Pour Bérangère Couillard, "la transition écologique doit être pensée globalement"

Pour Bérangère Couillard, “la transition écologique doit être pensée globalement”

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Députée de la septième circonscription de la Gironde (LREM), Bérangère Couillard, est également membre titulaire du Conseil Supérieur de l’Énergie. A ce titre, L’Energeek a souhaité l’interroger sur l’avenir de la transition écologique qui s’opère en France aujourd’hui.

  • Après la COP23 et le One Planet Summit, la France revendique toujours l’excellence environnementale, pensez-vous que la visite prochaine du président Macron aux Etats-Unis puisse présager d’un retour de la première puissance mondiale au sein de l’Accord de Paris ?

C’est un fait, la France est revenue sur le devant de la scène politique internationale concernant les questions environnementales. Le « One Planet Summit » a été une nouvelle fois l’occasion de le prouver et de réunir les acteurs du monde entier (Etats, ONG, acteurs financiers, entreprises, collectivités…)  afin de converger vers une société plus écologique.

Comme l’a rappelé le Président de la République lors de ce sommet, la France joue un rôle moteur à l’échelle de l’Europe, mais son rôle n’est pas moindre au niveau mondial. Il m’est impossible de présumer ou non du retour des Etats-Unis au sein de l’Accord de Paris suite au déplacement du Président de la République. Pour autant, les bonnes relations qu’entretiennent nos deux pays permettront au Président de pouvoir échanger, sans filtre, avec Donald Trump sur ces questions environnementales. Bien sûr que le retour des Etats-Unis dans l’Accord serait de bon augure mais la France l’a dit, elle poursuivra sa trajectoire environnementale et la majorité des acteurs mondiaux nous suivent sur ce chemin.

  • Pourtant, la France se fait “sermonner” par Bruxelles pour sa qualité de l’air, la France pouvant être condamnée pour le non-respect des seuils. Comment expliquer ce décalage et surtout comment l’endiguer ?

La France est consciente des efforts à faire sur cette question. Lors de la réunion des ministres de l’environnement sur la qualité de l’air, convoquée par le Commissaire européen à l’environnement le 30 janvier 2018, monsieur le ministre Nicolas Hulot, a bien fait savoir qu’il mesurait « la responsabilité de la France en matière de pollution de l’air » mais que « ces phénomènes sont les conséquences de nos choix passés en termes d’aménagement du territoire, de politique énergétique ou de transports ».

Nicolas Hulot est en poste depuis 9 mois et, déjà, de nombreux dossiers environnementaux avancent. Plus particulièrement sur la qualité de l’air, des mesures fortes ont été prises en matière de transports (prime de reconversion de 1000 € à 2000 € pour renouveler les véhicules anciens, encouragement du co-voiturage, des transports en commun ou du vélo, lutte accentuée contre les fraudes aux systèmes de dépollution, notamment sur les poids lourds, convergence essence/diesel) et de chauffage (en favorisant le remplacement d’équipement anciens par des équipements moins polluants), notamment via le Plan National de Réduction des Emissions de Polluants Atmosphériques (PREPA) et le plan climat. Les Assises de la Mobilité seront aussi l’occasion de mettre en place de nouvelles mesures, notamment pour favoriser le vélo et généraliser les dispositifs de zones à très basses émissions.

Mais cela passe aussi par le niveau européen. De ce point de vue, les normes européennes doivent également être renforcées, car croire que la France peut agir seule serait une illusion bien qu’elle doive prendre sa part de responsabilité sur ce sujet.

Du travail reste à faire pour améliorer la qualité de l’air en France mais la marche avant est lancée.

  • En tant que membre du Conseil Supérieur de l’Énergie, comment voyez-vous l’avenir du nucléaire en France après le report de l’échéance de 2025 ?

Le Groupe LaRem s’est saisi du dossier nucléaire très rapidement, et pour ma part en étant que membre titulaire du Conseil Supérieur de l’Energie, je travaille également sur ce sujet.

