On l’oublie un peu vite, mais les usages du pétrole ne se limitent pas au seul marché énergétique : même s’il est très utilisé en tant que combustible dans les secteurs des transports et du chauffage, il est aussi une ressource très prisée par les industriels qui l’utilisent pour fabriquer du plastique, des cartes de crédit, des cires, des chewing-gums et autres biens de consommation ordinaire. Or la pollution liée au pétrole le rend de plus en plus hostile aux yeux des défenseurs de l’environnement. Et dans un contexte où la transition énergétique se traduit aussi par un changement des habitudes de consommation énergétique, l’avenir du pétrole est plus que jamais incertain. Pour préparer l’après-pétrole, une entreprise allemande a mis au point un carburant de synthèse capable de le remplacer : le Blue Crude.
C’est à Dresde, en Allemagne, que le Blue Crude a été mis au point par l’entreprise Sunfire. Leur idée : réussir à mettre au point un pétrole synthétique qui soit plus respectueux de l’environnement. En soi, le défi était déjà une gageure, mais pour compliquer encore la tâche des chercheurs, le projet devait aboutir à une alternative possédant les mêmes propriétés que le pétrole afin de s’y substituer plus facilement dans les différents usages industriels.
En mai 2017, l’entreprise allemande a réussi à produire trois tonnes de Blue Crude. La recette ? Du CO2, de l’eau et l’usage de l’électrolyse. Et pour améliorer encore le processus, Sunfire utilise de l’électricité verte lors de la fabrication du carburant synthétique. Grâce à un procédé de fabrication relativement facile à reproduire et à des matières premières faciles à trouver, la recette mise au point semble détenir les clés du succès pour hisser le Blue Crude au sommet du marché des carburants. Mais pour cela, il faudra encore que les coûts de production diminuent. Pour l’instant, Sunfire n’a pas encore communiqué ces coûts de production, mais Nils Aldag, le PDG de l’entreprise, a admis qu’ils étaient supérieurs à ceux du pétrole classique. Selon les experts, le Blue Crude serait à l’heure actuelle deux fois plus cher à produire que le pétrole.
Malgré les coûts de production encore trop élevés du Blue Crude, Sunfire peut tout de même être confiant en ce qui concerne l’avenir de son produit. Car même si l’épuisement des réserves de pétrole n’est pas pour demain, les réglementations environnementales vont peser de plus en plus lourdement sur l’industrie énergétique, et le pétrole risque d’être l’une des premières ressources visées. Utilisé dans les transports, pour le chauffage et dans l’industrie, il est l’une des ressources les plus indispensables. Une alternative qui respecte les directives environnementales aura donc forcément une opportunité de s’imposer sur le marché à l’avenir.
Mais ce qui conforte le plus Sunfire dans sa stratégie pour le Blue Crude, c’est que les constructeurs automobiles sont particulièrement séduits par l’idée de ce nouveau carburant alternatif. En effet, pour finaliser la mise au point de son nouveau carburant synthétique, Sunfire a fait appel au constructeur automobile Audi pour une phase de test complémentaire. Le Blue Crude a donc été testé pour alimenter le moteur d’un véhicule et les résultats sont à la hauteur des espérances de Sunfire : il s’avère que le taux d’octane du Blue Crude est élevé et qu’il offre donc une très bonne combustion. Mieux : comme sa composition ne contient ni souffre ni composés aromatiques, le Blue Crude ne rejette pratiquement pas de suie pendant sa consumation.
Plus largement, le Blue Crude dispose d’un autre argument choc pour séduire : il est si prêt du pétrole que son utilisation ne nécessite aucun changement au niveau du matériel ou du réseau d’approvisionnement. Qu’il s’agisse des véhicules, des stations-service ou des infrastructures industrielles, aucune adaptation ne serait nécessaire pour déployer le Blue Crude à grande échelle.
Persuadé de l’avenir de son produit, l’entreprise allemande Sunfire a décidé de passer à la prochaine étape : la fabrication du carburant à échelle industrielle. Pour cela, elle a récemment annoncer la construction de la première usine mondiale de Blue Crude. Le site choisi se situe en Norvège où le parc industriel Heroya devra abriter cette usine de carburant d’un nouveau genre. Pour développer ce projet de grande ampleur, Sunfire s’est associé à d’autres entreprises comme Climeworks, EDLAnlagenbau et Nordic Blue Crude AS. La future usine sera équipée d’une unité de production d’énergies renouvelables afin de fournir l’électricité verte nécessaire au processus de fabrication du carburant de synthèse. Sa capacité de 20 mégawatts permettra de produire 8 000 tonnes de Blue Crude par an. Les travaux de l’usine devraient commencer avant fin 2017 pour un démarrage de la production prévu courant 2020.
Si cet investissement peut sembler risqué à l’heure actuelle, c’est que le marché des carburants synthétiques ne semble pas encore assez mature. Mais Sunfire fait le pari que la réglementation autour des hydrocarbures va devenir plus contraignante dans les années à venir. De quoi donner un coup de pouce aux nouveaux carburants. Dès que le marché sera prêt, Blue Crude sera prêt à être déployé à grande échelle.