Après le colloque annuel de l’Union française de l’électricité qui a eu lieu le 29 novembre dernier, la présidente Christine Goubet-Milhaud revient sur les grands enjeux de la filière électrique. Ainsi, elle nous rappelle entre autres que l’UFE travaille actuellement avec le ministère de la Transition écologique et solidaire pour préparer les emplois verts de demain. Rencontre…
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Qu’avez-vous pensé de la présentation de la PPE par Emmanuel Macron et François de Rugy ?
La présentation faite de la PPE et de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) est équilibrée avec une approche globale des enjeux, non seulement énergétiques mais aussi climatiques, économiques et sociaux.
On peut néanmoins noter que le volet emplois est très peu développé. L’UFE et l’ensemble des acteurs de la filière électrique se sont donc engagés dans un contrat d’étude prospective, avec le soutien des ministères du travail et de la Transition écologique et solidaire, pour mieux appréhender les besoins et les évolutions à venir sur les emplois et les compétences.
La question du pouvoir d’achat est l’autre sujet majeur qu’il faut arriver à mieux prendre en compte dans la stratégie énergétique et climatique. L’efficacité énergétique est l’outil prioritaire pour maîtriser les factures. Mais force est de constater que la fiscalité sur l’électricité est aujourd’hui lourdement taxée, malgré son caractère décarboné. S’agissant de la trajectoire du prix carbone, elle est indispensable pour bien orienter les investissements nécessaires à la lutte contre le réchauffement climatique. Toutefois, la fiscalité environnementale ne doit pas être une fiscalité de rendement : il faut restituer aux consommateurs ce qui est prélevé sur le carbone, afin de donner accès au plus grand nombre aux solutions de substitution, tant en matière de mobilité que de rénovation.
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Alors que l’Europe vise la neutralité carbone, pensez-vous que la stratégie énergétique française va dans le bon sens ?
Il y a une grande convergence entre la stratégie européenne de neutralité carbone à long terme, que la Commission Européenne vient de dévoiler, et le projet de SNBC au niveau français, qui vise également la neutralité carbone. Dans les deux cas, la voie tracée est claire : c’est celle de l’efficacité énergétique et du remplacement des énergies fossiles par des énergies décarbonées, à savoir les bioénergies et l’électricité. Au niveau national comme au niveau européen, le développement de nouveaux usages de plus en plus décarbonés et décentralisés pour les consommateurs fera une part une plus importante à l’électricité, également facteur puissant d’innovation dans une société donnant une place plus importante au numérique. A cet égard, la France a un atout très important car sa production d’électricité déjà très largement décarbonée.
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D’ici à 2035, pensez-vous que les renouvelables seront prêtes, en termes de technologies et de développement sur le territoire, à prendre le relais des 14 réacteurs à fermer ?
L’approche de la PPE sur le mix électrique est très pragmatique. L’UFE avait plaidé pour que toute évolution du mix se fasse en respectant l’impératif absolu de sécurité d’approvisionnement, en ne dégradant pas le caractère décarboné de notre électricité, et en maîtrisant les coûts. C’est ce triptyque qui a conduit aux arbitrages annoncés. La fermeture des réacteurs nucléaires ne peut se faire qu’au rythme où nous saurons les remplacer par des productions elles-mêmes décarbonées. Tout le monde savait que l’objectif 2025 n’était pas réaliste, celui de 2035 l’est beaucoup plus, car il est compatible avec les trajectoires de développement des EnR que nous connaissons en France. Je pense que les EnR seront au rendez-vous en termes de maturité technologique et de coûts de production, car les progrès réalisés sont vraiment spectaculaires. Mais il y a un enjeu dans le rythme de leur développement, car les débats autour de l’acceptabilité restent nombreux, les procédures restent complexes, et tout cela se traduit par des délais encore trop longs entre la conception des projets et leur réalisation.
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Quel est votre sentiment au lendemain de la COP24 ? Peut-on parler d’avancer significatives en matière de climat depuis la COP21 ?
Malheureusement les avancées sont très insuffisantes. Le dernier rapport du GIEC a bien montré qu’il était déjà presque trop tard pour tenir l’objectif des 1,5°C et très difficile de tenir celui des 2°C. Les engagements des Etats ne sont pas à la hauteur, et quand ils le sont les résultats ne sont pas au rendez-vous. Rien qu’en France, et en Europe, les émissions des deux dernières années sont reparties à la hausse. Il faut réaffirmer la nécessité de la transition écologique pour lutter contre le réchauffement climatique. Les Etats, avec toutes les parties prenantes, doivent travailler sur la trajectoire, les moyens et les solutions concrètes afin que cette transition énergétique, qui est aussi sociétale, soit soutenable financièrement, pour les ménages et les entreprises.
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