Le report de l’échéance de 2025 s’explique par un souci de réalisme. Le ministre d’Etat sur la Transition Ecologique et Solidaire, et à travers lui le Gouvernement, veut des objectifs ambitieux mais réalistes. Suite aux différentes études, nous savions que cet objectif à cette date ne pourrait être atteint. Les scénarios de transition énergétique de RTE indiquaient quant à eux que la réduction à 50% du nucléaire d’ici 2025 aurait eu pour conséquence d’augmenter en contrepartie nos émissions de CO2. Ainsi, le choix du ministre Hulot est responsable mais n’entame en rien notre volonté de baisser à terme de 50% la part de nucléaire dans la production d’électricité. Il n’aurait en effet pas pu être possible d’atteindre cet objectif et en même temps de fermer les centrales à charbon en 2022.

Enfin, je tiens à saluer la création d’une commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires que nous avons voté au sein de l’Assemblée nationale malgré l’opposition de certains partis d’opposition. En effet, la France est le premier pays au monde en nombre de réacteurs nucléaires en exploitation par habitant et ce constat, couplé avec le poids de ce secteur nucléaire dans notre mix énergétique, nous oblige à d’autant plus d’attention sur ces questions de sûreté et sécurité.

  • Après les travaux du Groupe de Travail sur l’éolien et alors que le parc d’éoliennes offshore du Touquet est actuellement suspendu, peut-on s’attendre prochainement au lancement de nouveaux appels d’offre pour cette filière ?

Sur la question de l’éolien, Nicolas Hulot et Sébastien Lecornu sont particulièrement actifs, comme un certain nombre de parlementaires LaRem qui se sont emparés du sujet. L’objectif du Gouvernement est clair sur le sujet : doubler la capacité de production entre 2016 et 2023. C’est un objectif ambitieux qui démontre bien la volonté du gouvernement, et de notre majorité, d’aller de l’avant vers plus d’énergies renouvelables.

En France, il y a trop de blocages administratifs concernant les éoliennes. Alors qu’en Allemagne il faut trois ou quatre ans pour monter un projet éolien, en France cela prend sept à neuf ans ! Il nous faudra diminuer par deux ce délai si nous souhaitons pouvoir avancer. Cela passera aussi par un dialogue amélioré avec les acteurs locaux et une réduction des nuisances pour les riverains.

Concernant la suspension du projet éolien du Touquet, cela ne doit pas être vu comme la preuve d’une marche arrière mais au contraire comme une marque de pragmatisme. Les conditions favorables n’étaient, selon l’Etat, pas réunies. Ainsi le projet a été suspendu, mais la volonté du gouvernement de promouvoir l’éolien, dans de bonnes conditions, n’est en rien entamée.

  • Avec le rapport de la banque mondiale publié fin 2017 et la publication du livre de Guillaume Pitron sur “La guerre des métaux rares”, quel regard portez-vous sur le lien entre terres rares (métaux) et transition énergétique ?

Cette question des matériaux rares est en effet d’une importance cruciale dans la transition énergétique. Pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris et limiter le réchauffement à 2°C nous devons promouvoir les technologies à bas carbone. Mais cela entraîne automatique une hausse de la demande pour de nombreux minéraux et métaux nécessaire à ces nouvelles technologies vertes.

La question n’est pas de remettre en cause la volonté de promouvoir les technologies vertes mais de mieux encadrer leur développement. Ces métaux rares, comme le souligne à juste titre le rapport de la Banque mondiale, sont des opportunités pour de nombreux pays (Pérou, Bolivie, Chine etc…) mais « à condition toutefois que ceux-ci adoptent des stratégies de long terme pour rendre l’extraction durable ». La question du recyclage de ces métaux doit aussi être prise en compte car si l’augmentation des énergies vertes en Europe se traduit par une hausse de l’impact humain sur l’écosystème des autres continents, cela va à l’encontre de notre volonté pour la planète.

C’est une question complexe qui touche à de nombreux domaines, aussi bien économiques, géostratégiques, qu’environnementaux. La transition écologique doit être pensée globalement et la question des métaux rares est sans conteste une des composantes, d’autant plus qu’elle sera déterminante dans les décennies à venir.

