Ce 30 juillet 2019, les scientifiques viennent de lever un doute. Selon les conclusions des chercheurs du « ring of five« , un réseau informel reliant les stations européennes de surveillance des matériaux radioactifs dans l’atmosphère, le nuage chargé de radioactivité qui a traversé l’Europe entre le 29 septembre et le 7 octobre 2017 a bien pour origine la Russie. Plus précisément, c’est le site nucléaire de Maïak, situé dans l’Oural, qui est pointé du doigt. Il aura fallu environ un an et demi pour confirmer les premières hypothèses avancées par les scientifiques, mais toujours écartées par Moscou…
La piste d’un incident à Maïak confirmée
Le nucléaire n’est pas une énergie tout à fait anodine. Les risques d’incident ou d’accident sont réels et si la transparence est de mise dans un pays comme la France, certains pays ont plus de mal à partager des informations. Ce serait le cas de la Russie, qui depuis un an et demi dément avec insistance que l’usine de traitement de matières radioactives à Maïak puisse être à l’origine du nuage de ruthénium-106. Depuis la fin septembre 2017, des soupçons se font pourtant entendre concernant un incident qui aurait entraîné une fuite radioactive. Un scénario d’abord écarté par les autorités russes, mais remis au goût du jour par plusieurs dizaines de scientifiques. Parmi eux, le scientifique George Steinhauser, de l’Université Leibniz de Hanovre, qui affirme que le problème serait survenu au moment où les équipes russes tentaient d’enrichir du cérium-144.
Ce 30 juillet 2019, les travaux ont été publiés dans la revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences et les conclusions ne laissent place à aucun doute. Un incident est survenu le 25 et le 26 septembre 2017 sur le site de Maïak. L’analyse des vents et l’étude de différents scénarii tendent à montrer que l’origine du nuage nucléaire qui a traversé l’Europe d’Est en Ouest est bien le complexe nucléaire russe de Maïak. La thèse d’un incident sur un réacteur a été écartée, car seul le ruthénium 106 a été retrouvé dans l’air. La thèse émise par les autorités russes du retour sur Terre d’un satellite doté d’une pile à combustion atomique a également été écartée par les scientifiques.
Le ruthénium 106 a parlé
Avec ce nuage, « sans conséquence tant pour la santé humaine que pour l’environnement » d’après l’Institut de sûreté et de radioprotection nucléaire (IRSN), les scientifiques ont conclu que seul un incident mettant aux prises un site de retraitement de combustible jeune pouvait expliquer ce phénomène. Or, le site nucléaire de Maïak retraite bien du combustible jeune, lequel est généralement – comme en France – immergé dans des piscines situées au sein des centrales elles-mêmes avant leur départ quelques années plus tard dans l’usine de retraitement de La Hague. De plus, si l’agence nucléaire russe a déclaré à l’époque que « les entreprises de Rosatom n’ont rien à voir avec la fuite du ruthénium-106 », l’agence russe de météorologie Rosguidromet n’a pas caché la détection d’une concentration « extrêmement élevée » de ruthénium-106. Ainsi, un village situé à 30 kilomètres de Maïak a enregistré une concentration de ruthénium-106, « excédant de 986 fois » ce qui avait été noté un mois plus tôt.
Aussi, il paraît aujourd’hui difficile de remettre en cause le scénario publié dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences. Mais comme souvent avec la Russie, découvrir le fin mot de l’histoire est compliqué… En l’occurrence, cela met à mal son statut de puissance capable de retraiter efficacement et sans danger les déchets nucléaires d’autres pays. Pour rappel, le site de Maïak avait déjà défrayé la chronique en 1957 avec l’explosion d’un réservoir qui avait libéré dix fois plus de ruthénium 106 qu’en 2017. Le nuage qui a traversé l’Europe il y a près de deux ans est sans danger pour la santé selon les données recueillies alors.
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