Marc Lafosse : « La filière hydrolienne a encore un avenir »

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En charge d’organiser le salon Seanergy, le président de Bluesign et de la commission EMR du Syndicat des énergies renouvelables, ...

Marc Lafosse : « La filière hydrolienne a encore un avenir » - © L'EnerGeek

En charge d’organiser le salon Seanergy, le président de Bluesign et de la commission EMR du Syndicat des énergies renouvelables, Marc Lafosse, a accepté de répondre aux questions de l’EnerGeek. Avant d’évoquer l’événement international des Énergies marines renouvelables (EMR) qui aura lieu à Dunkerque du 5 au 7 juin prochains, il dresse un panorama des technologies disponibles.

Oui, c’est une bonne nouvelle car l’arrivée de Siemens Gamesa Renewable (SGRE) permet à éolien maritime France (EMF) de pouvoir envisager la réalisation de ses projets dans des conditions techniques et économiques quasi-identiques à celles prévues avec les turbines initialement prévues. En passant d’une puissance de 6 à 7MW, le nombre d’éoliennes va surement diminuer un peu, de quoi aussi réduire les emprises des parcs éoliens et satisfaire les autres usagers de ces espaces.

Dès lors que GE a pris la décision de se retirer de 2 des 3 champs d’EMF, il va sans dire que le choix de SGRE comme solution de remplacement préserve au mieux nos intérêts industriels nationaux, puisque les nacelles et pales seront bien produites dans ses usines du Havre.

A contrario, au niveau de la filière éolienne offshore, ce changement de turbine n’est pas une bonne nouvelle car il témoigne de difficultés rencontrées par GE et que pour être compétitive la filière a besoin de faire jouer la concurrence. Sur un marché qui a fait l’objet d’importants rapprochements ces dernières années, il est essentiel de garder plusieurs acteurs forts, en particulier sur l’Europe qui représente aujourd’hui 80% du marché mondial. En ce sens les difficultés de GE ne sont une bonne nouvelle pour personne ; ni pour les territoires ligériens et normands, ni pour les énergéticiens, ni in fine pour les consommateurs d’énergie.

Mais sans plus attendre, il faut désormais agir sur 2 leviers :

– Accélérer les instructions des projets en cours pour permettre à SGRE et GE de fournir les 6 premiers parcs éoliens offshore français.

– Définir une feuille de route ambitieuse en termes de volumes et de planification pour permettre aux industriels et territoires de rentabiliser leurs lourds investissements et à l’Etat de respecter ses engagements en matière de transition écologique.

  • La compétition pour l’appel d’offres de Dunkerque est déjà engagée. A votre avis, quel prix sera proposé par le futur lauréat ? Quels autres critères pourraient être déterminants dans cette compétition ?

Il va y avoir certains dossiers qui vont essayer de casser les prix. Mais le prix du lauréat à Dunkerque devrait surprendre tout le monde, si l’on en croit le Président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). On annonce un prix moyen des 9 consortiums à 51 euros le mégawattheure produit !

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Je ne vais évidemment pas répondre à la place de l’Etat, mais il y a depuis toujours des ambitions d’industrialisation avec ces consortiums, et des attentes fortes de confirmation d’emplois locaux. Pour toutes ces raisons, j’imagine que l’industriel qui proposera un prix dans la fourchette indiquée et qui s’appuiera sur des compétences locales, aura de bonnes chances d’être retenu. D’ailleurs, la localisation du salon Seanergy à Dunkerque cette année, atteste des attentes de nos partenaires. La Communauté urbaine de Dunkerque souhaite développer cette activité sur son Grand port Maritime, mais aussi plus largement dans la région Hauts-de-France, en bonne entente avec nos voisins Belges. À mon avis, le vainqueur n’aura pas négligé cette composante territoriale dans la formulation de son offre.

Mais surtout, je dirai qu’il est temps que cette baisse des coûts que l’on observe partout en Europe, s’applique également en France. L’an passé, le Président de la République a renégocié le tarif d’achat de l’électricité de 2012 et 2014 pour diminuer la part d’investissement public. Cette renégociation a abouti à la confirmation de 6 parcs, tandis qu’un chiffre de 150 euros par mégawattheure a été évoqué. Cette étape est cruciale pour le lancement industriel de la filière française. Il y a derrière cette structuration une attente collective très forte, de nombreux emplois et avec les autres énergies marines, l’écosystème peut avoir de multiples externalités positives.

  • Depuis fin avril 2019, l’embase gravitaire et la turbine d’HydroQuest sont installées sur le site de Paimpol Bréhat, cette technologie est-elle selon vous toujours prometteuse ?

