La Cour constitutionnelle allemande a donné raison mardi aux producteurs d’énergie qui réclamaient depuis 2012 une compensation financière à la sortie accélérée du nucléaire outre-Rhin, revenant ainsi sur l’une des mesures phare d’Angela Merkel. La chancelière avait en effet engagé en 2011 une politique de transition énergétique basée entre autres sur le retrait accéléré du nucléaire. Un virage énergétique radical qui pourrait désormais coûter très cher à l’Etat et aux contribuables allemands.
Un désengagent du nucléaire coûteux
Le désengagent nucléaire progressif mais toutefois assez soudain de l’Allemagne décidé en 2011 suite à la catastrophe de Fukushima a placé le pays dans une situation énergétique complexe. Se tournant pleinement vers les énergies renouvelables, elles fournissaient 32,5 % de sa production électrique dès 2015. Le pays devrait donc réaliser son objectif d’augmentation à 35% de la part d’énergies renouvelables dans son mix énergétique en 2020.
Ces chiffres éloquents cachent toutefois une réalité bien moins réjouissante en matière de coût de l’électricité et de taux d’émissions de CO2. Car dans le même temps qu’elle renonçait au nucléaire, l’Allemagne est devenue l’un des pays européens les plus pollueurs (du fait d’un recours au accru au charbon) mais également l’un des pays, avec le Danemark, où l’électricité est la plus chère (quasiment deux fois plus cher que les tarifs pratiqués en France).
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Les énergéticiens allemands devant la justice
Et la situation pourrait bien empirer au regard du contentieux qui oppose aujourd’hui le gouvernement et les opérateurs de centrales nucléaires allemandes. Ces derniers (E.ON, RWE, et Vattenfall), s’estimant lésés par la décision de Berlin d’accélérer la sortie de l’atome à la fin 2022 et de mettre à la retraite les huit réacteurs encore en activité, ont porté plainte en 2012 devant la justice allemande dans le but de faire valoir leur droit fondamental à la propriété et d’obtenir réparation des préjudices subis.
Les industriels, déjà confrontés à la baisse des prix de gros, aux problèmes de rentabilité des centrales à charbon et à la concurrence des énergies renouvelables, comme l’éolien ou le solaire, considèrent que la décision de Berlin a sérieusement contribué à aggraver leur situation financière. « La question est simplement : a-t-on le droit, du jour au lendemain, de priver les gens – puisque nous appartenons à des gens – de leur patrimoine, sans indemnisation », avait argumenté le patron du numéro un allemand de l’énergie EON, Johannes Teyssen, lors d’une audience à la mi-mars.
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Un indemnisation garantie par la constitution
Une question à laquelle la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a finalement répondu par la négative. L’autorité judiciaire a en effet estimé dans un jugement rendu mardi 6 décembre que la décision du gouvernement de fermer toutes les centrales d’ici 2022 était partiellement contraire à la constitution allemande car elle ne prévoyait pas d’indemniser les groupes de services aux collectivités pour le manque à gagner.
Le gouvernement allemand « était autorisé à prendre l’accident de Fukushima comme raison à l’accélération de la sortie du nucléaire afin de protéger la santé publique et l’environnement », ont estimé les juges suprêmes. Mais les énergéticiens sont en droit de demander « une compensation adaptée » à Berlin, qui avait ordonné « la fermeture de plusieurs vieux réacteurs », ajoutent-ils dans leur verdict.
La Cour n’a pas chiffré le montant de ces dédommagements mais demandé au gouvernement de trouver un compromis avec les plaignants d’ici juin 2018. La presse évoquait, avant ce jugement, des demandes de dédommagement de l’ordre de 20 milliards d’euros.
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Des précédents en Europe
La question de l’indemnisation des exploitants de centrales s’était aussi posée en Suisse lors du vote « Pour la sortie programmée de l’énergie nucléaire », refusée par 54,2% des votants le 27 novembre dernier, mais également en France dans le cadre de la fermeture programmée de la centrale de Fessenheim. Le Conseil constitutionnel avait considéré en août 2015, lors du vote de le loi sur la transition énergétique, que le texte n’empêchait en rien l’exploitant de « prétendre à une indemnisation du préjudice subi » s’il est contraint de fermer un réacteur pour respecter le nouveau plafond imposé au parc nucléaire français.
Un accord a été trouvé par la suite avec l’opérateur EDF. Il prévoit une indemnisation par étapes, avec une première étape de 100 millions d’euros et des étapes ultérieures fonctions de plusieurs paramètres, dont le prix de l’énergie dans les années suivant la fermeture.
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Crédits photo : RWE
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