Pas besoin d’être une mégalopole aux budgets pharaoniques pour se lancer dans la transition énergétique. Depuis 2016, la petite commune bretonne de Saint-Sulpice-la-Forêt peut se targuer d’être l’une des plus petites smart cities du monde. Les moyens limités de la commune ne l’ont pas empêché de se lancer dans un projet ambitieux pour refondre sa politique énergétique. Après un an d’existence, le projet Smart Saint-Sulpice a permis à la commune de rationaliser sa consommation d’énergie tout en diminuant ses dépenses. Une expérience particulièrement emblématique de l’élan qui touche de plus en plus de petites communes françaises qui ont décidé de repenser totalement leur modèle énergétique.
Une fuite d’eau comme source d’inspiration
Tout le projet Smart Saint-Sulpice est parti d’une fuite d’eau. En 2016, Yann Huaumé, le maire de Saint-Sulpice-la-Forêt, découvre avec surprise une facture d’eau anormalement élevée. Après une enquête interne menée par les services de la mairie, on découvre une fuite d’eau dans la salle polyvalente de la ville. Présente depuis plusieurs mois déjà, la fuite n’avait pas été détectée et elle a fait flamber à elle seule la facture d’eau de la commune. Une histoire anecdotique qui sert pourtant de déclic aux responsables de la commune. Car l’eau n’est pas le seul problème, l’électricité aussi coûte de plus en plus cher aux habitants : entre 2006 et 2014, la commune a vu sa facture électrique augmenter de 9%. Le maire et son conseil municipal décident de faire la chasse aux coûts inutiles. Et le premier poste de dépenses concerné touche à l’énergie. En plein élan de la COP21, la ville a signé la Convention des maires et s’est engagée à faire baisser ses émissions de CO2 de 20% à l’horizon 2020.
Bien décidée à entamer sa transition énergétique, la ville commence donc à prospecter pour trouver des entreprises partenaires capables de lui proposer des solutions adaptées à ses besoins et peu coûteuses car elle n’a pas les moyens de changer complètement son réseau ou d’investir dans de nouveaux câblages. Tout naturellement, la commune fait appel à Rennes Saint-Malo Lab, un fonds de financement développé par Rennes Métropole qui vise à soutenir la mise en œuvre de projets de transition énergétique pour les petites communes. Outre un soutien financier, le fonds permet aussi aux élus locaux d’entrer en contact avec des entreprises innovantes de la région.
Le projet Smart Saint-Sulpice
Grâce au fonds de soutien Rennes Saint-Malo Lab, la petite commune entre en contact avec deux sociétés de la région, Alkante et Wi6labs, pour mettre en œuvre une nouvelle stratégie énergétique qui imite le modèle des smart cities émergentes, avec en priorité la volonté de faire la chasse au gaspillage. La première contrainte à laquelle se heurtent les deux entreprises, c’est le budget limité pour tout le projet. Avec une enveloppe modeste, la ville ne peut pas envisager de changer radicalement son réseau d’approvisionnement. C’est là que l’innovation prend le relais pour proposer des solutions moins radicales et plus adaptées au projet Smart Saint-Sulpice.
La start-up rennaise Wi6labs est spécialisée dans la mise en place de capteurs sans fil et longue portée. Ces capteurs servent de points de contrôle pour dresser le bilan énergétique d’un bâtiment. Dans le cadre du projet Smart Saint-Sulpice, la jeune entreprise est intervenue pour installer un réseau de trente capteurs dans les six bâtiments de la commune : la mairie, l’école, la salle polyvalente, le gymnase, le centre culturel ainsi que cinq autres locaux techniques de la ville. Ces capteurs, directement installés sur les différents réseaux d’approvisionnement de la commune sont capables de mesurer en temps réel la consommation d’électricité, de gaz, d’eau ainsi que la courbe de chauffage de chacun des bâtiments. De quoi dresser un profil énergétique complet de la ville et de ses habitudes de consommation. La seconde entreprise, Alkante, travaille à partir des données collectées pour les analyser et ainsi permettre à la commune de mieux se rendre compte du détail de sa consommation. Ainsi, grâce à ces nouveaux indicateurs de suivi, la commune a pu se rendre compte qu’elle avait une consommation d’électricité au-dessus de la moyenne et identifier les bâtiments énergivores sur lesquels il fallait intervenir pour réajuster cette consommation.
18 mois d’expérience et déjà des résultats
Le projet Smart Saint-Sulpice a été lancé il y a déjà un an et la phase de test en conditions réelles avec le réseau de capteurs doit encore durer six mois. Pourtant, la commune est déjà très enthousiaste et les premiers résultats se sont déjà faits sentir. Si la ville n’a pas encore atteint son objectif de réduction de 20% de sa facture énergétique, elle est sur la bonne voie et surtout sa consommation électrique est revenue à la normale, ce qui a entraîné des économies. Pour l’année 2016, la facture énergétique annuelle de la commune était de 58 000 euros, ce qui représente déjà une baisse de 15% par rapport à la facture de 2015. Et la commune pense encore faire des économies cette année. Le premier adjoint au maire, Benoît Vagneur, coordonne le suivi de la consommation grâce aux informations et aux préconisations soumises par Alkante. Des alertes de consommation ont permis de piloter plus efficacement le réseau d’approvisionnement de la ville, notamment en ce qui concerne la facture de chauffage.
En seulement douze mois, Smart Saint-Sulpice affiche donc déjà de beaux résultats. La démarche des élus locaux a inspiré d’autres communes de la région pour entamer elles aussi une mutation dans la gestion de leur consommation énergétique. Mais le modèle de cette commune bretonne a largement dépassé les frontières françaises : en mai dernier, la ville de Shanghai a envoyé une délégation de représentants pour visiter Saint-Sulpice-la-Forêt et observer l’installation. Une success story qui prouve qu’en matière de transition énergétique, les petites villes n’ont rien à envier aux grandes.
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