La comparaison entre les systèmes électriques allemand et français montre que l’utilisation de l’énergie nucléaire pour produire de l’électricité est la plus efficace pour réduire les émissions de CO2 associées à ce procédé. Contrairement à une opinion largement répandue, les risques sanitaires associés à cette technologie sont parmi les plus faibles, de même que ses atteintes à la biodiversité. L’opposition des partis « verts » et de nombreuses associations « écologiques » est rationnellement injustifiée, dangereuse et coupable puisqu’elle freine la mise en œuvre de politiques efficaces de lutte contre le réchauffement climatique. Une tribune de Hervé Nifenecker.
La campagne européenne semble avoir du mal à démarrer. Des divergences s’expriment sur les politiques migratoires, sur le rôle des frontières et sur celui de la bureaucratie européenne. Elles ne mobilisent cependant pas les foules, au contraire du réchauffement climatique qui, lui, a inspiré la pétition « L’Affaire du siècle » soutenant la procédure intentée contre l’état français pour défaut d’action efficace contre le réchauffement climatique, qui a fait de Greta Thunberg une idole des jeunes européens dans sa croisade contre l’immobilisme des gouvernements en la matière. Or le thème du réchauffement climatique apparaît très peu dans la campagne européenne, laissant entendre qu’il y aurait unanimité soit sur les solutions à apporter, soit pour n’en pas parler. Cette apparente apathie pourrait bien être le calme avant la tempête. La simple comparaison des mix énergétiques allemand et français justifie ce diagnostic.
L’Allemagne championne des énergies renouvelables
Les Verts français et les Associations qui en sont proches (Greenpeace, WWF, FNE, etc.) ainsi que le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et l’organisme public ADEME, soulignent à l’envie le retard pris par la France par rapport à l’Allemagne dans une transition énergétique exigeant le développement des productions éoliennes et photovoltaïques. Et les chiffres leur donnent raison puisque l’éolien allemand produisait, en 2016, 76 TWh, 3,5 fois plus que le français tandis que le photovoltaïque allemand avec 38 TWh, atteint 4,7 fois plus que son homologue français. On s’attendrait donc à ce que l’Allemagne fasse beaucoup mieux que la France en matière d’émissions de dioxyde de carbone. Las, la figure 1 fait litière de cet a priori.
Cette figure caractérise l’Allemagne, la France et l’Union Européenne grâce à deux paramètres, l’importance relative des énergies renouvelables intermittentes dans le mix électrique et les émissions de CO2 par habitant. Il apparaît sur la figure que l’importance des ENRi dans le Mix n’a aucun effet bénéfique, au contraire, sur les émissions de CO2. Ceci ne signifie pas, bien entendu, que les éoliennes ou les panneaux photovoltaïques émettent du CO2 lorsqu’ils produisent de l’électricité. Mais cela provient des conséquences de leur fonctionnement sur les autres composantes du Mix. En effet, en Allemagne, les ENRi ne représentent que 25% du Mix électrique. Les 75 % restants peuvent fort bien être responsables des émissions élevés de l’Allemagne. C’est ce que montre la Figure 2.
En effet, on peut y voir qu’il y a une corrélation positive entre la part des ENRi et celle des fossiles dans le Mix. C’est une conséquence de l’intermittence de l’éolien et du solaire. L’absence de vent ou de soleil exige que les fluctuations de la production puissent être compensées par les centrales traditionnelles, fossiles ou nucléaires. L’Allemagne ayant décidé d’arrêter ses centrales nucléaires a donc dû maintenir, sinon augmenter, la puissance de ses centrales fossiles. Mais les opérateurs de celles-ci devraient, en principe, diminuer leurs productions lorsque le vent souffle, et par là, perdre de l’argent. Ils souhaitent donc trouver une gestion plus rentable des périodes de vent. La solution est d’exporter le trop produit. Ainsi la production éolienne de 76 TWh en 2018 a-t-elle permis d’exporter 50 TWh dans les pays voisins. Par conséquent, la production éolienne allemande ne joue qu’à la marge sur les émissions de CO2.
La France championne du nucléaire
La figure 3 montre la corrélation entre la part du nucléaire dans le mix électrique et les émissions de CO2. La simple observation de la figure montre que le recours au nucléaire pour produire l’électricité est un moyen puissant pour réduire les émissions de CO2. Parmi les pays européens, seule la Suède, avec du nucléaire et de l’hydraulique fait mieux que la France car elle a, davantage que la France utilisé l’électricité ou le bois pour le chauffage.
Quel choix européen ?
La Commission Européenne affiche, depuis longtemps, l’ambition de construire une politique européenne de l’énergie. On ne voit pas comment une telle politique serait possible sans qu’un choix clair soit fait entre les modèles allemand et français. Avec le modèle allemand l’Europe émettrait 4,5 milliards de tonnes de CO2 par an, alors qu’avec le modèle français ces émissions seraient ramenées à 2,2milliards de tonnes par an.
Dans le dernier rapport du GIEC (Special Report 1.5, SR1.5) il est spécifié, que pour limiter la hausse de la température moyenne de surface à 1,5°C, les émissions de CO2 ne devront pas dépasser 43 Mds de tonnes par an en 2025, avant de décroître, alors qu’en 2018 les émissions ont déjà atteint 37 Mds de tonnes. Pour une population mondiale de 9 milliards, les 43 Mds de tonnes correspondent à 4,8 tonnes par habitant. Les Français émettent 4,38 tonnes par habitant et sont donc, déjà, dans les clous, contrairement aux Allemands qui émettent 8,88 tonnes par an et par habitant.