Cette expérimentation d’HydroQuest montre que cet acteur, né en France il y a une dizaine d’années, a su gravir les étapes les unes après les autres. Ils ont d’abord commencé par réaliser des démonstrations avec une certaine réussite, sur un canal grenoblois, puis sur un site isolé en Guyane, sur la ville d’Orléans, mais aussi à Bordeaux. Ils ont par ailleurs inauguré une première ferme de 4 machines sur le Rhône près de Lyon, tandis qu’une ferme de 30 machines est actuellement en cours de préparation, avec notamment la Compagne nationale du Rhône (CNR).

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C’est assez enthousiasmant d’observer qu’en avançant pas à pas, les défis techniques sont relevés les uns après les autres. Sur le fluvial, à côté de Lyon, les porteurs du projet HydroQuest, Hydrowatt (Groupe UNITe) et Voies navigables de France (VNF) communiquent sur un Levelized cost of energy, (LCOE) [NDLR : « coût actualisé de l’énergie »] à 150 euros du mégawattheure produit. C’est une belle étape pour une ferme pilote de très petite taille : seulement 4 machines. La courbe de la réduction de couts est engagée. Elle me semble très cohérente avec les objectifs de la commission européenne qui a établi son plan stratégique (SET plan), en indiquant un LCOE en mer à 150 euros en 2025, et à 100 euros en 2030.

Deuxième point positif, HydroQuest est parvenu à transposer le fluvial vers l’océanique, c’est exactement ce qu’ils réalisent à Paimpol Bréhat. Avec eux, les Chantiers mécaniques de normandie (CMN), Entreprise de taille intermédiaire (ETI), auront l’opportunité de faire briller le savoir français et réussir l’industrialisation de la technologie HydroQuest, née des laboratoires de mécanique des fluides de l’INP Grenoble ! Ensuite, les défis sont encore de taille avec le franchissement de l’étape des fermes pilotes. Pour cela, les industriels des énergies marines pensent que l’Ademe ou les Investissements d’Avenir, voire les financements européens, doivent continuer à être mobilisés au financement de cette économie bleue. Nous restons très mobilisés sur cette étape.

De plus l’hydrolien dispose d’un atout de taille, cette EMR est en effet prédictible. Or, le service qu’apporte un électron prédictible est bien meilleur, que celui d’un électron aléatoire. L’usage de cette technologie est de surcroît particulièrement adapté pour les sites isolés. C’est d’ailleurs ce que démontre actuellement le turbinier breton Sabella. Avec le projet « PHARES » à Ouessant, piloté par Akuo Energy, deux hydroliennes seront connectées au réseau ouessantais, couplées à des solutions de stockage et un peu de photovoltaïque. Dans ces conditions par contre, on ne peut espérer atteindre les mêmes niveaux que l’éolien offshore, ayant 20 ans de maturité technologique, mais on accélère la transition énergétique, avec un modèle économique viable face aux énergies fossiles.

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Il y a encore de l’avenir dans la filière hydrolienne, même si en France le retrait de Naval Énergies a marqué les esprits. Il est indéniable que le potentiel de l’hydrolien est gigantesque à l’échelle mondiale, l’Agence française de développement a d’ailleurs passé un accord avec les autorités indonésiennes. En ce moment, le projet Tidal Energy Potentiel in Indonesia (TEPI) a été lance par l’ESDM (le ministère de l’énergie indonésien) et l’AFD avec pour objectif d’évaluer le potentiel de différentes zones qui pourraient accueillir des hydroliennes en vue de futurs appels d’offres en 2019. Même sans Naval Énergies, nous disposons d’autres turbiniers ; Sabella et HydroQuest nous montrent que c’est possible, tout comme la start-up brestoise Guinard Energy, plongée récemment dans l’Odet. La PPE nécessite des filières industrielles matures, et l’hydrolien, avec sa dizaine d’années d’existence ne disposera pas d’objectifs chiffrés dans le prochain décret. Toutefois, la profession estime qu’il serait possible d’atteindre au moins 100 MW d’EMR en 2028 ; avec la révision de la stratégie en 2023, elle espère qu’elle figurera parmi les appels d’offres prévus par les pouvoirs publics.

Par ailleurs, j’attire votre attention sur le fait que nous aurons aussi de très nombreux acteurs sur le salon Seanergy. Les éoliennes offshore et les hydroliennes ne seront donc pas les seules représentées. Je pense par exemple à l’entreprise Ciel et terre, qui élabore des flotteurs pour le photovoltaïque flottant pour les lacs. Une intervention reviendra notamment sur la construction d’une ferme solaire, avec du photovoltaïque flottant de 2,8 MW au Cambodge, et d’une autre de 70 MW en Chine.

C’est l’exemple même des acteurs français très bien positionnés à l’export. Finalement, de très nombreux cas pratiques viendront illustrer les forces de cette filière, et mettre en lumière les solutions made in France, comme avec les innovations de climatisation par eau de mer pour les besoins de l’hôpital de Tahiti, en Polynésie française.

 

➡ Retrouvez dans quelques jours, sur l’EnerGeek, toutes les informations exclusives sur le salon Seanergy…

 

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