  • Alors que le débat public sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) s’ouvrira au printemps prochain et que le trilogue sur la “Renewable Energy Directive 2” devrait débuter prochainement, pensez-vous que la France arrivera à tenir ses engagements européens sur les ENR pour 2020 ? Et au-delà ?

Actuellement, l’objectif européen est de 20% d’énergies renouvelables en 2020. A l’horizon 2030, le Parlement européen a décidé de faire passer les objectifs, non plus à 27%, mais à 35%. Je me félicite de cette ambition européenne sur les énergies renouvelables.

La France met tout en œuvre pour réussir et accompagner cette transition écologique qui passe notamment par le développement des énergies renouvelables et le volontarisme du Gouvernement et de la majorité est indéniable. Les objectifs sont fixés, la volonté est claire, donc tout sera mis en œuvre pour chercher à les atteindre.

Rédigé par : Bérangère Couillard

Bérangère Couillard
Députée de la septième circonscription de la Gironde (LREM), Bérangère Couillard, est aussi membre titulaire du Conseil Supérieur de l'Énergie.
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COMMENTAIRES

  • L’Allemagne qui a considérablement développé son parc éolien et solaire photovoltaïque a-t-elle pour autant réduit son parc thermique fossile comment on s’y attendrait ? Bien sûr que non car elle ne le peut pas raisonnablement sans risquer le black-out périodiquement. https://www.energy-charts.de/power_inst.htm De même, à quoi cette “transition énergétique” , qui nous coûtera des dizaines ou centaines de milliards d’euros, servira-t-elle en France ?

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    • La réalité est pourtant que l’Allemagne a réduit ses émissions malgré la fermeture de 8 centrales nucléaires. Il y a donc bien eu une forte réduction des émissions grâce aux renouvelables qui se sont substituées au nucléaire.

      Les renouvelables sont moins émissives que le nucléaire sur tout leur cycle, on ne voit donc pas pourquoi elles émettraient plus, une centrale thermique charbon étant moins appropriée avec l’intermittence des renouvelables qu’elle ne l’est en pratique et historiquement avec le nucléaire.

      Le prix du charbon étant très bas, certains opérateurs ont fait ce choix déplorable en Allemagne comme en Pologne etc alors que leurs ressources sont importantes (= emplois, influence électorale etc). Pour autant il était moins coûteux que de persévérer dans la filière nucléaire. Analysez les prix allemands, britanniques etc de leur filière nucléaire et vous verrez qu’ils sont chaque fois très supérieurs aux nôtres qui sont régulièrement revus à la hausse (EPR, démantèlement de Brennilis, augmentations de capital, prolongation de centrales, modification des comptes etc les annonces de révision à la hausse sont régulières dans le secteur nucléaire français qui n’informe jamais de la réalité immédiatement).

      De plus les allemands, entre autres, ont un problème critique de stockage des déchets nucléaire (fuites de mines salines) ce qui entraîne aussi des coûts élevés.

      De même la France à importé + 37% de charbon entre 2011 et 2014 et l’Allemagne + 5%. Preuve que le prix des énergie influence les opérateurs quels qu’ils soient et cela n’a rien à voir avec les renouvelables qui ont bon dos.

      Beaucoup de français préfèrent aussi polluer avec un vieux diesel que de passer à l’électrique alors que beaucoup le peuvent.

      Enfin nous importons près de 50% d’énergies fossiles, et tout comme il coûte moins cher aux allemands de passer aux renouvelables plutôt que d’importer (actuellement environ 67% de fossiles), il est moins coûteux pour nous de développer plus activement les renouvelables et de passer à la filière de stockage hydrogène comme on commence aussi à le faire dans les transports lourds longue distance comme le train (moins coûteux que d’implanter un réseau électrique et alors qu’il y a 20% de lignes de train diesel en Europe et plus ailleurs) et l’aviation (voir alliance récente Airbus lors du congrès hydrogène à Singapour) où l’hydrogène liquide est le plus approprié vu sa légèreté et densité énergétique /poids.

