L’institution France Stratégie, rattachée au cabinet de la Première ministre, a rendu public, ce 22 mai 2023 au matin, un rapport sur le coût de la décarbonation de l’économie française. L’analyste estime notamment que tenir les objectifs climatiques français devra peser, pour 85 %, sur des « substitutions de capital aux énergies fossiles ». Les investissements à consentir devraient ralentir la croissance et alourdir la dette française, mais France Stratégie estime ce choix indispensable. Taxer davantage les Français les plus aisés ferait aussi partie des solutions.
France Stratégie dévoile son rapport sur l’investissement pour la décarbonation de la France
Décarboner la société française aura un coût considérable, mais le pays se doit de le payer : telle est la principale conclusion du rapport publié par France Stratégie, ce lundi 22 mai 2023, commandée à l’économiste Jean Pisani-Ferry par la Première ministre Élisabeth Borne.
L’institution publique de conseil politique, rattachée au cabinet de la Première ministre et chargée d’aider à « déterminer les grandes orientations pour l’avenir de la nation », a rendu ses conclusions le jour de la présentation, par Élisabeth Borne, de son plan d’accélération de la baisse des émissions françaises.
« Pour atteindre nos objectifs pour 2030 » de réduction de 55% des émissions par rapport à 1990 « et viser ainsi la neutralité en 2050, il va nous falloir faire en dix ans ce que nous avons eu de la peine à faire en 30 ans », rappelle ainsi le texte.
Il souligne également que les efforts de sobriété ne pourront jouer que pour 15 % de l’éjection des combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz naturel) du paysage français. Cette transition énergétique vers les sources bas-carbone (renouvelables et nucléaire) reposera à 85% « sur la substitution de capital aux énergies fossiles ». Soit un investissement supplémentaire de 66 milliards d’euros par an en 2030.
« Il ne sert à rien de retarder les efforts au nom de la maîtrise de la dette publique »
Surtout, le rapport tord le cou au mythe de la « croissance verte » : sans pour autant préconiser non plus une baisse de la consommation (voire une décroissance), le texte indique que les investissements pour décarboner l’économie ne permettront pas de produire plus ou plus efficacement, du moins dans un premier temps. Ils vont donc, clairement, peser sur la croissance française.
Les dépenses nouvelles, que l’Etat se doit de porter, et cette baisse de la croissance auront un impact direct sur les finances publiques. France Stratégie annonce que le risque que fait peser la transition énergétique sur la dette publique « est de l’ordre de 10 points de PIB en 2030 (soit au moins 280 milliards d’euros, NDLR), 15 points en 2035, 25 points en 2040 ».
Mais le plus étonnant, pour un document émanant d’une instance liée à un gouvernement résolument ordo-libéral, est là : Jean Pisani-Ferry et ses équipes jugent qu’il « ne sert à rien de retarder les efforts au nom de la maîtrise de la dette publique ».
Le rapport est d’ailleurs limpide sur les efforts à fournir, en indiquant que « le coût économique de la transition ne sera politiquement et socialement accepté que s’il est équitablement réparti ». Le texte va même jusqu’à affirmer qu’un « accroissement des prélèvements obligatoires sera probablement nécessaire, qui pourrait être assis sur le patrimoine financier des ménages les plus aisés ».
Renoncer à maîtriser la dette et à la doxa de la croissance, répartir justement les efforts et taxer les plus riches : le rapport engage nettement le pays à changer de paradigme économique au nom de l’urgence climatique. Sera-t-il entendu ?
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