Le 1er février, l’Assemblée nationale va examiner le rapport d’information sur la faisabilité technique et financière du démantèlement des infrastructures nucléaires, présenté par Barbara Romagnan. L’occasion idéale pour le journaliste de L’Express, Matthieu Scherrer, de revenir sur « la French Tech du démantèlement ». Aujourd’hui, alors que certains estiment ce marché à plusieurs centaines de milliards d’euros, la filière française fait entendre ses arguments.
La législation française et le démantèlement des installations nucléaires
En France, plusieurs installations nucléaires (laboratoires, usines, réacteurs) ont déjà été démantelées. D’autres, comme la centrale de Brennilis ou l’usine d’enrichissement d’Eurodif, font actuellement l’objet de travaux de la part des énergéticiens qui doivent assurer leur démantèlement « dans un délai aussi court que possible », pour être en conformité avec l’article L. 593-25 du code de l’environnement. Lors de ses vœux aux agents, Jean Cucciniello, directeur de la centrale nucléaire de Brennilis, a pu préciser le calendrier des travaux pour le prototype fonctionnant à l’uranium faiblement enrichi, modéré à l’eau lourde et refroidi au gaz carbonique. Tout en assurant que « le dialogue avec les acteurs du territoire continuera », il affirme pouvoir achever le démantèlement du réacteur à l’horizon 2031.
Si les exploitants sont en charge des opérations, la procédure est encadrée de manière très stricte. En effet, depuis 2006, la réglementation relative au démantèlement des installations nucléaires de bases (INB) a été complétée par la loi n°2006-686, relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire codifiée par décret le 2 novembre 2007 et ayant fait l’objet d’un arrêté le 7 février 2012.
Ainsi, un chantier ne peut débuter qu’après la publication d’un décret dit de MAD DEM (Mise à l’Arrêt Définitif et Démantèlement). Et le démantèlement n’est considéré achevé qu’après avoir été déclassé au sens de l’article L. 593-33 du code de l’environnement. A noter également, il revient à l’Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA) de surveiller les centres de stockage des déchets. Toutefois, avant d’être transférés vers le centre industriel de stockage géologique (CIGEO), certains déchets sont entreposés dans l’Ain, sur le site de la centrale de Bugey, grâce à l’ICDEA (Installation de Conditionnement et d’Entreposage de Déchets Activés).
L’exemple du réacteur SILOE : un process industriel maîtrisé
Il y a deux ans, en janvier 2015, le réacteur nucléaire expérimental SILOE a été déclassé, point d’orgue du processus d’assainissemnet entamé en 2001 par le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA). Ce déclassement s’est déroulé suivant trois étapes : le retrait du combustible afin d’assurer son stockage dans des piscines de désactivation, le démantèlement des bâtiments et des équipements au contact du réacteur, et pour finir, la détruction et la décontamination du reste du site.
Interrogé sur la maîtrise du processus, Arnaud Gay, vice-Président d’Areva, explique : « il n’y a pas de problème d’impossibilité technique à réaliser ces opérations, les bagages technique nous l’avons, les vrais enjeux sont sur la maîtrise des processus réglementaires, puisqu’il s’agit là de manœuvres qui se réalisent en permanence en dialogue avec l’Autorité de sûreté, et sur la maîtrise de l’ensemble des parties prenantes puisqu’on utilise des sous-traitants et qu’il faut que tout le monde travaille ensemble pour régler les problèmes ». Dans un article publié cette semaine dans l’hebdomadaire L’Express, la directrice adjointe de la direction du démantèlement pour les centres civils au CEA, Laurence Piketty, souligne de son côté la difficulté « de standardiser les opérations » et évoque également « l’éclatement des acteurs » comme un problème stratégique.
La filière nationale se structure pour conquérir le marché mondial
C’est afin de limiter ces écueils que le Pôle d’excellence de Valorisation des Sites Industriels (PVSI) a été créé en 2014. Le rôle de cette association, fédérer les différents acteurs qui interviennent dans les différentes opérations de démantèlement, qu’il s’agisse des spécialistes de l’énergie comme EDF, Areva ou le CEA, ou d’industriels tels que Bouygues ou Vinci ou encore des entreprises spécialisées dans le secteur numérique comme Cyberia ou Oreka Solutions. Une synergie d’autant plus cruciale qu’à en croire le président d’Oreka Solutions, Luc Ardellier, « le digital fait gagner en efficacité et en sécurité à chaque étape du chantier ».
Afin d’améliorer l’offre française dans un marché mondial estimé à 220 milliards jusqu’en 2030, chaque détail a son importance. Et bien que le marché français représente à lui seul 30 milliards d’euros et que les experts estiment que seuls « 30% des chantiers dans le monde devraient être pleinement ouvert à la concurrence internationale », la filière de démantèlement tricolore ne doit négliger aucun détail pour gagner ses lettres de noblesse à l’étranger. Pour le directeur exécutif d’EDF en charge de la direction ingénierie et projets nouveau nucléaire Xavier Ursat, la réorganisation de la filière présente une réelle occasion de « repartir à la conquête des nouveaux marchés », en Asie notamment mais aussi en Afrique, où les perspectives sont collosales si l’opérateur parvient à élaborer des « miniréacteurs ».
Crédits photo : @EDF – CONTY BRUNO
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