numérique pour faciliter la maintenance du parc et notamment la réalisation (du programme de rénovation) du Grand carénage« , a déclaré mercredi 30 novembre dernier à l’agence Reuters Pierre Béroux, directeur de la « transition numérique industrielle » de la production et de l’ingénierie du groupe.
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Un système de pilotage numérisé
Pour accompagner ces modifications à venir, le Campus Formation du site de Paluel en Haute-Normandie a bénéficié ces dernières années d’un programme de 4 millions d’euros d’investissements, concernant à la fois l’immobilier et les équipements pédagogiques dédiés à la formation des salariés. Un tout nouveau simulateur de conduite numérique, unique au monde et reproduisant à pleine échelle une salle de commande de réacteur avec 220 écrans tactiles et sensitifs a été installé pour un budget de 2 millions d’euros. Si l’objectif du groupe EDF est avant tout de faciliter la formation de ses agents, les possibilités ouvertes par la simulation sont multiples et permettent également d’explorer des situations d’urgence jamais explorées (notamment la réaction des installations en situation accidentelle), de confronter les modèles théoriques à l’expérience et d’optimiser les coûts et les durées de conception.
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D’un point de vue technique, ces simulations numériques sont obtenues par la modélisation des observations issues des expériences réalisées par les chercheurs et leur conversion en codes informatiques. Agrégés et homogénéisés par des spécialistes du traitement informatique, ces codes ont donné lieu à quatre plateformes correspondant aux quatre grandes disciplines de recherche du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) : neutronique, thermo-hydraulique, comportement des matériaux sous irradiation et mécanique de structures. Des outils de couplage permettent ensuite de combiner ces plateformes pour simuler des applications spécifiques (combustible, stockage des déchets, réacteurs de deuxième ou de troisième génération, etc.) et améliorer ainsi leur traitement.
Un « jumeau numérique » du parc nucléaire français
Mais l’aspect le plus innovant de ce programme tient sans doute dans la réalisation de « jumeaux numériques » pour les installations déjà âgées de 20 ou 30 ans. Cette technologie offre la possibilité de simuler en temps réel l’état des centrales existantes et de partager les informations recueillies avec les fournisseurs et les différentes directions du groupe. Concrètement, EDF va dans un premier temps réaliser des clones virtuels des têtes de séries du parc français, c’est-à-dire des premiers réacteurs construits pour chaque famille (« palier ») de centrales (900, 1.300 et 1.450 mégawatts), grâce à des scanners lasers ou des photographies 3D. Ces modèles permettront alors de mieux prévoir les arrêts de tranche, de réduire les délais de traitement et donc d’anticiper les pannes éventuelles.
« Cette technologie offre la possibilité de simuler en temps réel l’état des centrales existantes »
« EDF prévoit de réaliser une première série de jumeaux numériques des réacteurs nucléaires français d’ici à 2020 afin d’améliorer à terme leur maintenance« , a indiqué Pierre Béroux. « Mais on ne sait pas aujourd’hui si la logique nous conduira à moyen terme – dans cinq ou six ans – à faire une maquette pour chaque centrale ou si le groupe utilisera une maquette de référence pour chaque sous-palier« , a-t-il ajouté. La réalisation de chaque premier jumeau numérique devrait coûter près d’un million d’euros. Un chiffre déjà prévu dans le budget du Grand carénage estimé par EDF entre 50 et 55 milliards d’euros sur la période 2014-2025.
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Une « étanchéité absolue » contre les cyber attaques
A ceux qui s’inquiètent des risques de cyber attaques inhérents à la numérisation croissante des installations, Pierre Béroux répond enfin que le développement du numérique, loin d’augmenter le risque de piratage des centrales nucléaires, devrait au contraire le réduire. Il n’y a selon lui aucune passerelle organisée entre le pilotage du réacteur et tout ce qui relève de l’informatique de gestion. « Il y a une règle d’étanchéité absolue qui rend en pratique totalement impossible un risque de cyber attaque touchant le contrôle-commande des réacteurs« , conclut-il.
Crédits photo : Sfen
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