      Il est donc pertinent comme l’a encore souligné RTE, opérateur de réseau et donc parmi les mieux placés pour en juger, d’accélérer la mise en place des renouvelables afin comme partout de pouvoir faire baisser les prix de l’énergie tout en réduisant nos émissions.

      Ce n’est pas en restant les bras croisés le dos tourné à l’avenir que vous obtiendrez des résultats.

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  • En Allemagne, on rase des villages entiers pour exploiter la lignite. Alors, oui, le renouvelable s’y implante plus vite qu’en France. Mais à quel prix ?

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    • Aucun rapport entre les renouvelables et le charbon. S’il y avait une importante taxe CO2 ou des prix du charbon plus élevés, les opérateurs allemands concernés n’utiliseraient pas le charbon.

      De même que la France n’aurait pas importé + 37% de charbon entre 2011 et 2014 et l’Allemagne + 5%.

      On utilise largement des centrales thermiques charbon et gaz en complément du nucléaire pour faire face aux aléas et variations de la demande. Différentes formes de stockage sont bien plus appropriés aux renouvelables et il en existe plus d’une centaine retenues comme la plupart compétitives et à haut rendement sur les plus de 300 existantes.

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      • Pour le charbon, parlons des raisons de ces importations, de l’année, et de valeurs absolues. Votre commentaire est indigent.

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    • Et l’Allemagne est le premier producteur mondial de lignite dont ils font bon usage. Ce n’est vraiment pas un modèle dans le genre. Pas la peine de parler de “transition écologique” dans ce pays.

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  • Quel impact sur le climat mondial une telle “transition écologique ” peut-elle apporter ? Probablement aucun car les émissions actuelles en France représentent seulement 1 % des émissions mondiales. Si nous les réduisons de 1 à 2 % (et à quel cout !)calculez l’impact global au niveau mondial.

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    • Si chaque personne et chaque pays dit çà et ce dans tous les domaines, alors comme signalé plus haut restez couché chez vous ce sera moins émissif !

      Il est évidemment important qu’il y ait des pays qui développent les bonnes technologies et soient des modèles même si leurs émissions représentent peu.

      Exemple rapide : quand on développe des trains ou avions ou navires ou du stockage à hydrogène ou ammoniac, l’impact n’est pas élevé pour notre usage mais l’est sur le marché mondial que nous capterons à terme.

      N’oubliez pas que nos émissions “importées” sont très importantes.

      Le rôle de chacun ne s’arrête pas à son nombril hein ! C’est pareil pour un pays.

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        • Encore une fois vous n’analysez pas les choses jusqu’au bout et pensez que personne n’a pensé aux problème que vous semblez découvrir alors que l’on améliore les technologies quasiment tous les jours en tenant compte de ces paramètres. G. Pitron a raison de dire qu’il y a plusieurs transitions en cours dans la transition énergétique.

          Pont de vue de Pitron cité dans Techniques de l’ingénieur :

          Faut-il abandonner les éoliennes, les panneaux solaires, les véhicules électriques et le numérique?

          G.P : Non, bien évidemment. Mon livre peint une photographie actuelle de ces technologies qui utilisent un certain nombre de ressources, des métaux abondants et des métaux rares. Il ne faut surtout pas les abandonner, la question n’est pas de revenir à un monde du tout pétrole ! Il faut bien évidemment changer de modèle énergétique. La transition énergétique contient des avancées qu’il faut pousser davantage. J’ai tendance à dire qu’il y a une transition dans la transition. Sur un certain nombre de technologies, nous avons des problématiques qui se posent sur terrain. Nous allons bientôt remplacer un certain nombre de composants des panneaux solaires qui sont très polluants par d’autres qui permettront un meilleur rendement. C’est notamment le remplacement des technologies silicium par les pérovskites. Cela sera également le cas pour les éoliennes et les voitures électriques. Il y a un immense enjeu d’innovation pour repousser plus loin les capacités de ces technologies dans un monde où nous serons bientôt 10 milliards d’humains.

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          • Sans pour cela que l’on ait la certitude que, globalement au niveau mondial, cela influence notablement à la baisse nos émissions de CO2.

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