La crise des gilets jaunes en France a relancé les débats sur le financement de la transition énergétique, ainsi que sur son efficacité. Ce sujet prend de plus en plus de place sur la scène politique avec les élections européennes prévues le 26 mai 2019. Le rôle de l’Europe dans la transition écologique, remis en cause par certains partis politiques, reste encore flou pour les citoyens européens. Comment l’Europe a-t-elle accompagné ses citoyens dans cette transformation ? Qu’est ce qu’elle propose pour l’accélérer et la rendre plus efficace ? Une tribune de Jasser Jebabli…
La précarité énergétique : un combat européen !
La précarité énergétique, une des raisons explicatives de la crise des gilets jaunes, commence à prendre beaucoup de place dans le débat public français et européen. Mais, la réponse à cette question ne peut pas être seulement nationale.
Hormis les Anglais, bientôt partis de l’union, les 27 états-membres n’arrivent cependant pas à définir ce concept. Et pourtant, au moins 50 millions d’Européens se trouvent aujourd’hui en situation de précarité énergétique. Au niveau européen, la lutte contre la précarité énergétique a été toujours traitée dans le cadre de la transition écologique, indépendamment des politiques sociales des pays membres. Pour pallier l’absence d’un mandat social de la commission européenne, l’UE a décrété, par le biais de la libéralisation et l’harmonisation du marché de l’électricité, plusieurs mesures de protection des droits des consommateurs vulnérables. En 2018, l’Europe a fait encore un pas en avant. Grâce aux nouvelles directives de la performance énergétique, l’UE a exigé aux états membres une mise en œuvre prioritaire à l’égard des ménages les plus modestes et a lancé un observatoire européen de la précarité énergétique pour suivre les politiques mises en place.
L’application de ces mesures reste, toutefois, insuffisante devant l’accentuation de ce phénomène. La dissociation de la politique sociale européenne de la lutte contre la précarité énergétique freine encore ce projet européen. De ce fait, ce combat doit être inscrit dans le cadre d’un pacte social européen pour que l’Europe de la transition écologique soit plus juste et plus efficace.
Une filière européenne de mobilité propre pour plus d’efficacité …
« Une mobilité propre et innovante » : un défi écologique de l’UE. Secteur stratégique de l’économie européenne, le transport est le deuxième émetteur des gaz à effet de serre en Europe. L’UE a déjà envoyé un signal fort à travers de nombreuses politiques de soutien et des incitations réglementaires en faveur de la mobilité propre. Mais, l’Europe ne devra pas se contenter des aides d’achat de véhicules électriques, certes efficaces mais insuffisantes devant la croissance massive des géants américains (Tesla) et chinois (BYD). Par exemple, depuis janvier 2019, les constructeurs automobiles chinois sont obligés de produire au moins 10% de voitures électriques. Définir un quota de production minimal imposé aux constructeurs européens permettrait aux états membres de se décharger des aides et subventions fournies aux Européens et d’accélérer les investissements dans ce secteur compétitif.
Economiquement, l’Europe devra également changer de cap industriel en structurant la filière de stockage autour d’une politique industrielle européenne commune. Cela rejoint le souhait du président français Emmanuel Macron de construire un « Airbus des batteries ». Mais, pour atteindre cette ambition, plusieurs freins doivent être levés. Le financement et la politique de la concurrence européens – défavorables à l’émergence des champions industriels européens – doivent être révisés. Car, sans une politique industrielle commune, aucun État européen ne sera capable de concurrencer les géants chinois qui dominent le marché. L’Europe est, encore une fois, une réponse à une transition énergétique efficace !
Des mécanismes de financement européens
Comme pour la mobilité, sans une union forte, les pays européens ne peuvent pas atteindre leurs ambitions environnementales. La seule solution crédible est de donner un sens « progressiste » au projet européen et d’oser faire un pas vers l’avant pour définir un socle commun. Ce socle devra commencer par la mise en place des mécanismes de financement communs entre les différents États membres. Pour répondre concrètement à cette problématique, la solution d’une taxe carbone européenne aux frontières revient toujours sur la table. Cette taxe, souhaitée par la France depuis des années, rétablirait les conditions d’une concurrence plus équitable entre les produits domestiques, soumis à des taxes carbone, et les produits importés des pays qui ne respectent pas l’Accord de Paris. Capable de rapporter plus d’un milliard d’euros à l’UE, cette taxe ne suscite pas l’enthousiasme de tous les Européens. Les pays, fortement dépendants d’une exportation massive, craignent une guerre commerciale avec la Chine, les Etats-Unis et la Russie. Lors du prochain mandat européen, les États membres ont tous intérêt à se mettre d’accord sur les moyens de financement nécessaires pour mettre en œuvre une transition plus juste aux citoyens européens et plus large, en taxant les pays les plus polluants et capable de financer une éventuelle banque européenne du climat.
Malgré les avancées réalisées sur la transition énergétique au niveau européen, plusieurs efforts sont encore nécessaires afin de répondre à cette urgence climatique. Ces efforts ne seront efficaces que s’ils sont communs entre les différents pays européens. La réussite d’une transition énergétique juste et efficace est, autrement, conditionnée par une Union Européenne forte et visionnaire.
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