Elle est devenue la centrale nucléaire la plus célèbre de France : Fessenheim, située dans le Haut-Rhin, fait l’objet de débats quant à sa fermeture depuis plusieurs années. Mais hier, EDF et le gouvernement français sont enfin parvenus à un accord sur son avenir. L’objectif : lancer une procédure de fermeture pour un arrêt en 2018. Pour y parvenir, l’Etat consent à une indemnisation d’EDF. Mais tout n’est pas joué pour autant : la fermeture de Fessenheim a un coût et pourrait être remise en question dès le mois de mai prochain par le nouveau locataire de l’Elysée.
La plus vieille centrale nucléaire française
Inaugurée en décembre 1977, la centrale nucléaire de Fessenheim possède aujourd’hui le titre de « plus vieille centrale nucléaire française ». Au fil des années, EDF a investi près de 280 millions d’euros pour assurer sa maintenance, mettre sa sécurité à niveau et la rénover. Alors pourquoi sa fiabilité est-elle remise en cause ? Même s’il est envisageable de rénover différentes parties de l’installation d’une centrale, certains éléments (comme la cuve) ne sont pas remplaçables. D’où un risque pour la sécurité de la structure et de la production. Malgré cet argument, la centrale de Fessenheim pourrait encore être exploitée. Son coût de fonctionnement serait plus élevé, mais l’Autorité de Sûreté du Nucléaire (ASN), autorité indépendante compétente en matière de sureté nucléaire dans l’Hexagone, a déjà donné son feu vert.
Mais à travers Fessenheim, c’est bien l’avenir du parc nucléaire français qui est remis en question. Car si Fessenheim est la plus vieille centrale en activité, le reste du parc est à peine plus jeune : sur dix-neuf centrales, dix ont plus de trente ans. Les questions soulevées par le maintien de l’exploitation du site de Fessenheim servent donc de test pour savoir quelle sera la stratégie de l’Etat pour le reste du parc nucléaire. En ouvrant pour la première fois le débat sur la fermeture d’une centrale nucléaire, le gouvernement espère en effet faire jurisprudence en la matière. Un moyen d’avancer ses pions pour défendre la nécessaire transition vers les énergies renouvelables.
Un accord de fermeture à l’arraché
Mardi 24 janvier, le conseil d’administration d’EDF a approuvé le plan d’action proposé par l’Etat français en vue de stopper l’exploitation de Fessenheim.
Promesse du candidat Hollande lors de la campagne présidentielle de 2012, la fermeture de Fessenheim a été l’objet d’intenses tractations entre EDF et l’Etat. Car même si l’Etat reste l’actionnaire majoritaire de l’électricien, l’entreprise n’est pas encore disposée, principalement pour des raisons de sécurité d’approvisionnement, à dire adieu à l’une de ses dix-neuf centrales. Du moins pas sans une compensation. A quelques mois de la fin du mandat présidentiel, il semble que la promesse soit réalisée… si ce n’est que la fermeture décidée hier ne pourra pas intervenir avant 2018. A cette date, un nouveau Président de la République aura été élu et la stratégie politique en matière de nucléaire aura peut-être évoluée. François Fillon s’est déjà exprimé en faveur d’un maintien en l’état du parc nucléaire français, considérant les centrales comme un « une richesse nationale » à préserver le temps d’amorcer la transition énergétique. Pour les écologistes et les ONG en revanche, le maintien du nucléaire demeure l’obstacle principal face au développement des énergies renouvelables. A leurs yeux, laisser les centrales en activité, c’est retarder encore l’avènement des énergies renouvelables. Vaste débat qui à l’heure actuelle, est loin d’être tranché.
D’autant que l’une des conditions de l’arrêt de Fessenheim est la mise en service d’autres sites de production nucléaires. Dans le compromis passé avec l’Etat français, EDF a obtenu une clause précisant que la fermeture de Fessenheim ne pourrait intervenir avant la mise en service de l’EPR de Flamanville. Dans la foulée, l’Etat autoriserait également EDF à redémarrer le deuxième réacteur de la centrale de Paluel. Autre clause de l’accord : le versement de 490 millions d’euros par l’Etat à EDF au titre d’indemnisation. Cette somme doit couvrir le manque à gagner de l’électricien qui en fermant la centrale, perd une capacité de production de 1 800 MW. Sans compter que le démantèlement de la centrale aura lui aussi un coût élevé.
Fermer Fessenheim et sortir du nucléaire ?
Certes sensibles et sensibilisés aux arguments de sécurité, les Français restent majoritairement favorables au nucléaire. Avec 75% de la production d’électricité d’origine nucléaire, la France est l’un des pays d’Europe où le prix de l’électricité est le moins cher pour les consommateurs. Et cette électricité ne pollue pratiquement pas puisqu’elle rejette autant de CO2 que l’électricité produite par l’éolien. Reste la question de la sécurité des installations. L’Autorité de Sûreté du Nucléaire a jugé que les deux réacteurs de Fessenheim pouvaient encore être exploités pendant six ans sans risque. Un avis en cohérence avec des situations similaires hors frontières hexagonales. Aux Etats-Unis par exemple, les autorités de sûreté comptent exploiter certaines centrales nucléaires dotées de technologies comparables à elle de la France au moins soixante ans. Il est même question de passer à quatre-vingt ans d’exploitation pour certaines centrales.
Aujourd’hui, le coût de production et de distribution des énergies renouvelables est plus élevé que celui du nucléaire. Mais ce coût est appelé à baisser dans les années à venir, rendant cette énergie verte plus compétitive alors que dans le même temps le coût du nucléaire risque d’augmenter progressivement. Pour assurer une facture à peu près stable aux foyers français et continuer à couvrir les besoins énergétiques du pays, EDF sera probablement contraint de revoir sa stratégie. Une stratégie qui ne pourra nécessairement pas tourner le dos au nucléaire du jour au lendemain, mais qui devra se pencher sur la question de sa complémentarité avec le déploiement des énergies vertes. Loin d’être un événement isolé, la fermeture de Fessenheim, donnera vraisemblablement le coup d’envoi de la sortie du nucléaire français.
Source : @EDF – DIDIER MARC
Laisser un commentaire