Au lendemain de la polémique créée par le revirement de Nicolas Hulot sur l’énergie nucléaire et l’impossibilité technique de réaliser l’objectif de baisse de l’atome dans notre mix électrique d’ici 2025, une nouvelle étude vient peser dans la balance de l’industrie nucléaire française et confirmer les craintes du ministre de la transition écologique. Dans un rapport publié mercredi 8 novembre 2017, la société de services informatiques et de conseil Capgemini affirme en effet qu’une énergie nucléaire de complément est indispensable pour accompagner le développement croissant des énergies renouvelables, au risque dans le cas contraire de redonner la main aux énergies fossiles.
L’essor « inéluctable » des énergies renouvelables
Hasard du calendrier ou non, la publication par le cabinet d’étude Capgemini de son « Observatoire annuel mondial des marchés de l’énergie » tombe à pic pour le ministre de la Transition écologique et solidaire. A l’instar du gestionnaire RTE dans son bilan prévisionnel datant du 7 novembre 2017, Capgemini réaffirme dans ce document le rôle indispensable de l’atome dans la transition énergétique et cela malgré le développement croissant des énergies renouvelables.
Devenues désormais « inéluctables », les énergies renouvelables profiteront dans les années à venir d’une compétitivité accrue pour se répandre à travers le monde à un rythme régulier. « L’évolution rapide des technologies de production d’énergie et les gains de productivité associés rendent inéluctable la pénétration des énergies renouvelables, et ce, malgré la fin des subventions en Europe », explique la société de services informatiques et de conseil.
En effet, si de nombreuses filières renouvelables sont toujours très fortement dépendantes du soutien gouvernemental, comme par exemple, le solaire sur bâtiment, l’éolien en mer, la biomasse collective et industrielle, et les énergies marines de manière générale, d’autres ont bénéficié depuis plusieurs années de larges progrès technologiques leur permettant d’abaisser de manière significative leurs coûts de production. L’énergie éolienne (dans sa version terrestre), le solaire et le bois (chez les particuliers) par exemple sont aujourd’hui de plus en plus compétitifs et proposent des tarifs beaucoup plus attractifs, particulièrement dans des pays fortement pourvus en combustibles fossiles. Une enchère pour des moyens de production photovoltaïques en Arabie saoudite a récemment atteint le prix extrêmement bas de 17 dollars par MWh.
L’énergie nucléaire, « un complément décarboné et programmable »
Si cet essor devrait se poursuivre même « en dépit des investissements nécessaires sur les réseaux pour gérer leur caractère intermittent et décentralisé », commente Colette Lewiner, auteure du rapport chez Capgemini, l’absence de solutions de stockage efficientes ne permet pas encore de considérer les énergies vertes comme une solution pérenne capable d’assurer l’approvisionnement énergétique d’un pays comme la France. Bien qu’inéluctable donc, leur développement nécessitera du temps et des investissements importants avant leur éventuelle maturation technologique. « Il faut le temps de lancer des appels d’offres, de choisir les terrains, de mener des études d’impact » pour déployer les énergies renouvelables, explique de son côté à l’AFP Nicolas Goldberg, spécialiste des questions de politique énergétique au sein du cabinet Colombus Consulting.
Or, la volonté de baisser la production nucléaire dans le mix électrique français de 75% à 50% à l’horizon 2025 (remise en cause par Nicolas Hulot) ne prenait pas véritablement en compte les délais nécessaires au développement de ces énergies de substitution. « On avait affiché un objectif, mais sans réfléchir réellement à la trajectoire qu’on allait lui donner », poursuit Nicolas Goldberg. Face à cette difficulté, la France n’aurait eu d’autre choix que d’avoir recours aux énergies fossiles, au risque de ne pas respecter son engagement de réduire ses gaz à effet de serre de 40% d’ici à 2030, par rapport au niveau de 1990.
Le développement actuel des énergies propres en France et en Europe confirme d’ailleurs leur incapacité à prendre seules le relais des combustibles fossiles. Les filières éolienne et solaire, très dynamiques ces dernières années, semblent quelque peu s’essouffler et voient leur progression ralentir sur le vieux continent. Si les énergies renouvelables fourniront bien 30% de la production d’électricité mondiale à l’horizon 2022, contre 24% aujourd’hui, leur rythme de développement devrait fortement ralentir en Europe, du fait d’une consommation d’électricité plus faible qui pourrait générer des surcapacités. Selon le rapport de Capgemini, l’électricité nucléaire reste donc encore nécessaire pour les décennies à venir « en tant que complément décarboné et programmable aux renouvelables ».
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