Dans ces conditions comment comprendre que le choix de l’Europe ne soit pas le modèle français ? Interrogé récemment sur France Culture José Bové donnait l’exemple du courage d’Angela Merkel qui avait décidé la sortie du nucléaire de l’Allemagne. Il citait le fait que l’on ne savait pas démanteler les réacteurs ni gérer les déchets. La plupart des spécialistes pensent le contraire. Mais, même en admettant qu’ils se trompent, constatons que le démantèlement peut attendre sans inconvénient pour le climat ni la biodiversité, et que, actuellement, les déchets sont gérés correctement et sûrement, sans dispersion dans la biosphère, contrairement au CO2, aux rejets toxiques des centrales à charbon et aux plastiques, par exemple. L’action sur les émissions de CO2 est urgente, de l’avis de tous les climatologues.
Régler le problème des déchets nucléaires ne présente aucun caractère d’urgence dans la mesure où ils sont contrôlés et entreposés dans des conditions sûres. Nous avons le temps de trouver des conditions optimisées pour leur stockage à moyen et long terme. Alors pourquoi ceux qui estiment être les gardiens du climat s’entêtent ils à refuser le moyen le plus efficace de le contrôler ? Est-ce la peur associée au mot nucléaire depuis Hiroshima et Nagasaki ? Les réacteurs et autres installations nucléaires civiles n’ont rien à voir avec les bombes. Le nucléaire est victime d’un faux procès.
Le faux procès du nucléaire
De faibles risques sanitaires
L’Union Européenne a procédé à une étude approfondie des risques sanitaires associés aux différentes technologies (étude Externe) de production d’électricité. La revue internationale Forbes a résumé les conclusions de cette étude dans le Tableau 1. Pour le nucléaire les conséquences observées et estimées des catastrophes de TMI, Tchernobyl et Fukushima sont prises en compte.
La catastrophe de Tchernobyl a été beaucoup plus meurtrière que celles de TMi et Fukushima. L’OMS a estimé que le nombre de décès attribuable aux contaminations radioactives consécutives à cette catastrophe serait de l’ordre de 4000. Il s’agit, essentiellement, de cancers provoqués par l’irradiation à moyen et long terme. L’estimation porte sur les 60 ans suivant la catastrophe.
En 2013, une étude sur les décès entraînés par les émissions toxiques des centrales à charbon européennes a été réalisée par l’université de Stuttgart, à la demande de Greenpeace. Cette étude s’est inspirée du programme Externe. Elle conclut à plus de 22.000 morts prématurées chaque année en Europe. Sur 60 ans le nombre de décès prématurés dépasserait donc largement les 1,3 million, 200 fois plus que Tchernobyl, mais Greenpeace s’entête à préférer l’arrêt des réacteurs à celui des centrales à charbon et lignite en Allemagne.
Un faible impact sur la biodiversité
On peut considérer que l’impact sur la biodiversité sera proportionnel à la surface consacrée à la production. Le Tableau 2 montre la surface qui serait nécessaire pour produire 14 TWh par an (énergie produite par un EPR) selon les technologies. Il est clair que le nucléaire est la forme de production d’énergie affectant le moins la biodiversité.
De faibles besoins en matériaux
A titre d’exemple, l’EPR, (1650 MWe) requiert environ 500,000 m3 de béton et 110,000 tonnes d’acier. Les émissions de CO2 estimées lors de la construction de l’EPR ont été évaluées à environ 1 million de tonnes. Pendant 60 ans, un EPR produira environ 720 TWh. On arrive alors à des émissions de CO2 associées aux matériaux de construction de 0.5 g CO2/kWh. A production équivalente, les éoliennes requièrent 8 fois plus de béton et 12 fois plus d’acier que l’EPR.
Un coût compétitif
La différence de compétitivité relative des modèles allemand et français est simplement reflétée dans la différence de prix payé par les consommateurs particuliers allemands et français pour l’achat d’un MWh : 330 €/MWh en Allemagne, et 183 €/MWh en France en 2017.
En conclusion
La simultanéité de la campagne pour l’élection du parlement européen et de la prise de conscience généralisée des dangers du réchauffement climatique devrait mettre ce dernier au coeur de la campagne. En particulier on attend des têtes de liste qu’elles prennent clairement position sur la question du nucléaire qui est le moyen le plus efficace de production d’électricité bas carbone. L’Europe saura-t-elle donner sa préférence au modèle électrique français sur le modèle allemand ?
La question de l’autonomie de l’Europe dans les industries de l’énergie est cruciale. La principale production de cellule photovoltaïque européenne, celle de l’Allemagne produit environ 700 MW/an à comparer aux 17000 produits par l’Inde, 13000 produits par la Chine et 16000 par les autres pays asiatiques. Seule la France est encore capable de construire des réacteurs nucléaires. Mais les difficultés de construction des EPR finlandais et français témoignent d’une perte de compétence de l’industrie française incapable de trouver un nombre suffisant de soudeurs d’aluminium qualifiés et, même de l’Autorité de sûreté nucléaire française qui ne semble plus en mesure d’établir des relations de confiance avec les industriels.
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